Ethiopie : l’intensification du conflit armé qui se profile menace le lancement des activités de Safaricom
mercredi 10 novembre 2021
L’année dernière, le gouvernement éthiopien a enregistré des avancées notables dans son projet de libéralisation du marché télécoms national. Mais l’instabilité politique qui couve actuellement met en danger ces succès et risque de doucher l’enthousiasme des investisseurs.
Safaricom avait dévoilé en mai, lors de l’acquisition de la première licence globale éthiopienne, sa volonté de démarrer ses activités dans le pays au début de 2022. Ce calendrier est menacé au regard de l’intensification du conflit armé qui se profile dans le pays. Vendredi 5 novembre, neuf groupes rebelles éthiopiens ont annoncé la création d’une alliance contre le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed et menacent de marcher sur Addis Abeba.
Le 6 novembre, dans un post publié sur Facebook et bloqué par le réseau social pour incitation à la violence, le Premier ministre déclarait à l’attention de la population : « organisez et mobilisez-vous de [n’importe quelle] manière légale avec toutes les armes et tous les pouvoirs … pour empêcher, renverser et enterrer le TPLF terroriste ».
Vendredi, les Etats-Unis, la Suède et la Norvège ont appelé leurs ressortissants à quitter l’Ethiopie. Safaricom a également commencé l’évacuation de son personnel de la capitale les 2 et 5 novembre vers Nairobi. « Tout notre personnel est en sécurité. Un certain nombre d’entre eux a été évacué d’Ethiopie de manière temporaire pendant que nous évaluons la situation », a confié sous anonymat un responsable de Safaricom au journal Business Daily.
Le conflit entre le gouvernement fédéral et le Front de libération du peuple du Tigré et l’Armée de libération oromo perdure depuis le 4 novembre 2020. D’abord cantonné au Tigré, il s’est étendu au fil des mois à l’Oromia, l’Amhara et l’Afar. L’évacuation du personnel de Safaricom qu’il a suscité n’est que la matérialisation d’un nouvel impact direct sur l’entreprise télécoms. Il intervient quelques mois après que l’entreprise a vu le financement de 500 millions $ qu’elle attendait de l’agence américaine de financement du développement international (DFC-US) bloqué. L’Agence redoutait justement une escalade dans le conflit.
Un retard de Safaricom dans le démarrage de ses activités à cause de l’instabilité politique en Ethiopie pourrait susciter des dépenses opérationnelles imprévues pour l’entreprise, notamment le paiement de salaires d’un personnel inactif. Pour le gouvernement, la situation risque de nuire à tout le processus de libéralisation du marché télécoms, actuellement dans la phase d’attribution de la seconde licence globale du pays et de privatisation partielle d’Ethio Telecom, en décourageant les investisseurs.
Muriel Edjo
(Source : Agence Ecofin, 10 novembre 2021)