Droits humains à l’ère numérique : Les pratiques dangereuses d’Orange en Afrique, peu de respect pour la loi
dimanche 20 octobre 2019
Le classement mondial des plus grandes sociétés de télécommunications et d’internet du monde sur leurs engagements à mettre en place des politiques fondés sur le respect des normes internationales relatives aux droits humains a été publié par l’ONG américaine Ranking Digital Rights (RDR) au mois de Mai dernier à Paris lors du salon Viva Technology 2019.
Selon le rapport 2018 de RDR, Orange n’a rien révélé sur la façon dont elle traite les requêtes gouvernementales visant à bloquer le contenu ou à restreindre les comptes d’utilisateurs, elle n’a pas non plus communiqué au sujet de ses procédures de sécurité internes afin d’assurer la sécurité des données des utilisateurs.
Pire encore, Orange, ne s’est pas engagée à informer les utilisateurs sur les demandes gouvernementales et privées concernant leurs données. Il est à noter qu’Il n’existe pas d’obstacles juridiques empêchant Orange de communiquer sur toutes ces informations
Ainsi, Orange a eu un score de 17% sur la liberté d’expression et 29% sur la vie privée, restant à la traîne derrière Vodafone, AT&T et Telefónica.
Si, Orange, commet de si graves manquements sur les droits humains en France, ces derniers ne peuvent être que pire en Afrique voir dangereux pour ses utilisateurs.
Aussi, rien de surprenant qu’Orange collabore activement avec les régimes Africains autoritaires, dictatoriaux et pseudo démocratiques qui remettent en cause la liberté d’expression et le respect de la vie privée par des coupures d’internet et des demandes d’informations sur les utilisateurs.
En effet, rien qu’entre 2016 et 2017, Orange a effectué 16 coupures d’internet et de réseaux sociaux. Quant aux données clients, rien que pour le Sénégal, Orange en a communiqué 40664 au gouvernement. Ainsi, le Sénégal est le deuxième pays en Afrique, derrière le Cameroun, où Orange donnes des informations au gouvernement sur ses clients.
Non seulement, Orange est au service des gouvernements africains au risque de voir les droits humains et libertés fondamentales de ses clients violés, mais en plus, elle s’illustre par le non-respect de la loi.
Au Sénégal, l’un des objectifs de la loi portant code des communications électroniques promulguée en décembre 2018, est la transparence des tarifs et des conditions d’utilisation des services de communications électroniques.
Aussi, l’article 28 dudit code dispose « Les informations transparentes et actualisées relatives à l’ensemble des services proposés, aux tarifs pratiqués ainsi qu’aux conditions générales de vente et/ou de services, sont régulièrement publiées et mises à la disposition des utilisateurs par les opérateurs dans leurs points de vente et sur leur site Internet. »
Malgré cette obligation légale, Orange ne publie rien du tout. En effet, les conditions générales de vente ou de services des offres mobiles, internet ADSL et Fibre, ou Orange Money ne sont pas publiées ni sur orange.sn ni sur sonatel.sn.
En outre, aucun contrat n’est donné aux clients à la souscription d’un service prépayé en violation flagrante de l’article 29 qui stipule que tout opérateur élabore des contrats types et leurs avenants pour la fourniture de leurs services aux utilisateurs.
Des manquements délibérés à la loi sénégalaise qu’Orange ne s’est pas permise en France car sur son site internet tous les documents relatifs aux conditions générales de vente ou de service sont publiés.
Le seul document publié sur le site internet orange.sn est la politique de confidentialité. Elle est truffée de termes vagues, d’omissions et est sans date de publication où de mise à jour. C’est plus une tentative de mise en conformité avec le Règlement Général sur la Protection des Données de l’Union Européenne et avec la loi sur la Protection des Données Personnelles du Sénégal plutôt qu’une volonté réelle de protéger la vie privée des utilisateurs.
En effet, aucune information n’est publiée sur comment exercer les droit d’accès, de rectification, de suppression et d’opposition au traitement des données à caractère personnel des utilisateurs.
Pire encore, aucun moyen n’est mis à la disposition de l’utilisateur afin qu’il puisse suspendre ou retirer son consentement à tout moment par un moyen simple et gratuit sur les données permettant de localiser son équipement terminal.
Ces données de localisation qui permettent de surveiller tout utilisateur du réseau d’Orange, ne peuvent ni être utilisées pendant la communication à des fins autres que son acheminement, ni être conservées ou traitées après l’achèvement de la communication que moyennant le consentement de l’utilisateur, dûment informé.
Un grave manquement à l’article 41 du code des communications électroniques, très préjudiciable pour la vie privée de l’utilisateur. Encore, une atteinte avérée d’Orange en matière de respect des droits humains.
En outre, le consentement préalable de l’utilisateur du service prépayé n’est pas recueilli par Orange avant de procéder à la prospection directe. Une fois de plus, Orange ne respecte pas l’article 47 de la loi n° 2008-12 du 25 janvier 2008 portant sur la Protection des données à caractère personnel.
Au regard de tout ce qui précède, la conclusion qui s’impose est que le respect des droits de l’homme ne fait pas partie intégrante de la politique d’Orange en Afrique.
A l’évidence, le continent africain n’est pas inclus parmi les bénéficiaires de ses engagements au sein du Global Network Initiative qui invite ses membres à adopter des pratiques directement inspirées des principes directeurs de l’ONU sur la protection de la liberté d’expression et le droit à la vie privée.
D’ailleurs, les engagements RSE d’Orange en Afrique se limite à quelques actions sociales : construction d’air de jeux, don d’appareillages orthopédiques, don de matériels de balayage, de désensablement et de désherbage, etc.
Aucune action, encore moins un engagement, pour la protection de la vie privée et la liberté d’expression. Le constat est que pour Orange, les droits humains ne sont pas pour l’Afrique.
Ainsi donc la présence d’Orange en Afrique est faite de collaboration avec les gouvernements, de non-respect des standards internationaux et nationaux de protection de la liberté d’expression et du droit à la vie privée des utilisateurs.
Et, à ce jour, aucune sanction des manquements d’Orange par les régulateurs du secteur des TIC. Par conséquent, entre ses clients et les pouvoirs en place, le choix d’Orange est vite fait. Il ne faut pas déplaire aux autorités afin de conserver la position de rente, les licences et ainsi continuer les arnaques et pratiques anti-concurrentielles.
Orange se montre ainsi complaisante envers les pouvoirs politiques autoritaires, dictatoriaux et pseudo démocratiques et devient en Afrique le bras armé de la répression sur internet, les réseaux sociaux et de la remise en cause des droits de l’homme à l’ère numérique.
Il urge en conséquence, d’impulser une mobilisation multi acteurs pour interpeller publiquement Orange afin qu’elle place la question du respect des droits de l’homme en Afrique au cœur de sa politique.
Aussi, l’ASUTIC :
- Recommande aux utilisateurs de faire preuve de prudence et vigilance dans l’utilisation des services d’Orange. Orange n’est pas un opérateur de confianceen Afrique ;
- Demande aux utilisateurs de faire du respect des droits humains, le premier critère d’évaluation et d’appréciation des services d’Orange ;
- Lance un appel à Orange pour une amélioration de la protection de la liberté d’expression et de la vie privé des utilisateurs conforme aux principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux Droits de l’Homme ;
- Exhorte les autorités à prendre toutes les mesures nécessaires pour le respect par Orange des droits humains à l’ère numérique.
Fait à Dakar, le 20 / 10 / 2019
Le Président Ndiaga Gueye
(Source : ASUTIC, 20 octobre 2019)