Fin du monopole de la Sonatel : La grande frilosité des travailleurs La grande frilosité des travailleurs
samedi 17 janvier 2004
Les travailleurs de la Sonatel veulent instaurer un débat national et constructif pour préserver les intérêts de la nation et en même temps s’approprier le schéma le plus optimal qui doit mener à bien vers une libéralisation du secteur des télécommunications. C’est du moins ce qui est ressorti de la conférence de presse de l’intersyndicale de cette société, tenue hier.
Une libéralisation qui a pris effet depuis le 2 janvier 2004, avec un délai d’application de six mois que les travailleurs de la Sonatel par la voix de leur président de l’intersyndicale, M.Ibrahyma Konté, jugent très court. Ils affirment qu’ils n’entendent pas se laisser faire par le gouvernement sénégalais qui ne les associe pas aux concertations alors qu’ils sont des associés de cette société. Ils sont « contre une libéralisation financière ou budgétaire précipitée, gratuite, bureaucratique ou de sanction contre l’opérateur historique. Mais, pour une libéralisation qui se fera sur la base de marchés réguliers. ». Leur inquiétude vient du fait qu’une réforme ne peut se faire en dehors des experts du métier qu’ils sont, et des consommateurs. Et pour Konté, « la manière de conduite de l’Etat ne nous inspire pas confiance ».
Car, autant les bases d’une libéralisation réussie existent, autant il convient de se prémunir contre les risques et menaces liés à une libéralisation mal maîtrisée qui pourrait mener à la déstabilisation du secteur des télécommunications et compromettre tous les acquis. « L’admission de nouveaux opérateurs doit s’accompagner de mesures de précautions et de sauvegarde, pour ne pas mettre en péril les intérêts du pays, de l’investissement, des travailleurs et des consommateurs, eu égard aux objectifs fixés », ajoute encore le président de l’intersyndicale.
La réussite d’une libéralisation est subordonnée à la qualité de la chaîne de réglementation et de régulation des activités des opérateurs. Au Sénégal, l’agence de régulation des télécommunications (Art) assume ces deux fonctions. Cela n’est pas le cas dans d’autres pays, où elles sont réparties entre le ministère de tutelle et le régulateur. Les travailleurs de la Sonatel demande une « garantie de l’indépendance du régulateur et de la transparence de ses activités. » Ces derniers ont profité de cette conférence de presse pour dénoncer les risques que cette libéralisation pourrait entraîner. Ils invitent l’Etat à « veiller à ce que ce cadre réglementaire qui doit garantir le service universel ne soit pas remis en cause par des opérateurs qui se limitent aux niches et localités rentables », selon M. Konté.
La qualité des services étant le meilleur atout pour retenir la clientèle, la libéralisation du marché devrait aussi tenir compte de ce facteur. Pour le président de l’intersyndicale, « l’Etat doit aussi porter son attention sur d’éventuelles fraudes fiscales qui pourraient entraîner une concurrence déloyale et un manque à gagner pour l’Etat ». Les futurs opérateurs devront avoir une réelle solidité financière, sous peine de créer une insécurité de l’emploi et des services préposés aux consommateurs. Pour éviter la baisse des investissements, il faut un cadre légal et réglementaire adapté, afin de booster le développement des télécommunications au plan national. Mais surtout les travailleurs veulent éviter l’atomisation du marché et l’anarchie, éviter aussi l’émergence d’investisseurs éphémères ayant pour seuls objectifs de fructifier leurs opérations en un temps très court, leur permettant de revendre leurs activités et de se retirer.
Safiètou KANE
(Source : Le Quotidien 17 janvier 2004)