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Gabriel Fal, directeur général de Cgf - Bourse : « La facturation supplémentaire des appels entrants est tout simplement une taxe indirecte »

mardi 13 septembre 2011

Simple coïncidence ou relation de cause à effet ? La performance de l’action Sonatel est en baisse.Des 170 mille francs Cfa auxquels les analystes financiers internationaux le valorisaient, il a dégringolé en quelques mois pour atteindre 122 mille francs Cfa hier à la clôture de la Brvm.Gabriel Fal, président directeur général de Cgf Bourse explique, dans cet entretien, que l’affaire des appels entrants que le gouvernement a dépoussiéré n’est pas étrangère à cette plongée de l’action Sonatel.

Wal Fadjri : Depuis la crise post-électorale ivoirienne, le marché financier de l’Uemoa a connu une certaine léthargie. Qu’est-ce qui explique cela, selon vous ?

Gabriel Fal : En fait, les conséquences de la crise internationale de septembre 2008, suite à la chute de la banque américaine Lehman Brothers, ont eu leurs répercussions sur la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm) en 2009 qui a été une assez mauvaise année dans la mesure où les volumes de transactions ont baissé de plus de 15 % et les cours ont aussi chuté de près de 30 %. Par contre, 2010 a été une année de reprise et d’espoir puisque le marché anticipait une issue favorable à 11 années de crise politique en Côte d’Ivoire dans le sillage de l’élection présidentielle de novembre/décembre 2010. Comme vous le savez, la situation a dégénéré en un conflit post-électoral puis en une quasi-guerre civile en Côte d’Ivoire. Au niveau de la Bourse, cela s’est traduit par une réduction des volumes de transaction de plus de 85 % et une cessation des activités de toutes les Sociétés d’intermédiations boursières (Sgi) ivoiriennes. Par contre, les cours, c’est-à-dire le prix des actions, sont restés assez stables. Cela veut dire que les épargnants et les investisseurs régionaux et internationaux étaient convaincus que la situation en Côte d’Ivoire allait se rétablir à brève échéance.

Quelles sont aujourd’hui les perspectives de la Bourse en tant qu’instrument d’intégration au niveau de l’Uemoa ?

Parlons d’abord de l’intégration. Au niveau de l’Uemoa, les grandes institutions que sont la Bceao, la Commission, la Boad, le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (Crepmf) ou la Cour de justice sont des structures auxquelles le public n’a pas vraiment accès sur une base quotidienne. Par contre, la Bourse et le Marché financier offrent la possibilité à tout un chacun de pratiquer l’intégration. Ainsi, un particulier résidant au Sénégal peut acheter une action d’une entreprise béninoise ou souscrire à un emprunt obligataire du Burkina Faso directement à partir de sa Sgi locale.

Au niveau des activités boursières, l’année 2011 a assez mal commencée car nous avons été pénalisés par la fermeture des banques ivoiriennes. En effet, l’activité boursière de la Brvm s’appuie sur le système bancaire intégré de l’Uemoa aussi bien pour le règlement des transactions que pour une partie de la conservation des titres. Depuis la fin des hostilités en Côte d’Ivoire et le rétablissement des institutions, le marché va mieux avec un engouement marqué pour les valeurs d’exportation ivoiriennes surtout en ce qui concerne les secteurs de l’hévéa et de l’huile de palme. Bien entendu, la récente crise internationale de la dette a une influence négative sur les volumes de transactions mais les investisseurs anticipent une sortie de crise rapide en Côte d’Ivoire avec une reprise sensible des investissements productifs dans pratiquement tous les secteurs.

Nous avons observé depuis quelques semaines, une tendance à la baisse du cours de l’action Sonatel. Est-ce que le titre subit ainsi l’impact de la crise qui a secoué le marché financier international ?

Oui, bien sûr. Dès que les marchés tanguent, les investisseurs surtout les ‘hedge funds’ anglo-saxons (organismes de détention collective d’actifs financiers, dont la particularité réside dans le rendement élevé de ces placements, Ndlr), suspendent leurs activités d’investissement et cèdent leurs actifs les plus liquides. Ensuite, l’inversion des courbes de l’offre et de la demande fait baisser les cours. La Sonatel étant la valeur la plus prisée et donc la plus détenue par les fonds étrangers, il est logique qu’une crise internationale en affecte le prix. Mais la crise internationale n’est pas le seul facteur affectant le prix de l’action Sonatel. Il y a aussi des facteurs endogènes et locaux.

‘La facturation supplémentaire des appels entrants est tout simplement une taxe indirecte.’

S’agit-il d’une conséquence de la publication des résultats du premier semestre 2011 de l’entreprise qui a vu son résultat net baisser par rapport à celui du premier semestre 2010 ?

La Sonatel explique cette baisse de résultat par une baisse des résultats de sa filiale malienne, Orange Mali dont les états financiers sont consolidés avec ceux de la Sonatel. Orange Mali bénéficiait d’une franchise temporaire d’impôts sur les sociétés de 8 ans dans le cadre de l’octroi de la licence accordée en 2002. Cette franchise a expiré et Orange Mali devient donc redevable d’impôts sur les sociétés de 17,8 milliards de francs Cfa au 1er semestre 2011 contre absolument rien les années précédentes. Ceci est vrai, mais il y a une situation structurelle qu’il faut aussi mentionner à savoir que la plupart des grands opérateurs en Afrique, dont la Sonatel, ont atteint le stade de la maturité et ne connaîtront probablement plus la même croissance à 2 chiffres qu’ils ont connue pendant les 10 dernières années. Cela veut dire que les investisseurs ne parient plus sur la possibilité de faire de substantielles plus-values en capital sur le titre Sonatel sauf si cette dernière devait acquérir une licence à fort potentiel dans un pays peuplé et sous équipé en téléphonie mobile. Cette nouvelle licence devra, en tous cas, être plus intéressante que les licences guinéennes et bissau-guinéennes, relativement petites, acquises après le succès du Mali.

Par contre, la croissance interne continuera mais à un rythme moins soutenu que dans le passé. Heureusement que Sonatel a un bon historique de paiement de dividendes, d’ailleurs un des meilleurs parmi les opérateurs téléphoniques en Afrique et elle continuera à susciter l’intérêt des investisseurs pour cette raison.

Le gouvernement du Sénégal a décidé, par décret, d’instaurer un système de contrôle et de taxation des appels entrants. Qu’en pensez-vous ?

Hors affaire des appels entrants, les analystes financiers internationaux valorisent actuellement l’action Sonatel à 170 mille francs Cfa. Or, le cours du jour est aux alentours de 125 mille francs Cfa. Cela veut-il dire que cette affaire pénalise le titre de plus de 26 % de sa valeur théorique ? Très certainement. Dans ce genre de situation, l’application d’un principe peut être plus préjudiciable que le principe lui-même. Je m’explique : cette facturation supplémentaire des appels entrants est tout simplement une taxe indirecte. Le principe est de savoir si un Etat souverain peut décider d’appliquer une nouvelle taxe au détriment de la compétitivité d’une entreprise majeure et ou d’un secteur important. La réponse est oui même si c’est dommage d’affaiblir un champion national et continental comme le dit justement le Président de la Cnes, Mansour Kama.

Concernant l’application de la mesure, j’ai cru comprendre qu’il est prévu qu’une société privée étrangère, mandataire de l’Artp, installe ses équipements de contrôle directement dans les centraux de la Sonatel pour mesurer le trafic des appels entrants. Ce qui permettra à l’Artp de facturer l’opérateur sur la base d’un tarif fixé par décret et dont l’augmentation par rapport au tarif actuel serait de l’ordre de 60 %. En valeur absolue, cela génèrerait environ 60 milliards de francs Cfa de produits en faveur de l’Etat à partager avec la société étrangère sur la base d’un rapport 50/50 des revenus. Soit un gain net pour l’Etat de 30 milliards.

En quoi cette disposition est-elle susceptible de perturber la vie de l’entreprise ?

D’abord le principe de liberté de fixation des prix par l’opérateur qui prévaut internationalement dans l’industrie des télécoms semble remis en cause. Ensuite, c’est délicat d’imposer la présence physique d’une société privée non souhaitée dans le centre nerveux d’une autre entreprise. Car, qu’on le veuille ou non, un agent assermenté de l’Artp, agence de l’Etat, ce n’est pas la même chose qu’un employé d’une société privée même si elle a été désignée comme mandataire.

Sur le plan fiscal, ce schéma, s’il est adopté, pose plusieurs problèmes. D’abord, une taxe qui ne rapporte que 50 % du prélèvement est d’un rendement plus que médiocre. Mais un bon appel d’offres international peut facilement corriger cette insuffisance et améliorer ce rendement à 85 ou 90 %, compte tenu du faible coût du matériel et de la prestation de la société privée mandataire. Par ailleurs, en termes de recettes fiscales perdues, l’augmentation du tarif entrant aura des répercussions sur les volumes et les prix des communications vers le Sénégal des grands opérateurs européens et américains et donc sur les recettes de la Sonatel. Or, qui dit baisse des recettes dit baisse de l’assiette imposable et donc baisse des revenus fiscaux de l’Etat. De même, l’incontournable réciprocité des opérateurs étrangers (surtout africains) va augmenter les coûts du trafic sortant vers ces pays. Ce qui se traduira, soit par une augmentation des prix locaux et donc une baisse de volumes, soit par un accroissement des charges de la Sonatel. Comme vous le voyez, les experts de la direction des impôts et domaines qui réalisent l’étude d’impact fiscal vont d’abord devoir mesurer l’amplitude des variations de volumes par rapport aux nouveaux tarifs pour pouvoir confirmer le bien fondé économique, ou non, de la mesure. Je ne crois pas que ce soit aussi facile que cela.

‘Le modèle de privatisation de la Sonatel a été un des plus efficaces en Afrique. L’acquéreur France Télécom a eu l’intelligence de conserver l’équipe de direction de jeunes cadres sénégalais’

Vous semblez assez pessimiste sur l’avenir de la Sonatel en Bourse, est-ce une conséquence de ce décret sur les appels entrants ?

Vous savez, le succès de la Sonatel ne s’est pas construit en un jour ni par un seul acteur. Dès le milieu des années 1980, l’Etat socialiste a pris des mesures fiscales d’exonération des droits de douane sur le matériel de Télésénégal puis de la Sonatel. La direction a su préparer une entreprise performante en vue de la privatisation. Le modèle de privatisation de la Sonatel a été un des plus efficaces en Afrique. L’acquéreur France Télécom a eu l’intelligence de conserver l’équipe de direction de jeunes cadres sénégalais (ce qui ne s’est jamais fait ailleurs) pour une gestion post-privatisation excellente, tout en apportant son savoir-faire et son expérience. Le ‘plan d’actionnariat salarié’ a permis de motiver les employés et de leur permettre de mieux appréhender les enjeux capitalistiques de leur entreprise. Le Président Wade a su défendre l’entreprise quand la Brvm en avait suspendu la cotation suite à des dérapages verbaux de hauts fonctionnaires sur la pertinence stratégique de la Sonatel dans le contexte sénégalais. Le Public a toujours soutenu l’entreprise aussi bien commercialement qu’au niveau de ‘l’actionnariat populaire’. A partir de ce constat, ce que je dis est simple : si tous les acteurs concernés, à savoir l’Etat, le Management, France Télécoms, l’Intersyndicale et le grand public agissent de concert dans le cadre d’un consensus gagnant-gagnant, nous créerons de la valeur. Dans le cas contraire, nous détruirons de la richesse.

Propos recueillis par Seyni Diop

(Source : Wal Fadjri, 13 septembre 2011)

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