Fraude et évasion fiscales : Limites et perspectives de la numérisation de l’économie
mercredi 11 décembre 2019
Les scandales financiers qui secouent la planète, depuis quelques années, ont en commun d’exploiter les insuffisances dans les règles fiscales nationales et internationales. Le 5e Congrès annuel du Réseau africain de recherche fiscale s’est penché sur les enjeux et défis de la fiscalisation transfrontalière et du renforcement de la transparence. Le réseau s’est également penché sur les opportunités et défis que représente la numérisation de l’économie
La numérisation de l’économie présente plusieurs opportunités, mais également des défis, surtout en matière de transparence. En effet, la crise financière de 2008, en plus des nombreux scandales financiers relayés par la presse mondiale, a laissé apparaitre de graves dysfonctionnements dans la coopération fiscale sur le plan international et le manque de transparence dans les systèmes financiers.
‘’La fraude et l’évasion fiscales font référence aux stratégies de planification qui exploitent les faits et les insuffisances ainsi que les différences entre les règles fiscales nationales et internationales. Et cela en vue de transférer artificiellement des bénéfices dans les pays ou territoires où l’entreprise exerce une tierce activité. Ce processus aboutit à une charge fiscale faible, voire nulle pour l’entreprise. Ces pratiques ne sont pas toujours illégales, mais elles nuisent à l’équité et à l’intégrité des systèmes fiscaux, dans la mesure où ces multinationales ont un avantage concurrentiel par rapport aux entreprises nationales qui ont une charge fiscale plus lourde’’, explique le coordonnateur de la Direction générale des impôts et domaines, Abdoul Aziz Guèye.
C’est donc face à ces nouvelles prérogatives des entreprises dues à l’essor du numérique, que le réseau a opté pour la mise en synergie des réflexions en vue de l’amélioration des systèmes fiscaux et le renforcement des compétences des administrations fiscales africaines. ‘’Nous sommes conscients que l’entrelacement et l’enchevêtrement des activités et des relations d’affaires sont tels, qu’aucune démarche cocasse au sein d’un Etat ne peut les appréhender correctement. De surcroît, la numérisation de l’économie amplifie et complexifie les possibilités d’opacité volontaire relativement au montage des sociétés ou personnes morales, lorsqu’elles mènent des opérations de création de valeur au-delà des frontières géographiques. C’est dans ce contexte que l’Ataf doit faire preuve d’un leadership volontariste pour éclairer, coordonner et structurer les positions des administrations fiscales, proposer des axes de solution et de partenariat autour des intérêts de nos Etats face aux opportunités de la numérisation de l’économie et inspirer les décideurs publics. Il nous faut donc asseoir une vision africaine qui tient compte de nos réalités spécifiques, pour faire face à la numérisation’’, ajoute-t-il.
‘’Créer un pont entre l’Administration fiscale et les chercheurs des universités’’
Le 6e congrès du réseau est aussi axé sur la collaboration entre les chercheurs et l’Administration fiscale. Il connait donc la participation d’universitaires spécialistes de la question qui vont apporter de la documentation quant aux insuffisances des systèmes fiscaux africains. Et selon la directrice de la Recherche, représentante du Secrétariat exécutif de l’Ataf, Nara Monkain, il s’agit de ‘’créer un pont entre l’Administration fiscale, qui dit ne pas avoir accès aux recherches, et les chercheurs des universités qui, eux, se plaignent de ne pas avoir accès aux données fiscales. On aura aussi à encourager la production de recherches de haute qualité qui reflètent et répondent aux besoins de l’Administration fiscale africaine. Car les décisions et l’adoption de nouvelles normes fiscales doivent reposer sur des études préalables permettant de voir leur impact’’.
A l’en croire, le Forum africain d’administration fiscale veille à la transparence fiscale au niveau national et sur le continent. L’organisation œuvre pour recouvrer la manne financière qui échappe aux services fiscaux africains. C’est le cas avec les multinationales Apple, Google et Amazon.
‘’L’Afrique perd énormément de ce côté. Nous voulons attaquer le problème d’un point de vue technologique et également au niveau de la législation. Les décisions sont en train d’être prises au niveau international et l’Afrique est présente à l’Ocde (Organisation de coopération et de développement économique) pour apporter sa partition quant à la perspective africaine, pour être sûre que nous serons protégés de manière égale par rapport aux entreprises multinationales. Nos préoccupations sont prises en compte dans les prises de décision, de sorte que l’Afrique ne continue pas de faire le rattrapage’’, affirme Mme Monkain.
Emmanuella Marame Faye
(Source : Enquête, 11 décembre 2019)