Global voice group, Sonatel et même l’Artp sont loin de s’accorder sur le montant de la prestation de service effectuée durant les mois d’août et septembre 2010 concernant le contrôle sur les appels internationaux entrants. Chacun y va de ses chiffres et cherche à convaincre les autorités du bien fondé de son argumentaire.
Après l’union sacrée entre Global voice group (Gvg) et l’Autorité de régulation des télécommunications et postes (Artp) autour de la mise en œuvre de la taxe sur les appels entrants, place est aujourd’hui faite aux tiraillements et aux incompréhensions. L’année 2011 consacre ainsi le divorce définitif des deux entités après la résiliation de leur contrat intervenue le 1er août 2010. Elles cherchent désormais à se faire arbitrer par la plus haute autorité de ce pays. C’est dans ce sens que le patron de Gvg, Laurent Lamothe, a saisi le chef de l’Etat Abdoulaye Wade par le biais d’une lettre en date du 23 janvier 2011.
Dans sa correspondance, Lamothe dit : « En notre qualité de la société Global voice group, nous avons l’honneur de revenir vers votre haute bienveillance concernant les suites à la proposition transactionnelle que nous vous avons adressée le 29 novembre 2010, s’agissant le différend nous opposant à l’Artp ». M. Lamothe déploie son argumentaire en soutenant que : « Par lettre en date du 29 novembre 2011 nous avions porté à votre connaissance le préjudice important qu’avait subi notre société du fait de la suppression des articles 6 à 11 du décret n°2010-632 instituant le système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques entrant en République du Sénégal. Laquelle suppression causait inévitablement la résiliation du contrat conclu entre Gvg et l’Artp le 1er août 2010 ». A en croire le patron de Global Voice, grâce à ce contrat qui avait connu un début d’exécution, « l’Artp a pu collecter plus de 35 millions d’euros (22,960 milliard FCfa) pour les volumes de trafic international terminés au Sénégal durant les mois d’août et septembre 2010 ».
Toutefois, Lamothe rappelle à Me Wade que compte tenu du « respect par Gvg de ses obligations légales et contractuelles mais aussi et surtout du climat de confiance » dans lequel se sont déroulées ses relations avec l’Artp « nous avons toujours privilégié une issue transactionnelle à ce litige ». Pour ce faire Gvg a proposé à l’Artp de régler les conséquences de la résiliation du contrat avec des conditions bien spécifiées. Il s’agit du versement par l’Artp à Gvg d’une indemnité de 17 500 000 euros (11,4 milliards FCfa). Gvg renonçant par la même occasion de solliciter la « réparation de son préjudice sur la base de son manque à gagner et se contente tout simplement de réclamer le remboursement de ses investissements ». Il existe d’autres conditions telles la transmission de la propriété des équipements, du matériel et des logiciels livrés et installés par Gvg sur différents sites du Sénégal. Laurent Lamothe et son entreprise désirent également fournir une assistance et une formation au nouvel opérateur technique qui sera désigné par l’Artp en plus d’une mission d’assistance et de conseil pendant quatre mois à compter de la date de signature du protocole transactionnel. Le patron de Global Voice poursuit ses explications en faisant savoir au président de la République que ses « propositions sont restées sans réponses, malgré le fait que l’Artp ait gardé ses matériels, logiciels et autres équipements ». Ce qui, à l’en croire « met en péril sa structure ». De ce fait, indique-t-il, « le Conseil d’Administration s’impatiente face aux lenteurs enregistrées dans la transaction. C’est pourquoi, il sollicite auprés de Me Wade une instruction à l’endroit de l’Artp pour réparer le préjudice subi par une indemnisation selon les termes susvisés ».
Observations de la Sonatel
La requête de Gvg appelle de la part de la Sonatel plusieurs observations si on en croit les termes d’une lettre signée par le directeur général de la société de téléphonie, Cheikh Tidiane Mbaye et adressée au Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye. D’emblée, le patron de la Sonatel effectue une précision de taille en déclarant que l’Artp n’a jamais conclu un contrat avec Gvg à la date du 1er août 2010. Il prend d’ailleurs à témoin Ndongo Diao qui reste formel à ce propos. « En réponse à la lettre n° 000050 Armp/Dg/CE datée le 11 août 2010, lui demandant de transmettre en toute urgence le contrat conclu avec Gvg dans le cadre de l’enquête ordonnée par son Conseil de régulation, le Dg de l’Artp par lettre n°005 Artp/Dg du 12 août 2010 adressée au Dg de l’Artp dit : je vous informe qu’à ce stade aucun contrat n’est encore signé entre les deux parties ». C’est d’ailleurs à la suite de cette que le Comité de règlement des différends de l’Armp dans sa décision n°127/10/Armp/Crd « a ordonné en conséquence l’annulation de la procédure de conclusion du contrat ». Cheikh Tidiane Mbaye souligne dans sa note que « jusqu’à l’annulation de la procédure relative à la conclusion du contrat, aucun n’avait été conclu entre l’Artp et Gvg et aucun autre ne pouvait l’être par la suite sans appel à concurrence ». Lequel appel à concurrence n’a jamais eu lieu. Par conséquent estime le Dg de la Sonatel, « Gvg ne peut se prévaloir d’un quelconque acte juridique faisant naitre des obligations de l’Artp à son profit ».
En abondant dans le registre des révélations et autres mises au point, M. Mbaye déclare que « les montants collectés par l’Artp proviennent essentiellement des factures payées par la Sonatel ». Cette dernière, au titre des mois d’août et d’octobre a, selon Cheikh Tidiane Mbaye, « réglé pour son compte 8,63 milliards FCfa et pour celui de Expresso 244 millions FCfa soit au total 8,307 milliards FCfa ». Donc un montant équivalent à 12 665 053 euros et largement en deça des 35 000 000 euros avancés par Gvg. De l’avis du patron de la Sonatel, « à supposer que Gvg réclame 50% du montant collecté par l’Artp cela devrait faire 6 332 526 euros et non 17,5 millions d’euros ».
Mieux, renseigne M. Mbaye, Gvg, « durant ces deux mois, contrairement à ce qu’elle prétend, non seulement n’avait pas de contrat mais n’a non plus effectué aucun service auprès des opérateurs pouvant justifier une rémunération ». Aussi, concernant les équipements et matériels, le Dg de la Sonatel souligne qu’ils été livrés et installés « en anticipation de toute conclusion de contrat d’où une situation inédite qui n’engage que la seule responsabilité de Gvg ». Ce matériel ne saurait être la propriété de l’Autorité de régulation pour la simple raison que celle-ci doit passer par une procédure d’appel à concurrence pour se doter de matériels et logiciels afin de contrôler le trafic international entrant. « C’était d’ailleurs la conclusion de l’Armp et de tous les spécialistes en Tic au Sénégal puisque Gvg n’a pas l’exclusivité de ce type de matériels et de prestations », indique Cheikh Tidiane Mbaye. Il explique au passage que la Sonatel a acquis le même système qui s’articule autour de trois outils à savoir un outil de monitoring, des points de transit sémaphore (Pts) et un outil de facturation.
Tout compte fait, en l’absence d’un contrat entre l’Artp et Gvg permettant de cerner les responsabilités de chacune des deux parties, il convient sur la base d’une évaluation des investissements matériels et logiciels de Gvg d’apprécier la dépréciation subie à laquelle il faut ajouter ajouter les frais de transport et de réacheminement hors du Sénégal. D’autant que Gvg est disposée à ne réclamer que le remboursement de ses investissements.
La Sonatel attaque le décret de Wade
Pour plusieurs raisons dont celles mentionnées ci-dessus, la Sonatel a refusé catégoriquement de payer la facture de 5 milliards de F Cfa que lui réclame l’Artp au titre de la surtaxe appliquée sur les appels internationaux entrants. Mieux, le Conseil d’Administration de la société de téléphonie a donné mandat à la direction générale pour attaquer en justice le décret instaurant la taxe sur les appels entrants. Ce n’est qu’une première démarche du genre entreprise par la Sonatel. Dans un passé récent, le premier décret instituant cette taxe avait été dénoncé par l’entreprise de téléphonie auprés de la Cour Suprême. La requête n’avait pas été jusqu’au bout puisque le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, à la suite d’une décision de l’Autorité de régulation des marchés publics avait fini par retirer son décret.
Alioune Badara Coulibaly
(Source : La Gazette, 11 novembre 2011)