Facebook se défend de nuire à la neutralité du net avec son service Internet.org
vendredi 17 avril 2015
Jeudi, de nombreux médias et services Web indiens ont dit « non » à Internet.org, une version gratuite et bridée d’Internet lancée par Facebook dans neuf pays émergents. Ils ont retiré leurs applications du service, accusé d’enfreindre les règles de la neutralité du net.
Internet.org est une organisation fondée par Facebook en 2013 en partenariat avec des grandes entreprises du Web. Elle s’est installée en Inde il y a quelques mois, via le lancement d’une application pour se connecter à Internet gratuitement. L’utilisateur n’a pas à payer la consommation de données : elle est absorbée par les opérateurs partenaires de l’application. Il peut accéder à une quarantaine de « services » gratuits : actualité, météo, emploi, recherche Google... et bien sûr Facebook. Avec ce service, Mark Zuckerberg espère toucher jusqu’à 800 millions de personnes dans le monde.
Facebook juge et partie
Problème pour les entreprises du web indiennes : c’est Facebook qui choisit quels services se retrouveront sur Internet.org, en partenariat avec les gouvernements locaux. Pour elles, il s’agit d’une atteinte à la neutralité du net. Selon ce concept, tout le monde doit bénéficier d’un accès égal et non discriminé à Internet. Ce qui n’est pas le cas sur Internet.org, qui propose à ses utilisateurs une sélection limitée de services partenaires. Le voyagiste Cleartrip a été le premier à se retirer d’Internet.org, inquiet « d’influencer les décisions des clients en leur imposant des choix ».
Face à ce tollé, Mark Zuckerberg a répondu aux entreprises dans un billet publié sur Facebook. Et comme toute opération de communication digne de ce nom, celle-ci commence par une belle histoire. Le patron de Facebook raconte avoir visité l’école d’un village indien fraîchement connecté à Internet : « C’était incroyable de penser que dans cette salle se trouvait peut-être un écolier avec une grande idée qui pourrait changer le monde. Maintenant, ils peuvent le faire grâce à Internet. »
Sur le fond, le PDG de Facebook estime que « si quelqu’un ne peut pas se payer une connexion, c’est toujours mieux d’avoir un accès [limité à Internet] plutôt que pas d’accès du tout. »
Mark Zuckerberg, qui s’était engagé en faveur de la neutralité du net dans le débat américain, s’insurge de l’utilisation du concept par les entreprises indiennes pour justifier leurs critiques. « L’argument de la neutralité du net ne devrait pas être utilisé pour empêcher les gens les plus désavantagés de la société d’accéder à des opportunités », affirme-t-il.
Outre le problème d’Internet.org, l’Inde est engagée dans un vaste débat sur la neutralité du net, porté par les pratiques et revendications des télécoms locaux. Récemment, l’opérateur Airtel a provoqué la polémique, en proposant à ses utilisateurs de se connecter gratuitement à certaines applications partenaires. Ces dernières doivent le payer pour faire partie du programme. Dans un pays où la consommation de données mobile peut coûter cher, cette opération donne un avantage indéniable à ces applications. Les opérateurs indiens réclament également que les applications de messagerie gratuites telles que Whatsapp, qui concurrencent leurs appels et SMS payants, partagent leurs bénéfices avec eux. Ce que les régulateurs indiens ont pour l’instant refusé.
Jamal El Hassani
(Source : Le Figaro, 17 avril 2015)