En Afrique, plus on achète de crédit téléphonique, mieux on mange…
lundi 5 janvier 2015
Alors que les informations concernant les pénuries alimentaires ont toujours été difficiles à recevoir en temps réel, des démographes se proposent d’utiliser les données produites par des téléphones mobiles pour changer la donne.
Une conséquence de la révolution de la téléphonie mobile que connait l’Afrique est que la quantité importante de données générée par le secteur représente une vraie mine d’or pour les analystes de la société. En effet, des études ont déjà montré que les données des téléphones mobiles peuvent révéler des tendances sur l’activité criminelle et même des stratégies de reproduction des humains.
Ici, une étude semblable à celle qui avait été conduite en Côte d’Ivoire pour cartographier les classes sociales, a été menée par Adeline Decuyper et d’autres chercheurs de l’Université catholique de Louvain en Belgique. D’après le MIT Technology Review celle-ci était basée sur des modèles d’utilisation de la téléphonie mobile dans un pays d’Afrique centrale pour déterminer les modèles de consommation alimentaire.
L’équipe a commencé avec deux ensembles de données. Le premier est une enquête de terrain menée en 2012 par le Programme Alimentaire Mondial sur la consommation alimentaire de 7500 ménages dans un pays d’Afrique centrale. L’équipe ne précise pas le pays, mais d’après le MIT Technology Review une étude sommaire des données laisse croire qu’il s’agirait du Rwanda.
L’enquête contenait plusieurs questions sur les caractéristiques démographiques et les revenus des ménages, ainsi que de nombreuses questions spécifiques liées à la consommation alimentaire, telles que le nombre de fois que chaque type d’aliment avait été consommé au cours des sept derniers jours et les difficultés d’accès à la nourriture tout au long de l’année.
Le deuxième ensemble de données était un enregistrement de tous les appels d’une partie importante de la population d’un opérateur de téléphonie. Chaque enregistrement comprenait les identifiants de l’appelant et de l’appelé, la station de base qui a lancé l’appel, la date et l’heure. L’ensemble des données comprenait également l’historique des achats de crédits du même échantillon d’utilisateurs.
Ainsi, les résultats obtenus par le croisement de ces données ont pu montré que l’achat de crédit téléphonique était en corrélation direct avec la consommation de produits alimentaires tels que les légumes riches en vitamines, le riz, le pain, le sucre et la viande fraîche. En d’autres termes, la richesse de l’alimentation serait directement reliée à la quantité de crédits achetés dans une zone donnée.
Cette hypothèse est étayée par la découverte d’une corrélation négative entre les achats de crédit et la consommation de patates douces blanches, qui est un élément pas très cher et largement cultivé. « Cela suggère que lorsque les gens peuvent se le permettre, ils réduisent leur consommation de patates douces. » dit l’équipe.
Les résultats de cette étude supposent donc que les données produites par l’utilisation des téléphones mobiles pourraient devenir un outil extrêmement important pour la surveillance en temps réel des modes de consommation alimentaire. L’idée est que ce type de données aide à prévenir des pénuries alimentaires et des crises potentielles, en particulier dans les parties du monde où les enquêtes sont longues, coûteuses et parfois impossibles à réaliser.
Walter Ngouamo
(Source : Afrique ITnews, 5 janvier 2015)