Egypte : Internet - Un débit de tortue dû à la cybersurveillance de l’Etat ?
jeudi 4 janvier 2018
L’extrême lenteur du débit en Egypte fait réagir les internautes et l’argument du problème technique invoqué par le fournisseur d’accès étatique ne passe pas. Sur les réseaux sociaux, les clients mécontents dénoncent une surveillance de l’Etat sur internet.
Les internautes égyptiens sont en colère. La vitesse de l’ADSL, déjà lente, a encore été ralentie depuis une semaine. Une lenteur qui frise parfois la paralysie quel que soit le fournisseur de service.
Les autorités des télécoms ont finalement daigné donner une explication mais elle ne convainc pas tout le monde sur les réseaux.
Telecom Egypt, qui a le monopole du réseau de télécommunications avec l’étranger, a plaidé le problème technique : « Un câble sous-marin s’est rompu du côté de Singapour et a ralenti tout le débit allant d’Asie en Europe et passant par l’Egypte. »
Le hashtag #TEData en tendance Twitter
TE Data, le fournisseur étatique de service créé en 2001 par Telecom Egypt et qui détient 70% du marché de l’ADSL, n’a proposé aucun dédommagement à ses clients.
Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’entre eux maudissent la compagnie et l’accusent d’escroquerie. Le hashtag #TEData est même devenu une tendance sur Twitter. On voit donc des internautes désespérés publier des captures d’écran de leur débit de tortue.
Le Net n’est pourtant pas donné en Egypte : 15 euros par mois pour un débit de 4 Mégabits par seconde maximum sans bouquet télévisé ou téléphone fixe.
Une excuse qui ne passe pas
Les internautes se demandent quel est le rapport entre leur problème de débit et un câble entre Singapour et l’Australie. D’autant plus que la plupart des connexions faites à partir de l’Egypte sont principalement vers l’Europe et l’Amérique - des connexions qui passent par des câbles en Méditerranée en parfait état de marche.
Selon ces internautes en colère, la vraie raison du ralentissement est à chercher du côté des divers programmes de cybersurveillance des réseaux sociaux.
Ces derniers seraient diabolisés par des députés de la majorité qui ont proposé l’obligation d’enregistrer auprès des autorités, carte d’identité à l’appui, les comptes Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux. Les contrevenants seraient passibles d’amende et même de prison. Une cyber-inquisition, selon des internautes.
Boycott du Qatar et blocage des opposants
Cela a commencé par un pare-feu installé depuis le mois de juin quand l’Egypte, avec l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Bahreïn, ont décidé de boycotter le Qatar accusé de soutenir le terrorisme.
Les sites visés étaient d’abord Qatariens, puis le cercle du blocage informatique s’est progressivement élargi aux sites d’informations s’opposant au pouvoir égyptien.
Aujourd’hui on estime à plusieurs centaines les sites bloqués par le pare-feu. Il y est aussi question du matériel de cybersurveillance que l’Etat égyptien aurait acheté à l’entreprise française Nexa et qui permet de traquer en temps réel toutes les communications électroniques d’une cible donnée.
Un outil utile contre les terroristes mais dont l’utilisation pourrait être élargie à tous les opposants potentiels en cette année d’élection présidentielle.
Alexandre Buccianti
(Source : RFI, 3 janvier 2018)