Quand est-ce que nos politiques comprendront que le secteur des TIC ne peut pas rimer avec du folklore ?
L’inauguration, le mardi 22 juin, du tout nouveau Data center de Diamniadio par le président de la République, Macky Sall, a encore mis en exergue cette fâcheuse habitude de nos dirigeants à vouloir montrer leur force de mobilisation à leur patron.
En lieu et place d’une forte communauté Tech qui devrait être sur les lieux pour comprendre les enjeux de cette belle infrastructure numérique, Diamniadio a été transformé en ring politique pour accueillir le chef de l’Etat, patron de la coalition politique « Benno Bokk Yaakaar ». Des pancartes, des militants et des artistes ont occupé le décor, noyant le message primordial qui devait être véhiculé par les adeptes de la technologie. 90% des personnes mobilisées lors de l’inauguration n’en ont cure des enjeux de cette infrastructure et s’en foutaient royalement des objectifs de la cérémonie.
Même si en politique, il n’est pas interdit de mobiliser pour plaire, force est de constater qu’aujourd’hui, le secteur du numérique souffre énormément de ce fléau et rate sa connexion à la vitesse de la technologie.
Au moment où, dans les pays qui se respectent, où la technologie et la protection des données occupent une place importante, des datacenters sont lancés en silence. Parce que ces derniers savent que l’importance de l’infrastructure participe entièrement au développement du secteur et les sujets qui fâchent sont loin d’être des DC vides en pratique.
L’Afrique est le seul continent qui ne détient même pas les 1% des datacenters dans le monde et certains politiques se permettent de jouer avec la conscience collective.
Loin d’une critique subjective, nos politiques devraient apprendre à faire la différence entre travailler et mobiliser des militants. Il y a un temps pour démontrer sa force politique et un temps pour poser des actes pour la postérité.
Ce qu’on attend de ce datacenter est que l’on puisse, comme l’a souligné le président Macky Sall, faciliter l’accès aux démarches administratives aux citoyens instruits comme lambda.
Soulager la population et faire gagner du temps en mutualisant les moyens nécessaires pour connecter l’administration qui peine, de nos jours, à avoir, ne serait-ce que des mails professionnels fonctionnels.
Une souveraineté numérique théorique
La bataille de la souveraineté numérique est loin d’être gagnée si nous continuons à miser sur des agissements hors normes de notre secteur.
Nous devons dépasser certaines choses et faire focus sur le « Work Hard and smart « .
Heureusement que le président de la République, conscient de l’importance des données, a exigé la migration de ces dernières se trouvant à l’étranger, vers les terres sénégalaises. L’intention est bonne, mais elle ne suffit pas. Il faudrait que nos spécialistes arrêtent de cacher la vérité à nos autorités sur des projets très sensibles confiés à des institutions ou filiales internationales.
Les données des sénégalais sont volées, stockées et gardées sans sécurité dans des services non conformes à nos réalités. L’espionnage numérique est une question sérieuse que nous ne devons pas négliger.
A ce stade du développement des technologies, le débat fait rage entre les plus grandes puissances. En Afrique et particulièrement au Sénégal, nous sommes toujours à l’ère du folklore technologique.
Malgré la stratégie Sénégal Numérique 2025 (qui touche à sa fin), le secteur traîne toujours les pieds face à une absence notoire d’un régulateur aveugle, qui semble méconnaître les questions de l’heure. La preuve par le tâtonnement dans la gestion des dossiers entre opérateurs de téléphonie ou Fintech, surtout avec le débat actuel opposant Wave à Orange. Le consommateur reste l’unique perdant dans cette jungle digitale où tous les coups sont permis.
Pourtant, des projets ambitieux sont développés dans ce pays. Mais, ils sont mal gérés, ou sont sans suite logique. Ce qui donne naissance à une latence grandissante dans l’exécution des projets numériques.
Un secteur politisé
Au Sénégal, les meilleurs postes de responsabilité du secteur des TIC sont souvent politisés. Ce sont les mêmes acteurs qui occupent le terrain depuis des années et s’y agrippent comme de l’aimant.
Ils gagnent toujours les marchés sans appel d’offres, chuchotent entre les murs des bureaux pour espérer convaincre le chef.
Et la nouvelle génération dans tout cela ? Que fait-on de nos futurs champions du digital ? Nos entrepreneurs, nos startuppeurs ? Osons les responsabiliser si nous voulons sauter des étapes dans le processus de développement.
Une administration molestée
Un constat, une réalité aphone. On passe sans rien dire, tout en sachant où le bât blesse. L’administration sénégalaise est à couteaux tirés. Problème de hiérarchie, querelles de compétences, accaparement de projets, combines numériques…
Le gouvernement crée des agences et autres conseils sans suite. L’exemple le plus patent est celui du Conseil National du Numérique. Longtemps réclamé par les acteurs, le CNN n’existe que de nom avec sa liste de membres obsolètes.
Depuis sa création, aucune réunion n’a été tenue à part celle de l’installation de ses membres qui ont épuisé leur trois ans impartis suivant les dispositions du décret signé par le Président Macky Sall.
Aujourd’hui, c’est silence radio au sein du ministère de tutelle. Les autorités sont beaucoup plus préoccupées par la politique pour espérer encore rester en poste.
Pendant ce temps, le Sénégal, malgré sa vision émergente, nage toujours les yeux bandés, l’esprit déconnecté des réalités de la technologie.
Basile Niane
(Source : Social Net Link, 26 juin 2021)