Faisant fi de tous les rapports hiérarchiques, le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne a décidé de prolonger la phase expérimentale de la licence 4G pour les opérateurs de téléphone. Cela entraîne pour l’Etat un gros manque à gagner difficile à évaluer à l’heure actuelle.
Les opérateurs de téléphone sont particulièrement heureux de la dernière mesure du Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne. Grâce à lui, ils ont pu économiser plusieurs millions de francs Cfa qu’ils auraient dû casquer dans le processus d’expérimentation de la licence 4G. Et l’on se demande ce qu’y gagne le Trésor public.
Il faut comprendre que la phase d’expérimentation de la licence 4G était arrivée à terme à la fin du mois de décembre 2014. Pour ne pas se retrouver dans une situation délicate, le Directeur général de la Sonatel a pris la précaution de saisir le Dg de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp), aux fins de connaître les modalités techniques et financières d’octroi de la licence 4G. Il prend également la précaution de préciser dans sa demande, qu’à défaut d’obtenir ces informations, sa société souhaiterait bénéficier d’une prolongation, pour éviter toute rupture technologique.
Le PM s’en mêle et s’emmêle
Ampliation de la lettre a été transmise au Premier ministre. Et ce dernier, sans prendre la peine de se concerter avec les organes de l’Artp ou recueillir leur avis, décide de son côté, de saisir également le Dg de l’Artp par courrier, pour lui intimer de « prolonger la phase d’expérimentation de la 4G jusqu’au 31 mars 2015 pour l’ensemble des opérateurs (Sonatel, Tigo et Expresso) ». Le courrier du Premier ministre indique pour prétexte à cette décision, le besoin « d’éviter de freiner cet élan et cette belle avancée technologique, et compte tenu du délai relativement court ». Bien entendu, les usagers des services du téléphone, particulièrement ceux qui ont été retenus pour les tests au cours de cette phase d’expérimentation, savent que l’Artp s’est pliée à cette décision, car Orange au moins, a été très heureuse d’annoncer à sa clientèle que sa phase d’expérimentation de la 4G était prolongée après l’autorisation de l’Artp.
Cette décision a suscité plein d’interrogations au sein de l’Artp, surtout sur le fait que même le collège de régulation, qui fait office de Conseil d’administration de l’institution, n’a pas été saisi de cette question. De plus, font remarquer des observateurs, le Premier ministre n’exerce aucune tutelle sur l’Artp, qui est une institution autonome rattachée à la présidence de la République. Ce qui, à leurs yeux, pose deux interrogations. D’abord, la Sonatel n’était pas censée ignorer ce fait, et son Dg n’avait donc pas besoin de faire une ampliation à la Primature, et non pas à la Présidence. De deux, même dans le cas où M. Alioune Ndiaye se serait trompé par excès de zèle, le Premier ministre lui, n’ignorait pas les limites de ses prérogatives. Quel besoin a-t-il donc senti de sauter par-dessus le collège de régulation pour donner des directives à un Dg ? Et pourquoi s’est-il précipité à écrire avant même que l’Artp n’ait fait connaître sa décision à la Sonatel ?
Tigo informé par la presse
Il faut aussi noter par ailleurs, qu’à la mi-janvier, alors que les usagers de la 4G d’Orange étaient informés de la prolongation de la période expérimentale, ceux de Tigo au moins étaient tenus dans l’ignorance. En effet, la direction de cet opérateur avait fait comprendre qu’elle n’avait pas été, à la fin de janvier, saisie officiellement par l’Artp pour lui signifier ladite prolongation. C’est par le biais d’un article de presse qu’elle aurait reçu l’information. Ce qui signifie quelque part, que même les instructions de la Primature, sur lesquelles semble s’être basé le Dg Abdou Karim Sall, n’ont pas été appliquées en toute équité en ce qui concerne les opérateurs.
Impréparation du dossier de vente
Mais le plus dramatique dans cette affaire, c’est, selon les spécialistes, que l’Artp ne semble pas avoir profité de la période expérimentale pour étudier les avantages et les inconvénients de la 4G, et ainsi, aider les autorités, le moment venu, à déterminer le prix du ticket d’entrée pour chaque opérateur. On peut donc se demander de quel avis et de quelle expertise disposeront les pouvoirs publics quand le moment sera venu pour eux de fixer le prix de la licence 4G aux opérateurs. Cette période de grâce accordée aux opérateurs entraîne déjà un manque à gagner que ni Mahammad Boun Abdallah Dionne ni Abdou Karim Sall ne semblent s’être préoccupés d’évaluer au préalable.
Des non-réponses bien parlantes
Interpellée à travers ses services de communication, la Primature n’avait pas donné suite à la requête du journal Le Quotidien, jusqu’à l’heure du bouclage de cette édition. Pour sa part, le Directeur général Abdou Karim Sall, après avoir invoqué le manque de temps pour refuser de répondre aux questions, réagira par sms, pour déclarer : « Vous m’excuserez mais je ne peux pas répondre à cette question ». Dans le message qui suivra, il nous exhortera de « faire votre article mais vous n’avez pas le droit de dire des choses qui n’existent pas dans le seul but de me nuire ». Les lecteurs sauront voir si c’est cela vraiment le but de cet article. Et verront qui veut vraiment édifier l’opinion.
Mohamed Guèye
(Source : Le Quotidien, 3 février 2015)