A la fin du mois novembre 2017, dans la cadre de sa politique de responsabilité sociétale d’entreprise (RSE), la Sonatel a lancé, en partenariat avec Simplon.co, la « Sonatel Academy », une école gratuite de codage informatique s’inspirant des structures de ce type existant notamment en France. Cette initiative vise à former chaque année, aux métiers du numérique, deux cohortes de cinquante jeunes ayant entre 18 et 30 ans et possédant le niveau du baccalauréat. Dans un contexte où, d’une part, l’écosystème national des technologies de l’information et de la communication (TIC) manque cruellement, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, de ressources humaines pour se développer comme il le voudrait et d’autre part où le chômage des jeunes constitue une véritable bombe sociale à retardement, cette initiative ne peut qu’être saluée et encouragée. En matière de formation au codage informatique, elle n’est cependant pas la première du genre puisqu’il existe nombre d’initiatives s’inscrivant dans la même dynamique, même si leurs modalités de mise en œuvre ne sont pas similaires, qu’il s’agisse du projet 10000codeurs initié par Douglas Mbiandou et visant à former, entre 2015 et 2025, plus de 10000 informaticiens capable de créer les applications dont l’Afrique a besoin, de l’initiative IamtheCODE conçue par Marième Jamme et ayant pour ambition de capaciter un million de femmes et jeunes filles en matière de codage d’ici 2030 ou encore de l’Africa Code Week lancée par la firme SAP, spécialisée dans la conception de systèmes de gestion et de maintenance, en partenariat avec Google et l’UNESCO en 2015, en vue de promouvoir l’alphabétisation numérique du continent africain et la préparation de sa force de travail aux défis du futur. Paradoxalement, autant les initiatives sont nombreuses autant elles ne touchent finalement que peu de gens alors que le véritable enjeu est de former massivement au codage informatique en particulier et aux métiers d’une numérique en général. Pire, il n’existe pas vraiment en Afrique de mouvement allant dans le sens de l’introduction du codage informatique à l’école afin de passer du classique triptyque « lire, écrire et compter » au nouveau paradigme « lire, écrire, compter et coder ». Dans la société numérique dont les tentacules s’étendent chaque jour un peu plus à de nouveau domaines de l’activité humaine, l’enjeu ne se limite plus seulement à former des citoyens capables d’utiliser telle ou telle application informatique fonctionnant sur un ordinateur, un smartphone ou une tablette et à mieux les former aux besoins du marché du travail. Le véritable enjeu réside dans la capacité de nos sociétés à former désormais des hommes et des femmes qui comprennent le fonctionnement de ces outils. L’enseignement du codage, de la programmation informatique ou de l’algorithmique, c’est selon, aurait notamment comme avantage de développer, dès le plus jeune âge, l’esprit logique ainsi que les capacités d’analyse et d’abstraction ainsi que l’aptitude à la résolution de problèmes, développant ainsi la pensée informatique et la culture numérique chez les futurs citoyens. Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Finlande, les pays Baltes, pour ne citer que cela, se sont déjà engagés sur cette voie et il serait temps que nos pays réfléchissent sérieusement à cette problématique qui ne se limite pas seulement à l’introduction d’une nouvelle discipline/matière. En effet, ce qui fait le succès des expériences comme l’Ecole 42 ou Simplon.co, ce n’est pas uniquement la formation au codage mais peut-être et surtout la philosophie et les méthodes pédagogiques qui les sous-tendent. Il s’agit en effet de promouvoir une école prenant en compte la diversité des individus à former en lieu et place de l’ancien modèle qui en fait un moule auquel l’individu doit obligatoirement s’adapter dans lequel il n’y a guère de place pour la prise en compte des différences. Les méthodes pédagogiques doivent également être profondément remises en cause pour faire des élèves des acteurs de leur formation afin qu’ils participent à sa construction au lieu qu’ils la subissent comme le dit si bien, ou plutôt si mal, l’expression du langage courant qui veut que l’on subisse une formation comme si c’était une peine de prison ou une sanction ! Il s’agit de promouvoir la créativité au détriment de la reproduction stérile des idées du passé, d’allier étroitement la connaissance à la compétence, autrement dit la théorie et la pratique, d’encourager l’esprit et le travail en équipe et de rompre avec le culte de l’individualisme cultivé inconsciemment (?) par l’école. Le défi est donc double, former massivement et autrement au codage informatique.
Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales