Financement de l’audiovisuel : des acteurs expliquent le ’’retard’’ du Sénégal
dimanche 2 septembre 2012
Des professionnels des médias et des juristes ont estimé samedi à Dakar que le Sénégal a intérêt à rattraper son ’’retard’’ en matière de financement de l’audiovisuel, pour mettre fin au paradoxe entre ses acquis démocratiques et la faiblesse de sa politique audiovisuelle.
’’En matière de démocratie, ce pays a eu une certaine avance. Le Sénégal a une histoire sur tous les domaines. Mais dans le domaine de la communication, il y a un gap qui fait que nous sommes dépassés par beaucoup de pays africains’’, a constaté Mactar Silla, un professionnel des médias qui a une solide connaissance de l’audiovisuel africain.
M. Silla participait à une table ronde organisée par le groupe Futurs médias (privé), à l’occasion de son 10ème anniversaire. ’’Projet de code de la presse : quel financement pour le secteur audiovisuel au Sénégal’’ était le thème de la table ronde, qui a réuni de nombreux journalistes, juristes, administrateurs d’entreprises de presse, mais aussi des professionnels d’autres secteurs.
Selon M. Silla, ancien directeur général de la Radiodiffusion Télévision sénégalaise (RTS, publique), les médias doivent être considérés comme une branche de l’économie pouvant servir de tremplin vers l’émergence économique.
’’La presse est fondamentale. Elle est transversale. Mais dans notre pays, la presse est considérée comme un accessoire qui vient couvrir les évènements, au gré des circonstances […], alors que le secteur des médias doit être pris en considération, au même titre que la santé, l’énergie ou l’habitat, parce que la communication est une activité économique essentielle dans un pays’’, a expliqué Mactar Silla, ancien directeur général de TV5 Afrique.
’’Dans un Sénégal qui aspire au développement, quelle est la place de la communication ?’’, s’est interrogé M. Silla, avant de rappeler que ’’dans le passé, quand on a voulu construire la maison de la RTS, les Japonais avaient exigé que le gouvernement sénégalais inscrive le domaine de la communication dans les quatre priorités de développement’’. Le Japon était à l’époque un partenaire du Sénégal, dans le domaine des médias.
Les participants de la table ronde ont signalé que l’audiovisuel fait appel à un investissement soutenu, pour être de qualité.
’’Le Sénégal est à la traîne par rapport aux autres pays africains. Au Cameroun, la télévision publique a un budget annuel de 21 milliards de francs CFA. En Côte d’Ivoire, la RTI (Radio-télévision ivoirienne) fonctionne avec un budget de 16 milliards de francs CFA. Au Bénin, c’est 12 milliards alors que la RTS ne se contente que d’un maigre budget de trois milliards, au maximum’’, a relevé Madiambal Diagne, le président du Collectif des éditeurs et diffuseurs de presse du Sénégal (CDEPS).
’’La RTS tire 70 pour cent de ses ressources dans le marché publicitaire, ce qui est totalement en déphasage avec sa mission de service public’’, a signalé Pape Atou Diaw, Directeur de la communication au ministère de la Communication, des Télécommunications et des Technologies de l’information et de la communication.
Cette remarque est partagée par une autre participante de la table ronde, Gnagna Sidibé, Directrice de la télévision à la RTS : ’’Même la Gambie dépasse largement le Sénégal en termes de financement de l’audiovisuel public.’’
Le magistrat Bamba Niang a, pour part, préconisé ’’le toilettage du cadre juridique’’ sénégalais, pour donner du souffle aux entreprises de presse. ’’Par exemple, le code de la publicité date de 1984 et il est complètement dépassé’’, a constaté M. Niang, président du Comité scientifique chargé de l’élaboration du nouveau code de la presse.
’’Il faut un cadre juridique [qui encadre] le financement de l’audiovisuel. C’est le combat du nouveau code de la presse’’, a-t-il ajouté.
(Source : APS, 2 septembre 2012)