Excaf opérateur et diffuseur télé : La concurrence crie au conflit d’intérêt
samedi 20 juin 2015
Des éditeurs de chaînes de télévision ont publié un document pour contester ce qu’ils considèrent comme les avantages indus offerts à l’un de leurs concurrents.
On savait que nombre de diffuseurs sénégalais avaient péniblement avalé la pilule de voir l’un de leurs concurrents, à savoir Excaf, gagner le marché du passage de la télévision analogique au numérique, dit Tnt, au Sénégal. Avec le temps, on a pourtant cru que les critiques s’étaient apaisées, surtout que ce passage s’est fait quasiment sans accroc. Il faut croire que c’était juste le calme avant la tempête, si l’on en croit le document publié hier, et signé du Collectif des éditeurs des chaînes publiques et privées du Sénégal. Ces derniers, dans un langage en apparence policé, portent des critiques dures par rapport à la gestion de ce passage au numérique terrestre.
Dans leur document, ces diffuseurs font comprendre que pour eux, Excaf qui a gagné le marché de l’installation de la Tnt au Sénégal, et qu’ils se gardent bien de citer nommément, mais il est le seul, se trouve aujourd’hui en position de conflit d’intérêt et l’Etat lui a accordé des avantages indus. Le document de ces opérateurs privés fait remarquer que Excaf, « en plus des chaînes gratuites et privées sur la Tnt en clair, a en charge et en exclusivité les chaînes payantes de la Tnt. En qualité d’opérateur d’offres payantes en Mmds, ce choix le place dans une situation de conflit d’intérêt et dans une situation de concurrence particulièrement avantageuse ». Cela, parce que ses concurrents, actuels et futurs, seront contraints de passer par des multiplex sous le contrôle de leur concurrent. De cette manière, « leur clientèle sera en pratique, sous le contrôle d’Excaf, qui se retrouve en position de quasi monopole sur le paysage audiovisuel national ».
Normal que vu sous cet angle, les autres éditeurs de chaînes installées sur la Tnt se posent des questions sur les conditions financières qui leur seront réservées sur la préservation de leur indépendance vis-à-vis d’un opérateur qui est également leur concurrent. Dans leur mémorandum, ils soulignent que « l’intérêt des éditeurs est d’être reçus très largement par des récepteurs Tnt et par des télés avec tuner Tnt, et non pas seulement via un décodeur qui sera exploité par l’opérateur aux fins de commercialisation de la Tnt payante ». Mais surtout, il faudrait que l’Etat veille à leur garantir leur équilibre économique, surtout vis-à-vis de leur concurrent.
Car en plus, ces opérateurs pensent que la commercialisation des décodeurs, telle qu’elle est faite au Sénégal à travers Excaf, est aussi inutile que coûteuse. Selon leur communiqué, « un récepteur Tnt compatible avec la norme Dvb-T2 Mpeg-4 est suffisant pour recevoir gratuitement les chaînes en clair de la Tnt, soit les 17 chaînes sénégalaises actuelles. Ces récepteurs sont disponibles sur le marché ». Mieux, ajoute le document, « ces récepteurs équipés d’un tuner Tnt sont maintenant intégrés aux écrans plats « nouvelle génération », ce qui dispense l’utilisateur de l’achat d’un appareil externe supplémentaire. « Le décodeur d’un opérateur permet de décrypter les chaînes de la Tnt payante et de décoder les chaînes gratuites diffusées en clair. » Une manière de faire comprendre que le téléspectateur consommateur ne devrait pas être prisonnier d’une offre limitée dont, à la limite, il pourrait se passer sans qu’il y ait pour lui un quelconque préjudice, s’il a décidé de se contenter des images des télés gratuites.
Par ailleurs, et surtout, les concurrents d’Excaf estiment que, par sa pratique de diffusion des images de télévisions étrangères cryptées sur son satellite, cet opérateur ne donne pas un exemple de respect de la propriété intellectuelle, et équivaudrait même, selon eux, à de la « violation manifeste de droits ». Le document ajoute même : « Le piratage tue la production locale et nuit considérablement à l’invitation des autorités locales à développer des programmes et contenus de qualité. »
Mohamed Guèye
(Source : Le Quotidien, 20 juin 2015)