Et si les traces numériques et le coefficient K nous aidaient à maîtriser le Covid-19 ?
lundi 23 mars 2020
La pandémie mondiale du Covid-19 a amené les différents pays touchés à mettre en place différentes stratégies de riposte suivant leurs situations respectives allant de la sensibilisation sur les pratiques hygiéniques à l’interdiction stricte de sortie et au confinement total. Cependant des pays comme le Sénégal sont pour la plupart en early stage du Covid-19 c’est à dire en stade précoce du virus et ont une opportunité unique à saisir pour pouvoir atténuer et maîtriser l’évolution du virus en mettant en place un plan de riposte basé sur l’utilisation d’outils technologiques au niveau de la prise en charge des personnes infectées et de la prévention.
D’après les différents rapports des pays déjà touchés par la pandémie (Espagne , france) , le coefficient de contamination par personne peut aller jusqu’à 5 .Ce qui se traduit par un scénario comme suit : une personne infectée peut contaminer 5 autres personnes qui à leur tour peuvent contaminer chacune 5 autres personnes et ainsi de suite. Pour un tour de 3 , on se retrouve facilement avec 1*5*5*5= 125 personnes contaminées en un court temps dépendant de la localité et des habitudes quotidiennes de la population. De ce fait la détection efficace , rapide et précise des différents arbres de contamination (patient 0a , patient 1a .. patient na , patient 0b ...patient nb) pour les pays en stade précoce du Covid-19 comme le Sénégal permettra un suivi et une prise en charge des personnes infectées et à risque potentiel ainsi qu’un plan de prévention basé sur des modèles répondant à la situation et à la spécificité de chaque localité. Mais COMMENT ?
Aujourd’hui au Sénégal , le taux de pénétration de la téléphonie mobile est de 110,31% (ARTP , 31 Décembre 2019). Autrement dit , le nombre de puce téléphonique actuel dépasse largement le nombre de la population sénégalaise et avec la dernière réforme , chaque abonnement est maintenant identifié. Ainsi les technologies mobiles (2G , 3G ,3G+ , 4G ,4G+) de nos différents opérateurs téléphoniques peuvent être utilisées pour obtenir les traces numériques (données de géolocalisation horodatée - GPS) des premières personnes détectées du Covid-19 (racine des arbres de contamination) ainsi que les récentes. Ces télémétries croisées avec celles d’autres abonnées des localités et corrélée aux données d’images vidéos des différentes plateformes de vidéosurveillance du projet Safe City de l’ADIE peuvent révéler aux autorités sanitaires les informations suivantes :
– Les différentes positions du patient sur les 14-21 derniers jours
– Les personnes à haut risque ayant été en contact avec le sujet cible durant la période d’étude
– Les zones fréquentées par le sujet ainsi que l’identification des moyens de transport utilisés
– Le modèle de propagation (comportement) du virus suivant les localités avec la température , la densité de population , qualité de l’air ...
Ainsi ces données et informations serviront aux décideurs sanitaires de :
– Pouvoir mettre en place des stratégies de confinement efficaces de personnes à risque élevé très tôt (envoie de SMS pour qu’elles restent chez eux en un premier temps par exemple).
– Mener des campagnes de désinfection à des endroits cibles révélés par les données car d’après l’institut américain de recherche sur les allergies et les maladies infectieuses, le Covid-19 aurait une durée de vie de 2 à 3 jours sur du plastique ou de l’acier , 24 heures sur du carton.
– Mener des campagnes de test de masse ciblées et efficaces.
Cependant la stratégie de campagne de test du Covid-19 est l’une des stratégies phares recommandée par l’OMS pour endiguer au plus vite la courbe d’évolution du Covid-19 comme l’exemple de la Corée du Sud qui a réussi à maîtriser la pandémie en local avec un faible taux de mortalité (104). Elle devient alors un cas d’étude et un exemple à suivre pour les pays affectés par le virus et surtout pour les pays africains.
L’étude du cas de la Corée du Sud révèlent des chiffres qui devraient attirer l’attention des pouvoirs publics du monde entier : 270.000 tests effectués pour 8897 infectées. Comparant ces deux chiffres , on se rend compte que la corée du sud a su maîtriser la pandémie localement en effectuant 31 FOIS plus de test que de nombre total d’infectés au Covid-19 chez eux. Ce coefficient est 6 FOIS plus grand que le coefficient de contamination par personne observé dans les pays les plus affectés et témoigne alors de la célérité du plan d’action de la Corée face au Covid-19. En appliquant ce coefficient K (31) au nombre d’infectés actuel au Sénégal (67 cas , 22/03/2020) , on se retrouve avec un besoin en kit de test d’environ 2077 tests aux endroits les plus à risque. Aujourd’hui beaucoup de pays ont déjà commandé des stocks de kit de test du Covid-19 à un prix entre 20 et 25 euros (13100 - 16400 FCFA) comme l’Espagne qui vient de commander 650.000 kits de test. L’investissement en terme de kit de test du Covid-19 en ce moment s’élèverait alors pour le Sénégal à environ 34 - 40 Millions FCFA pour les 2077 calculés sans compter les capacités journalières de test à l’institut pasteur de Dakar. Des investissements largement à la portée du Sénégal et des autres pays africains en stade précoce du virus ayant l’ambition d’endiguer la pandémie dès son élancement. Le marché des Kits de test deviendra bientôt saturé d’où l’intérêt de s’approvisionner à temps mais aussi de prévenir avec un stock beaucoup plus élevé.
La stratégie proposée allant de la traçabilité numérique des personnes infectées aux campagnes de confinement ciblées nécessite la formation d’un consortium agile composédes parties prenantes suivantes avec des procédures administratives simplifiées au maximum :
– le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale ainsi que les démembrements concernés
– Le Ministère de l’Intérieur
– L’Agence de l’Informatique de l’Etat
– Les opérateurs téléphoniques (Orange , Free , Expresso)
– Les régulateurs comme l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) et la Commission de Protection des Données Personnelles (CDP)
Il ressort clairement que des pays en situation comme le Sénégal peuvent maîtriser la propagation du virus en adaptant les mesures précitées avec tant d’autres et prévenir les situations d’hors contrôle. Ces pays devront saisir cette opportunité avec des investissements stratégiques en anticipant sur les méthodes/outils et les acquisitions de kit de test pour les tests de masse. Cependant ces mesures deviendront de plus en plus compliquées si elles sont prises tardivement avec l’évolution du nombre de cas et la détection de cas communautaire. A noter aussi que les pays à dimension culturelle spécifique comme le Sénégal devront s’affranchir des tabous sur la contamination et les endroits à risque tant au niveau de la population qu’au niveau de l’Etat.
Responsable Pôle Entrepreneuriat et Innovation à l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar
MLK
(Source : Dakar Actu, 23 mars 2020