Kabirou Mbodj, le patron de Wari, vient de s’illustrer de la plus belle des manières pour son entreprise d’abord, pour l’économie sénégalaise et la fierté de notre pays, ensuite. En rachetant Tigo à 80 milliards de francs CFA, Mbodj permet à tous les sénégalais et africains de manière générale de prendre une revanche sur l’histoire. Une licence que nos amis socialistes avaient bradé à 50 millions de francs, qui a produit des centaines de milliards pendant près de vingt ans et qui continuera à dégager des profits importants nous l’espérons pour la compagnie Wari.
Le rachat de cette filiale de Millicom par un jeune sénégalais doit faire la fierté et la joie de tout sénégalais digne de ce nom. C’est une première historique pour un africain de l’ouest, voir un sahélien de signer un si gros chèque pour un business aussi important aux mains d’étrangers. L’acte économique qu’il a posé aura une portée historique et va retentir au-delà de nos frontières.
L’histoire retiendra également qu’une toute petite société sénégalaise qui n’avait pas 10 millions de capital il y a dix ans, a avalé un gros poisson qui pèse plusieurs centaines de millions de dollars. Wari est une belle aventure numérique, où à partir de l’économie virtuelle, le génie sénégalais s’est signalé pour une fois. Kabirou montre à toute la jeunesse sénégalaise qu’on peut partir de rien, avec un ordinateur, une table et une chaise et réaliser une grande entreprise de taille africaine, quelques années plus tard. Son idée de transférer de l’argent par le téléphone est simple, mais comme Facebook ou Google, il fallait y penser et les bonnes idées appartiennent à ceux qui les mettent en pratique. C’est le mérite de Kabirou. Son service a révolutionné l’économie sénégalaise et une enquête devrait être menée pour savoir quel est l’impact de Wari dans le PIB du Sénégal car selon des interviews du fondateur plus de 3000 milliards transitent par année au niveau de son réseau. Aux Etats Unis, Wal Mart a été longtemps un indicateur de la bonne marche du moral des ménages et de leur bonne santé financière. Les sommes qui transitent par Wari facilitent à beaucoup de familles la vie quotidienne. C’est un système qui a ramé à contre-courant des banques. Car, avant il y avait le vieux mandat postal ou l’intimidant Western Union qui nous imposait d’entrer dans une banque. Wari, c’est l’économie du partage ou encore de manière beaucoup plus techno, c’est une nouvelle forme d’UBERISATION de la banque, car le service reprend le fondement même du métier de banquier, donner de l’argent.
A l’heure où nous parlons de Sénégal Emergent et de préférence nationale, il est donc salutaire d’inscrire en lettres dorées ce rachat de ce qui était d’abord Sentel, avant de devenir Tigo. J’étais jeune journaliste au quotidien Le Matin en 1998 et je faisais partie des quelques journalistes qui avait couvert la cérémonie de lancement du second opérateur téléphonique au Sénégal. A cette époque, la compagnie avait son siège en face de l’Hôpital Principal. Nous avions en face de nous que des managers étrangers, des occidentaux. Nul ne pouvait dire donc ce jour-là que cette société serait un jour propriété d’un sénégalais.
Ce que Kabirou vient de faire, montre aux sénégalo-sceptiques que ce pays peut se développer, si nous travaillons, si nous innovons, si nous avons des projets. C’est aussi une lueur d’espoir pour tous les afro-optimistes qui pensent que le reste du nouveau siècle sera africain.
Dans le même ordre d’idées, il y a un peu plus d’un an, Ameth Amar de NMA avait racheté Les Moulins Sentenac et a ré-investi 2 milliards pour sa rénovation et augmenter ses capacités de fabrication. Que ce soit Kabirou ou Ameth Amar ou encore mon ami, Mar Thiam qui est en train de réaliser le plus grand projet immobilier du Sénégal sur le pôle urbain de Diamniadio, c’est ce secteur privé qui pousse le pays de l’avant qui nous intéresse. Ils méritent nos félicitations et nos encouragements.
El Malick Seck, Journaliste, homme politique et conseiller municipal à Thiès
(Source : Dakar Actu, 8 février 2017)