Escroquerie par Internet : Le prétendu converti plume le marabout : 4 ans ferme
mercredi 25 février 2004
« Plus de 20 millions de francs CFA », c’est le montant faramineux que Cheikh Mbacké Diaw a réussi à soutirer au marabout Souleymane Niang. C’est que la confiance de ce dernier était totale puisque l’escroc lui avait été présenté par l’Islamologue Cheikh Ahmed Tidiane Bitèye comme un Chrétien Bissau-guinéen du nom d’Augustin Mendy reconverti à l’islam.
Et c’était après un appel lancé sur les ondes de la radio, au cours de l’émission animée par ce spécialiste de l’exégèse coranique. Souleymane Niang l’avait donc accueilli à bras ouverts, lui confiant même ses affaires et la gestion de son compte bancaire. Le prévenu l’a littéralement plumé avant de l’amener à entraîner dans l’arnaque Ndiaga Mbaye, Cheikh Badiane, Babacar Niang, Adnan Basse et Ndèye Astou Niang. Ces derniers y ont laissé respectivement 560 000 F, 590 000 F, 1 million 60 000 F, 300 000 F et 950 000 F CFA pour des visas dont ils n’ont pas vu la couleur.
Le prévenu a simplement tout avoué, ce qui lui a valu une peine exemplaire de 4 ans d’emprisonnement ferme. Tant le modus operandi le fait passer pour « un individu très dangereux ». En effet, lorsque Souleymane Niang raconte comment il l’a accueilli, installé, mis à l’aise et même marié en usant de sa réputation et de sa poche, on ne peut qu’être ébahi devant l’audace de l’escroc et la naïveté de ses victimes que le procureur n’a pas manqué de souligner.
Le représentant du parquet s’est d’ailleurs demandé si Cheikh Mbacké Diaw n’avait pas déjà eu l’idée de l’arnaque dès l’instant qu’il donnait des faux noms. Ainsi, à sa conversion, il passait d’Augustin à Mohamed Mendy, avant de se faire passer pour le fils du Général Niang. Rien que cela...
Un terrain à Saly et une Merco
C’est alors tout un engrenage qui se met en place puisqu’il prétend d’abord avoir été expulsé du domicile familial par son père depuis sa conversion. Ensuite, il se fait payer des « études à l’Ensut » par son protecteur et se prépare à aller les poursuivre en Angleterre. Entre temps, il a été marié et menait la grande vie, puisqu’il avait débuté ses frasques dans la spéculation en achetant un terrain à Saly et une Mercedes. Cheikh Mbacké s’est-il alors piqué à son jeu au point d’imaginer le scénario qui va le conduire à sa perte ?
En tout cas, tout est parti d’un ordinateur portable que la partie civile aurait reçu, on ne sait trop comment. Cheikh Mbacké Diaw affirme que c’est Souleymane Niang qui l’a reçu en cadeau et a manifesté son intérêt de faire connaître sa « science » via Internet. Ce qui est sûr, c’est que l’appareil était en panne. Il a fallu le réparer avant d’aller à « Sentoo » s’abonner au réseau mondial. À partir de là, les versions divergent. Parce que là où Souleymane Niang affirme que le prévenu l’avait mis en contact avec les « toubabs » Olivier et Charlie, celui-ci déclare que le marabout lui avait demandé de faire passer une annonce via Internet.
Le nommé Olivier par qui tout arriva aurait simplement répondu à la publicité d’un marabout sénégalais qui « soigne toutes sortes de maladies ».
45 millions pour soigner l’impuissance
Comme c’était un patient qui soufrait d’impuissance, Souleymane Niang avait proposé le prix de 45 millions pour le soigner s’il faisait le déplacement. On ne sait pas trop comment l’affaire a évolué en sens contraire. Toujours est-il que c’est finalement le marabout qui devait aller retrouver son patient qui lui aurait alors envoyé la somme de 45 000 Euros. « Rien que des chimères », selon Me Nohin Mbodj qui prendra le relais de Me Ibrahima Mbengue pour défendre les intérêts de la partie civile. Pour couronner le tout, l’escroc s’était également fait remettre les passeports de 5 autres pigeons à qui il aura soutiré différentes sommes devant servir de frais de dossiers, prix du billet et autre argent de poche.
Cheikh Mbacké Diaw s’installant dès lors dans le mensonge et le dilatoire, en faisant poireauter son bienfaiteur à la BICIS, avant de l’amener à un dialogue sans cesse renouvelé avec Olivier à l’autre bout de la toile mondiale. C’est Adnan Basse qui finira par faire le déplacement jusqu’à son village natal de Diaksao où même le père du prévenu n’a pas paru surpris de le savoir dans de sales draps. Selon son géniteur, il serait un habitué des faits connu à la Division des investigations criminelles.
À la barre du tribunal, Cheikh Mbacké Diaw, alias, Augustin, alias Mohamed Mendy a tout avoué, même s’il a tenté de minorer le préjudice. « Parce qu’il y a une trop grande différence avec ce qu’ils réclament, j’ai laissé l’argent à la banque » a-t-il dit. Il ne resterait pourtant sur le compte qu’il avait ouvert à la CBAO de Pikine que la somme de 9 millions 200 000 FCFA, alors que le tribunal l’a condamné à payer 20 millions à Souleymane Niang et 2,5 millions aux quatre autres. Absente de l’audience, Ndèye Astou Niang dont les intérêts ont été défendus par Me Benoît a réclamé et obtenu le paiement de 950 000 FCFA.
Bien évidemment, Cheikh Mbacké Diaw a été envoyé à la citadelle du silence où il devra méditer pendant 4 ans sur son sort et sur une éventuelle... reconversion.
Fara Sambe
(Source : Le Soleil 24 février2004)