Grâce à son nouveau service de paiement mobile « YUP », la banque de La défense espère doubler sa base de clientèle en Afrique subsaharienne.
Depuis quelques mois, Kiné et Aissatou, ont ajouté sur le mur blanc de leur kiosque en crépi l’inscription sur fond rouge ’YUP’. Signe qu’ici, les clients pourront utiliser le nouveau service de paiement mobile de Société Générale, en plus de ceux d’Orange Money, de Joni Joni et de Wari. Situé au abords d’un carrefour très fréquenté, dans le quartier Mermoz à Dakar, le kiosque des deux jeunes femmes jouxte un étal de cacahuètes et un vendeur de chaussures qui a disposé son stock sur le trottoir.
La concurrence d’Orange Money
Dans la petite boutique, on vient recharger son téléphone mobile avec de la monnaie électronique pour payer dans les magasins, envoyer de l’argent à des proches, régler ses factures d’électricité mais aussi acheter des Mentos ou y faire des photocopies.
Ce vendredi 30 novembre après-midi, le brouhaha des voitures et des bus est constant aux alentours, mais l’affluence est faible. « C’est un jour de prière, beaucoup de gens sont à la mosquée », explique Aissatou. Elle arbore le t-shirt blanc promotionnel de ’YUP’ mais reconnaît que le service démarre. « Pour le moment, c’est Orange Money qui nous rapporte le plus car c’est le plus utilisé », dit-elle.
Doté de 1,9 million de clients au Sénégal, Orange Money fait de loin la course en tête devant YUP. Lancé fin 2017, le service de Société Générale revendique 130.000 clients au Sénégal et un total de 300.000 si l’on inclut ceux qui l’utilisent au Burkina Faso, en Côté d’Ivoire et au Cameroun. D’ici 2020, il vise un million de clients.
« Outil d’accélération considérable »
Avec ce nouveau service qui se veut accessible à tous, Société Générale espère pourtant revenir dans la course de la banque du quotidien et élargir son vivier de clients africains. Dotée d’une présence historique dans les pays francophones, Société Générale compte au total 3,7 millions de clients dans 19 pays du continent. Mais il pâtit de taux de bancarisation qui ne dépassent pas 20% en Afrique de l’Ouest.
« En trois ans, YUP doit nous permettre de doubler notre base clientèle en Afrique subsaharienne ! Ce ne sont pas les même clients que nous avons mis 50 ans à conquérir, mais c’est un outil d’accélération considérable », s’enthousiasme Alexandre Maymat, responsable Afrique, Méditerranée et Outre-mer chez Société Générale.
Popularisé par les opérateurs télécoms en Afrique de l’Est il y a une dizaine d’année, le « mobile money » qui permet de stocker de l’argent dans son téléphone à la manière dont on stocke des minutes téléphoniques fait, il faut dire, une percée considérable en Afrique de l’Ouest. « On s’est demandé si des pans entiers de l’industrie allaient tomber dans les mains des telcos », les opérateurs de télécommunication, reconnaît Matthieu Vacarie, qui dirige YUP.
La carte du microcrédit
Pour faire la différence en tant que dernier entrant, Société Générale mise sur les services aux agents - c’est-à-dire les milliers de petits commerçants qui distribueront « YUP ». Dans son échoppe où canettes d’Orangina, rouleaux de papiers toilettes et paquets de céréales jalonnent les étagères, Omar teste l’un d’entre eux : un outil de caisse qui lui permet d’avoir l’oeil sur ses stocks. Mais la tablette enregistre aussi ses données de paiement pour permettre à la banque de se faire une idée de son risque de crédit afin de lui accorder un prêt.
D’autres idées sont aussi éprouvées. « Nous travaillons avec un producteur de cacao pour faciliter le paiement des planteurs via YUP. Lors des récoltes, les coopératives décaissent des quantités de cash qu’ils utilisent pour payer les planteurs », explique Matthieu Vacarie. Face à la concurrence effrénée, Société Générale veut, à l’instar d’Orange Money, aussi jouer la carte du microcrédit. La banque française entend proposer des avances sur salaires aux clients sénégalais de YUP dans les prochains mois.
Premiers pas dans l’Hexagone
Si le succès est au rendez-vous, Société Générale espère que YUP permettra d’alléger les frais d’exploitation de son réseau africain. « On a souvent 40 à 60 personnes qui font la queue dans une agence. Lorsque les clients reçoivent leur salaire, certains ont tendance à venir le retirer en espèce », explique Jean-Marc Mancel, directeur de la filiale sénégalaise du groupe. Compte tenu des économies dans la gestion du cash, la banque estime que YUP sera à l’équilibre en 2020. D’ici là, le service doit faire ses premiers pas dans l’Hexagone : les transferts d’argent vers la France doivent être lancés en 2019.
Sharon Wajsbrot
(Source : Les Echos, 2 décembre 2018)