Entretien exclusif avec le Directeur Général de la Sonatel à propos de l’emprunt obligataire de 100 milliards de Franc CFA
mardi 16 juin 2020
La Sonatel, leader sous-régional des télécoms, teste sa signature sur le marché. L’emprunt obligataire de 100 milliards de FCFA, avec une période de souscription étalée du 15 juin au 15 juillet, constitue en soi un signal fort du marché financier, comme le déclare Sékou Dramé, DG de la Sonatel, dans cet entretien exclusif qui sera suivi, demain, de la présentation, à travers un entretien, des caractéristiques de l’opération par Ababacar S. Diaw, DG Iimpaxis Securities.
Monsieur le Directeur Général, le groupe Sonatel sollicite un emprunt de 100 milliards de FCFA sur le marché financier de l’UEMOA. Au- delà de la mobilisation des fonds, quels sont les principaux objectifs visés par l’opération ?
La stratégie de la Sonatel a toujours été basée sur l’innovation au service de nos clients envers qui nous nous sommes toujours engagés à garantir une qualité de service au niveau des meilleurs standards internationaux. L’investissement est un facteur clé dans notre secteur pour tenir continuellement ces dites promesses et consolider notre leadership. Ceci doit cependant se faire sans oublier aucune autre partie prenante, notamment nos actionnaires qui nous ont fait confiance et qui doivent continuer à bénéficier d’une bonne politique de dividende. Sonatel est aussi un acteur majeur dans la sous-région et devrait pouvoir participer fortement à son dynamisme. L’objectif principal de cet emprunt est donc de permettre à Sonatel de diversifier ses sources de financement dans un contexte de raréfaction de la liquidité pour continuer à financer les investissements nécessaires à son développement tout en maintenant une politique de dividendes adaptée et à la hauteur de l’attente de ses actionnaires.
Il s’agit de la plus grande levée de fonds sur le marché régional de l’UEMOA. Est-ce que le timing post- covid et les conditions du marché s’y prêtent ?
Cette question peut se poser légitimement aujourd’hui mais il faut noter que Le processus a été lancé depuis 2019 avec la sollicitation d’une notation auprès de Wara, qui a été obtenue au dernier trimestre 2019 avec une notation « Investment Grade ». La pandémie Covid-19, dans un sens, nous a conforté dans notre ambition d’être un partenaire privilégié de la transformation numérique de nos sociétés. Nous avons tous pu mesurer comment la covid19 a accéléré la digitalisation de plusieurs pans de nos économies avec des besoins accrus en termes de connectivité, mais également en termes de sécurité et d’ouverture de nos assets au profit de l’écosystème numérique.
Nous pensons donc que c’est, plus que jamais, le moment de déployer les investissements qui nous permettront de préparer nos réseaux et plateformes de services à écouler encore plus de trafic avec une excellente qualité de service, mais également de déployer de nouvelles offres et innovations pour accélérer notre transformation en opérateur multiservices. Aussi faut-il se rappeler que ce genre d’opération cible l’épargne d’une catégorie d’investisseurs qui ont des attentes à moyen et long terme et qui sont à la recherche d’opportunités avec un bon équilibre risque versus rendement. Sonatel dispose d’une forte capacité à honorer le service de la dette et présente un risque crédit très bas qui, je le pense, va rassurer les investisseurs en ces temps d’incertitudes.
Est-ce à dire que l’option de l’investissement par fonds propres et emprunts bancaires privilégiée jusque-là a montré ses limites et qu’il faut désormais que Sonatel sollicite le marché financier régional et, demain, international ?
Tout à fait. Pendant longtemps Sonatel n’a pas réellement profité de son rayonnement sous régional pour adresser le marché financier de la zone ; c’est ce que nous essayons de corriger en tenant compte aussi de l’évolution de la règlementation sur les ratios prudentiels des banques. L’entrée en vigueur de Bâles 2 et 3 entrainera, en effet, une réduction de la capacité d’engagement des banques de la région avec la baisse du single obligor à 25% en 2021, combinée à un niveau des fonds propres de la région relativement bas. Il nous a donc semblé nécessaire de diversifier nos sources de financements. Cette option de recourir au marché obligataire participe aussi à notre volonté d’optimisation de la structure du Bilan avec un remplacement, dans les capitaux employés, d’une partie des fonds propres par de la dette. Notre bas niveau d’endettement nous permet de le faire, tout en restant sur un ratio Dette Nette/EBITDA en deçà de la moyenne de nos pairs en Afrique saharienne.
Comment le groupe Sonatel envisage- t-il le deuxième semestre 2020 dans sa croissance propre et celle de son secteur en particulier ?
Le groupe sera certainement confronté aux effets de la décroissance économique que connaissent les pays où nous opérons. Cette crise a en effet atteint un niveau tel que, peu importe la préparation en amont, elle est déstabilisante pour tous les secteurs, y compris celui des télécommunications. Nous gardons toutefois espoir que l’allègement des restrictions de déplacements mais également les mesures de relances décidées par les différents gouvernements dans nos pays d’opérations permettrons d’atténuer l’impact qui a été observé sur les premiers mois. Nous avons mis en œuvre dans toutes les opérations du Groupe diverses actions d’optimisations sur les charges et les premiers résultats obtenus nous rendent confiants sur notre capacité à atteindre nos prévisions de résultats malgré le risque de retard sur le chiffre d’affaires.
Au delà de cet emprunt obligataire historique, le cours boursier de la Sonatel reste un baromètre très suivi par les investisseurs étrangers à la BRVM et aussi par les particuliers résidents, les bons pères de famille (BPF) et les institutionnels. Quel message avez-vous à leur transmettre ?
Nous espérons que cette opération participera à renforcer la valeur de l’action Sonatel et à rassurer ainsi les porteurs du titre. Elle nous permet en effet de communiquer de façon très détaillée sur les fondamentaux du Groupe Sonatel qui restent très bons. Le financement de l’investissement se poursuit, ce qui augure d’un futur plus optimiste pour la réalisation de nos objectifs et ce financement se fait de manière diversifiée dans des conditions moins contraignantes en matière de délai de remboursement ; ce qui permet de consolider notre politique de dividende qui demeure plutôt attrayante.
Votre mot de la fin
Nous invitons les investisseurs à participer massivement à cet appel à l’épargne public tout en les rassurant que le Groupe Sonatel poursuit sa dynamique de croissance et de développement rentable.
Adama Wade
(Source : Financial Afrik, 16 juin 2020)