Données personnelles : le long chemin africain de la protection
jeudi 14 novembre 2019
Alors que le continent est de plus en plus connecté, l’acuité de la question de la protection des données se renforce. Et beaucoup de chemin reste à parcourir.
La révolution numérique est en marche en Afrique. Avec 435 millions d’utilisateurs Internet en 2018, soit une progression de 20 % en seulement un an, d’après les chiffres du 2018 Global Digital publié par We Are Social et Hootsuite, l’accès au Web se démocratise largement sur le continent. La numérisation des services dans différents nombreux domaines – e-santé, e-Visa et e-commerce – prend aussi pied dans de nombreux pays. Si cette situation facilite la vie de millions d’Africains, elle pourrait aussi se retourner contre eux. En effet, développement du numérique rime aussi avec accumulation des données personnelles. Sans protection, ces informations peuvent être réutilisées à des fins publicitaires ou, pis, politiques. En mars 2018, la société Cambridge Analytica a ainsi été accusée d’avoir récolté les données de 87 millions de profils Facebook et de s’en être servi pour influencer les élections au Nigeria en 2007 et en 2015, aux États-Unis en 2016, ou celles du Kenya en 2017.
La révolution numérique est en marche en Afrique. Avec 435 millions d’utilisateurs Internet en 2018, soit une progression de 20 % en seulement un an, d’après les chiffres du 2018 Global Digital publié par We Are Social et Hootsuite, l’accès au Web se démocratise largement sur le continent. La numérisation des services dans différents nombreux domaines – e-santé, e-Visa et e-commerce – prend aussi pied dans de nombreux pays. Si cette situation facilite la vie de millions d’Africains, elle pourrait aussi se retourner contre eux. En effet, développement du numérique rime aussi avec accumulation des données personnelles. Sans protection, ces informations peuvent être réutilisées à des fins publicitaires ou, pis, politiques. En mars 2018, la société Cambridge Analytica a ainsi été accusée d’avoir récolté les données de 87 millions de profils Facebook et de s’en être servi pour influencer les élections au Nigeria en 2007 et en 2015, aux États-Unis en 2016, ou celles du Kenya en 2017.
La réglementation contre la démocratie ?
Un constat qui interroge quand l’on sait que les pays les plus connectés sont anglophones, à l’instar du Nigeria et du Kenya, où les lois sur la protection des données personnelles manquent cruellement. Et qui fait dire à Mouhamadou Lo que « la situation actuelle ne peut perdurer ». Fin octobre, les autorités nigérianes ont réagi. Le ministère de l’Information et de la Culture a en effet reconnu que les réseaux sociaux, qui peuvent divulguer des données sensibles, par exemple, étaient « incontrôlables » au Nigeria. Le ministre Lai Mohammed a donc annoncé que le pays commencerait bientôt à réglementer le secteur. Sont prévues des « sanctions sévères », notamment « une peine de prison de trois ans et une amende de 150 000 dollars pour la diffusion de fausses informations », relate le site panafricain dédié à l’écosystème des start-up Weetracker. La totale liberté permise par les réseaux sociaux engendre de nombreuses dérives dans le pays où l’on compte 29,3 millions d’utilisateurs de médias sociaux. Le géant Facebook y a d’ailleurs installé un de ses centres africains de modération de contenu.
Mais pour le média en ligne, en agissant de la sorte, le Nigeria va « dans la mauvaise direction ». « Réglementer peut sembler, de prime abord, être une bonne idée. Mais cela pourrait retirer aux médias sociaux ce qui fait son essence même », à savoir sa liberté de ton, déplore l’article. D’après un rapport de l’agence de communication Portland, basée à Londres, les Africains utilisent en effet plus Twitter pour leurs conversations politiques que tout autre citoyen du monde. En codifiant d’abord l’utilisation des réseaux sociaux, non seulement les autorités africaines ne s’attaquent qu’à une partie du problème, mais elles s’attirent aussi les foudres des défenseurs de la liberté d’expression. Pour Weetracker, il est ainsi « difficile de savoir si le “gouvernement démocratique” tente véritablement de lutter contre les fausses informations ou s’il veut mettre un terme aux critiques de ses politiques ».
Concilier droits fondamentaux et technologie
Les conséquences d’une telle politique sont nombreuses. Elle suscite d’abord la défiance des populations et laisse de côté d’autres problématiques liées à la protection des données personnelles, comme l’exploitation de ces informations par des entreprises. Le manque de protection peut aussi affecter les échanges commerciaux de l’Afrique avec l’international. Une société européenne sera hostile à un partenariat avec une entreprise africaine si elle craint pour la protection de ses données bancaires par exemple.
Une législation dédiée au secteur est donc indispensable. Car une plus grande confiance accordée aux services en ligne booste l’économie numérique. Aux gouvernements frileux sur la question, Mouhamadou Lo rétorque : « Aucune exigence légale ne peut empêcher le développement d’un marché numérique. Il faut simplement savoir concilier les droits fondamentaux reconnus aux individus et la manière de profiter des possibilités offertes par la technologie. » Reste à savoir si les États africains sont prêts à respecter ce savant dosage.
Marlène Panara
(Source : Le Point Afrique, 14 novembre 2019)