Et l’on reparle de la troisième licence de télécommunications
lundi 30 avril 2007
A quelques jours d’intervalle, des informations publiées dans la presse ont fait état de l’intérêt manifesté par plusieurs opérateurs de télécommunications pour l’acquisition d’une licence de téléphonie mobile au Sénégal. C’est ainsi qu’il a été mentionné dans le communiqué du Conseil des ministres du 20 avril 2007 que le Président du Saudi Binladen Group avait manifesté, à l’occasion d’une entrevue avec le Président de la République lors de son récent voyage en Arabie Saoudite, son intérêt pour l’acquisition d’une licence de téléphonie mobile. De son côté, l’hebdomadaire « Nouvel Horizon », reprenant « Jeune Afrique », a publié un entrefilet dans son édition du 27 avril 2007 dans lequel il indiquait que le groupe China Télécom était intéressé par l’exploitation d’une licence de téléphonie mobile et était prêt à déployer un réseau utilisant la technologie UMTS. Par le passé, diverses sources avaient également évoqué les intentions, réelles ou supposée, de Maroc Télécom et même d’investisseurs sud-africains mais jusqu’à ce jour elles n’ont été ni confirmées ni infirmées dans un contexte marqué par le manque de lisibilité de la volonté réelle des autorités. Ces déclarations d’intention remettent en effet à l’ordre du jour la question de l’attribution d’une troisième licence de télécommunications régulièrement annoncée mais jamais attribuée comme nous l’évoquions déjà l’année dernière dans notre éditorial intitulé « L’Arlésienne du troisième opérateur » (Cf. Batik n° 83 juin 2006). Il faut en effet rappeler que, juridiquement parlant, le marché sénégalais des télécommunications est totalement libéralisé depuis juillet 2004, date à laquelle le monopole accordé à la Sonatel sur la téléphonie fixe, l’international et le transfert de données a expiré. Dans les faits, ce marché est fort peu concurrentiel puisqu’à côté du monopole de fait dont jouit la Sonatel sur la téléphonie fixe depuis cette date, le marché de la téléphonie mobile ne met en présence que deux opérateurs dont l’un d’entre eux, Orange, détient 75% des parts de marché tandis que son concurrent Tigo doit se contenter des 25% restant et qu’enfin le marché de l’Internet est dominé à 95% par Orange, la plupart des fournisseurs de services Internet ayant un à un cessé leurs activités et ceux qui restent se contentant aujourd’hui de revendre des services ADSL fournis par la Sonatel. Dans une telle situation, il est aisé de comprendre pour quoi chaque année la Sonatel enregistre une progression régulière de son chiffre d’affaires et de ses bénéfices. Cela étant seuls ses actionnaires, parmi lesquels France Télécom et l’Etat se taillent la part du lion, en tirent un véritable avantage à travers les dividendes qu’ils perçoivent. En effet, les consommateurs, qu’ils s’agissent des particuliers comme des entreprises, pâtissent de cet état de fait qui influe négativement sur le niveau des prix, la qualité de service et l’éventail des services disponibles. L’immobilisme observable autour de cette question est d’autant plus incompréhensible que dans le cadre de l‘élaboration de la stratégie de développement de la grappe TIC et téléservices, retenue comme une des grappes porteuses de la Stratégie de croissance accélérée (SCA), les acteurs du monde des TIC ont fortement insisté sur le fait que l’ouverture du marché des télécommunications à d’autres opérateurs était un des leviers essentiels sur lequel il fallait agir en vue de dynamiser le secteur et au delà l’ensemble de l’économie. Les retombées attendus sont notamment une baisse des tarifs de la téléphonie fixe, une amélioration de la couverture et de la qualité des réseaux de téléphonie mobile couplée à l’utilisation de nouvelles technologies ainsi que la diversification de l’offre de services. Il est donc grand temps de mettre en œuvre, dans la transparence, le processus d’attribution de cette fameuse licence globale annoncée depuis des années par les autorités et de créer les conditions d’une véritable concurrence sur le marché des télécommunications.
Amadou Top
Président d’OSIRIS