Fin du monopole de la Sonatel Savoir raison garder
mercredi 28 février 2001
Le 26 février 2001, la Sonatel a décidé de suspendre les liaisons spécialisées de tous les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui lui devaient des arriérés de paiement. Cette décision toute légale qu’elle fut a eu pour conséquence de priver des milliers d’internautes de la possibilité de recevoir et d’envoyer du courrier électronique et de naviguer sur le Web et a par ailleurs rendu invisible tous les sites Web qui étaient hébergés par ces fournisseurs. Aussitôt, certains FAI victimes de cette mesure ont vigoureusement réagi, dénonçant dans la presse la mesure dont ils venaient d’être victime. Sans vouloir jouer les Ponce Pilate, il faut dire que dans cette affaire les torts sont largement partagés entre la Sonatel et les FAI concernés. Il est tout à fait compréhensible que la Sonatel cherche à recouvrer ses arriérés de paiement auprès des mauvais payeurs qui ne respectent pas les termes du contrat qui leur permet de disposer d’une liaison spécialisée et de commercialiser toute une série de services en direction de personnes physiques ou morales. Compte de tenu du rôle capital que joue aujourd’hui Internet pour un nombre croissant d’individus, d’entreprises, d’associations, d’Ong, de projets voire de démembrements administratifs, on peut s’interroger sur la légitimité d’une telle mesure qui inflige une punition collective à des milliers d’utilisateurs qui sont les victimes innocentes d’un règlement de compte entre la Sonatel et ses partenaires. Pour leur défense, les FAI mettent en avant le fait que les sommes qu’ils doivent à la Sonatel sont sans commune mesure avec les rentrées financières générées par le trafic téléphonique lié aux connexions des internautes et ils dénoncent dans la foulée le caractère exorbitant du prix des liaisons spécialisées. S’agissant de ce dernier point, il est incontestable que la Sonatel, compte tenu du monopole qui est le sien, impose des prix que rien ne justifie. On peut ainsi se poser la question de savoir pourquoi France Télécom offre en France des liaisons à 128, 256 et 2048 Kbits à 331.500, 536.000 et 760.00 FCFA alors que la Sonatel, dont elle détient la majorité du capital, les facture respectivement 996.000, 1.550.000 et 3.600.000 FCFA. Petit détail qui a son importance, Télécomplus fournisseur d’accès Internet filiale de la Sonatel, ne paie lui aucun frais de liaison spécialisée puisque que ses installations sont directement branchées sur le point d’accès Internet de la Sonatel, ce qui lui permet par ailleurs de bénéficier d’une bande passante dont les autres FAI ne peuvent disposer et de faire ainsi une concurrence totalement déloyale aux autres fournisseurs d’accès. La responsabilité de l’Etat est donc ici doublement engagé et il devrait prendre, sans tarder, deux mesures fortes à savoir : 1°) mettre fin au monopole de la Sonatel pour la connexion au réseau Internet qui freine l’utilisation et l’appropriation des technologies de l’information et de la communication par le plus grand nombre et entrave la compétitivité des entreprises opérant dans le secteur des téléservices ou à défaut exiger que tous les fournisseurs d’accès Internet soient mis dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient Télécomplus ; 2°) créer dans les meilleurs délais un organe indépendant de régulation du secteur des télécommunications capable de faire respecter aux uns et autres des règles claires, d’organiser une concurrence saine et loyale, de définir des limites de prix justes et compatibles avec les exigences de rentabilité économique et de protéger les intérêts des utilisateurs. Au delà des passions soulevées ici et là il faut donc savoir raison garder et prendre les décisions idoines permettant au Sénégal de s’insérer dans les meilleures conditions possibles à la Société de l’Information.
Amadou Top
Président d’OSIRIS