Alors qu’elle s’étend au Sénégal, Djamo, une Fintech basée en Côte d’Ivoire, recherche des accords avec les fournisseurs d’argent mobile, privilégiant la coopération à la concurrence frontale, dans un marché d’Afrique francophone fragmenté.
Dans la riche galerie de la Fintech africaine, Djamo, une entreprise ivoirienne fondée en 2019, fait déjà figure d’acteur notable. Dirigée par Hassan Bourgi et Régis Bamba, l’offre de Djamo est centrée sur la fourniture aux particuliers de comptes d’argent complétés par un numéro de compte bancaire international (IBAN) et une carte Visa. La société offre des services allant de comptes gratuits sans numéro IBAN à des abonnements premium de 1000 F.CFA à 2 00 F.CFA (1,52 à 3,05 euros) avec un numéro et d’autres services.
« Djamo n’est pas une banque mais une société Fintech qui distribue des produits financiers en partenariat avec des banques locales », précise Hassan Bourgi.
La Fintech veut agir comme un facilitateur de services financiers, en comblant le fossé entre les systèmes bancaires traditionnels et les besoins des personnes mal desservies. Depuis sa création, la société a traité des transactions d’une valeur d’environ 765 millions d’euros. L’IBAN permet aux particuliers d’accéder à un élément clé pour effectuer des transactions internationales et s’engager dans l’économie mondiale.
« Depuis sa création, Djamo travaille en collaboration avec les banques traditionnelles, les aidant à atteindre des segments qu’elles ne peuvent ou ne veulent pas atteindre. »
Le parcours de Djamo offre une histoire intrigante d’expansion, de collaboration et d’adaptation au sein du marché africain francophone. Les expériences distinctes de ses dirigeants – le mandat de cinq ans de Régis Bamba à MTN en Côte d’Ivoire et les entreprises de démarrage d’Hassan Bourgi au Pérou – ont imprégné Djamo d’une perspective unique dans sa poursuite de l’inclusion financière.
Djamo a démarré en Côte d’Ivoire, où la Fintech compte aujourd’hui plus de 1,2 million d’utilisateurs (contre 500 000 lors de la levée de fonds en novembre 2022) et près de trente revendeurs de ses produits à Abidjan. Contrairement aux services d’argent mobile, qui ciblent généralement les populations non bancarisées dans les zones reculées, le segment de clientèle de Djamo est principalement constitué de jeunes urbains.
Désormais, la start-up est au Sénégal. « Nous sommes très près de nous installer au Sénégal, mais nous attendons encore quelques autorisations avant de pouvoir nous lancer », confie Awa Dosso-Kaba, responsable de la marque et de la communication. Avec des opérations qui devraient bientôt commencer à Dakar, Djamo entrera dans un secteur de l’argent mobile déjà structuré.
Une approche symbiotique
Avec des acteurs comme Wave – la première licorne d’Afrique francophone –, qui compte plus de 6 millions de comptes d’argent mobile actifs rien qu’au Sénégal, la position stratégique de Djamo est davantage à la collaboration qu’à la concurrence.
Régis Bamba l’affirme : « Nous sommes partenaires des opérateurs d’argent mobile, qui nous donnent, ainsi qu’à d’autres Fintechs, accès à leur infrastructure pour mener à bien nos activités. »
Cette approche symbiotique permet aux fournisseurs d’argent mobile de se métamorphoser en plateformes, intégrant les services de Djamo dans un écosystème financier en expansion.
Le voyage au Sénégal souligne également les multiples facettes du marché francophone. Contrairement aux idées reçues, le rythme d’adoption est souvent complexe.
« Les besoins sont les mêmes en Afrique francophone qu’ailleurs, explique Hassan Bourgi, mais les projets comme Djamo sont plus longs à mettre en œuvre dans la région, compte tenu du niveau d’éducation numérique et financière de nos populations. » De plus, la fragmentation du marché représente un défi et « induit des avantages et des inconvénients à être en Afrique francophone. »
Le principal inconvénient, explique Hassan Bourgi, « est que la conquête du marché est beaucoup plus lente, car il faut déployer les mêmes efforts pour chaque nouveau marché, aussi petit soit-il ». En revanche, « une présence sur différents marchés permet de diversifier les risques de l’entreprise, avec un impact moindre en cas de crise économique ou politique ». Enfin, même si l’expansion de l’empreinte prend du temps, « il est beaucoup plus difficile pour un grand concurrent potentiel sur un autre marché de vous perturber, car il devra répéter l’exercice sur tous vos marchés ».
Djamo insiste sur son rôle de catalyseur commercial. « Depuis sa création, Djamo travaille en collaboration avec les banques traditionnelles, les aidant à atteindre des segments qu’elles ne peuvent ou ne veulent pas atteindre », explique Hassan Bamba.
Récente levée de capitaux
« Nos principales sources de revenus proviennent des abonnements au plan premium, et nous espérons que davantage de clients y souscriront à l’avenir, grâce à la confiance que nous établirons avec eux, en raison des services plus appropriés et de meilleure qualité que nous leur offrirons. »
Face à la complexité de la conjoncture, les dirigeants restent pragmatiques ; ils reconnaissent l’impact indirect sur l’entreprise, étant donné l’exposition des banques partenaires à l’augmentation des frais de change.
« Nous travaillons avec les banques pour essayer d’absorber ces coûts à court terme et pour trouver des solutions à long terme qui nous permettront de mieux anticiper les instabilités futures », précise Hassan Bourgi.
Une récente injection de fonds de 14 millions de dollars soutient l’évolution de l’entreprise.
« La levée de fonds nous permet principalement d’investir dans la recherche et le développement », explique Régis Bamba. « En effet, une grande partie de notre dernière levée de fonds a été utilisée pour améliorer l’expérience client et automatiser nos processus. »
Soutenue par les sociétés de capital-risque, Djamo cherchera à étendre ses activités et à attirer un maximum d’abonnés.
Léo Komminoth
(Source : Magazine de l’Afrique, 7 septembre 2023)