Financement de la charte de solidarité numérique, Pascal Couchepin président de la Confédération helvétique : « Le Sud attend du Nord plus que des discours, des actes »
mercredi 3 décembre 2003
BERNE - Son excellence M. Pascal Couchepin, président de la Confédération helvétique, a reçu les correspondants étrangers à Berne dans un hôtel du même nom à l’occasion d’un dîner offert en son honneur par l’association de la presse étrangère en Suisse et au Lichtenstein (APES). Cette rencontre solennelle et très relax, sans protocole ni garde du corps, fut une belle opportunité pour la presse d’interroger, « sans tabou » et sur sa sollicitation, le président suisse. Lui-même ancien journaliste, il a répondu sans masque aux questions de ses « confrères ». Une opportunité pour « Le Soleil du Sénégal » de l’interpeller sur les blocages concernant le financement du fonds de solidarité numérique. Cette charte même, qui a été plébiscitée par les nombreux visiteurs suisses et étrangers par vote électronique au dernier Salon de la télécommunication à Genève. Va-t-on laisser échouer le Sommet mondial sur la société de l’information dont la première phase est prévue à Genève, du 10 au 12 de ce mois ?. Le président suisse nous répond : « Les choses semblent bien se dessiner et je me réjouirais d’une solution ». Le président Couchepin a précisé, en ce qui concerne le financement de la lutte contre le « digital divide » ou gap numérique que la « bonne solution sera quelque chose d’intermédiaire ». En effet, l’idée de solidarité numérique, défendue par le président Abdoulaye Wade à Genève, requerrait que le Nord contribue volontairement pour aider à éradiquer le fossé digital entre le Nord et le Sud, mais aussi à l’intérieur même de ses deux ensembles. L’idée de la présidence sénégalaise, accueillie admirablement lors de la « rencontre des visionnaires » en prélude au Sommet sur la société de l’information, est soutenue sans réserve par les pays sous-développés et certaines organisations internationales. Mais, aujourd’hui, l’idée de M. Wade a mis face à face deux écoles. L’une d’elles prévoit de laisser à l’économie privée le soin d’investir en lui donnant les moyens idoines. L’autre école, celle du Groupe des pays du Sud, dont le chef de file est le Sénégal (responsable du volet NTIC du NEPAD), en l’occurrence l’Afrique, la Chine et le Brésil…, veut, pour sa part, créer un fonds de solidarité, comme le Fonds destiné à lutter contre le Sida. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Wade fait travailler les méninges des techniciens au niveau international. Le Nord et le Sud cogitent sur comment rendre réaliste l’idée « wadienne », ce « serpent » qui avait séduit et continuera sûrement son chemin jusqu’à la seconde phase du Sommet, prévue à Tunis, en novembre 2005. Le président Pascal Couchepin, organisateur de la première phase du sommet mondial sur la société de l’information, pense qu’une solution heureuse n’est pas impossible. « Je m’en réjouirai », nous a-t-il déclaré, très sensible aux questions du développement du Sud. Il est évident que le Sud ne viendra pas à ce rendez-vous les mains vides, mais attend du Nord plus que des discours, des actions. Une ferme résolution. C’est un problème « moral ». M. Couchepin s’est aussi exprimé sur les relations entre la Suisse et l’Union européenne, en déclarant qu’il cherchait un parallélisme sur Schengen, après avoir fait des concessions sur le secret bancaire. Il prône la poursuite des négociations sur d’autres domaines. Le Suisse a averti : « Si l’Union européenne partage cette philosophie, il y aura un accord, sinon, ce sera difficile » et de déclarer : « Un pays ne peut pas toujours donner, il attend aussi de recevoir ». La Suisse, au centre de l’Europe, avec un commerce extérieur destiné à plus de 60% à l’Union, emploie près de 70.000 frontaliers, en l’occurrence des Français. « Je suis un fan, mais pas un serviteur de l’Union européenne », a martelé le président Couchepin. Décidément, les Suisses aiment être surprenants. Seul pays à avoir voté pour entrer à l’ONU, la Confédération Helvétique se fait désirer au sein de l’Union européenne. Ce pays peut-il faire son destin, encore plus longtemps sans ses voisins ?. Sur les Accords de Genève, initiative privée, concoctée par les populations israélienne et palestinienne et lancée officiellement hier à Genève afin de stabiliser définitivement la région du Proche-Orient, M. Couchepin s’est fait une religion : « Il n’y a pas de paix durable qui ne soit juste ». « Le fait de s’intéresser à la crise entre deux peuples n’est pas une ingérence, mais une défense de notre vision du monde », a affirmé le président suisse. Son pays a joué un rôle de facilitateur en mettant des infrastructures à la disposition des deux parties. « La Suisse, cherche, a-t-il dit, à aider pour l’établissement d’un dialogue. Mais, je reconnais, dit le président, que c’est délicat ». Et d’ajouter : « le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit privé entre deux Etats. Tous les Etats de la planète sont concernés pour préserver la paix mondiale ».
El Hadji Gorgui Wade Ndoye
(Source : Le Soleil 3 décembre 2003)