Digitalisation du dossier patient unique au Sénégal : une gestion, moult interrogations !
vendredi 2 février 2024
La digitalisation intégrale du système de santé a déjà démarré dans le pays, avec la mise en place du dossier patient unique partagé au Sénégal dans six structures de santé du pays. La tâche est exécutée par la société Sénégal numérique. Toutefois, dans cette démarche, les logiciels déjà existants risquent de disparaitre. Une situation qui, si elle venait à se produire, porterait un sacré coup à l’objectif de départ qui serait de mettre en place une plateforme de coordination, comme annoncée dans l’Avis d’Appel d’Offres Ouvert pour l’acquisition d’un logiciel d’identification, au profit de la Cellule de la Carte sanitaire et sociale, de la Santé digitale et de l’Observatoire de Santé (CSSDOS), qui fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal « Le Soleil » n°15788 du samedi 14 janvier 2023.
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a signé une Convention-cadre de partenariat avec la société Sénégal numérique (SENUM), mardi dernier, pour l’accélération de la digitalisation intégrale du système de santé du Sénégal. Une volonté commune de poursuivre et d’intensifier la collaboration déjà ancienne, selon la ministre de la Santé et de l’Action sociale, entre son département et l’Agence de développement de l’Informatique de l’Etat (ADIE), devenue maintenant la société Sénégal numérique (SENUM SA), en vue de l’accélération de la digitalisation intégrale du système de santé.
« Cette digitalisation intégrale de la santé implique des besoins importants en capacités d’hébergement et en bandes passantes. En effet, dix (10) dossiers en santé digitale, dans différents domaines, sont en train d’être mis en œuvre par mon département et dont certains sont à un stade de maturation très avancée, dont le dossier Patient Unique Partagé dont la phase pilote d’implémentation a déjà démarré dans 06 établissements de santé publique de Dakar et des régions depuis fin décembre 2023 », a déclaré la ministre Marie Khémesse Ngom Ndiaye.
Au nom de la société Sénégal numérique, Cheikh Bakhoum a fait savoir que « le secteur de la santé est un pilier fondamental du bien-être de notre population. Et il est de notre devoir, en tant qu’acteur du numérique, porte-étendard de la politique informatique de l’Etat du Sénégal et de la transformation digitale, de contribuer activement à son amélioration ».
LES AXES D’INTERVENTION DE LA DIGITALISATION
La société Sénégal numérique SA, en plus du dossier Patient Unique Partagé, interviendra dans neuf autres axes dont la plateforme de mobilité du personnel (MIRSAS) arrivée à maturité et dont le lancement official est prévu la semaine prochaine ; la Télémédecine, dont le document cadre national est déjà validé ; ERXP3, la gestion électronique des médicaments dans les Pharmacies régionales d’approvisionnement (PRA) et les structures de santé ; Le SYSGEC, la gestion électronique du courrier ; La digitalisation des procédures de demandes d’ouverture des Officines privées de Pharmacie et d’Autorisation de mise sur le Marché (AMM) ; La gestion électronique des informations sanitaires et sociales, le DHIS2 ; La digitalisation de la matrice des sources de financement en Santé ; La digitalisation de la production des Cartes d’égalité des chances, avec une déconcentration dans les régions et les Départements ; La gestion électronique des informations financières et comptables, le TOM2PRO.
C’est dans ce sillage et en cohérence que M. Bakhoum a fait savoir, avec le cahier de charges de cette convention, que son département s’engage à appuyer la mise en œuvre de la stratégie de transformation digitale avec, en priorité, les axes et la démarche de Procéder aux tests techniques, fonctionnels et sécuritaires des applications E-Santé que le ministère en charge de la Santé et ses services rattachés utilisent ou envisagent d’utiliser afin de mieux tenir en compte des aspects liés à la réglementation nationale en matière de protection des données personnelles, à l’interopérabilité et la sécurisation.
LE CAHIER DE CHARGES DE SENEGAL NUMERIQUE
Pour la société Sénégal numérique, il est question, dans ce partenariat-cadre, d’héberger les données des applications du ministère de la Santé et de l’Action sociale et ses services rattachés, particulièrement celles du « Dossier Patient Unique Partagé » et, au plan stratégique national, de la gestion des Urgences dans le Datacenter national, avec une haute disponibilité et accessibilité 24/7 ; de déployer le SENGEC (Système de Gestion électronique du Courrier) ; créer des mails gouv.sn ; fournir et améliorer la connectivité numérique ; numériser et sauvegarder les archives du ministère de la Santé et de l’Action sociale et ses structures rattachées puis de rendre accessibles les dossiers en veillant à la sécurité des données ; appuyer le ministère de la Santé et de l’Action sociale sur la définition et l’élaboration des spécifications techniques des infrastructures et services numériques et leurs acquisitions ; accompagner le ministère de la Santé et de l’Action sociale dans l’intégration de ses Systèmes d’information (SI) à la plateforme nationale d’interopérabilité des SI de l’Administration ; accompagner le ministère de la Santé et de l’Action sociale dans le déploiement des données de la plateforme DHIS2 du LINODE au Datacenter du SENUM SA ; apporter des conseils et son expertise dans la mise en œuvre des six projets numériques majeurs du Programme de Digitalisation du Système de Santé et dans les domaines de l’infrastructure, des réseaux informatiques et de télécommunications ; accompagner le ministère de la Santé et de l’Action sociale dans ses besoins de formation dans le domaine du numérique et de la conduite du changement.
« DOSSIER PATIENT UNIQUE PARTAGE », SUR FOND DE DISCORDE
Concernant la numérisation dans le secteur de la santé, s’il y a un dossier qui est bien avancé dans la digitalisation, c’est la gestion hospitalière avec le suivi du dossier patient. Au moins, deux tiers (2/3) des établissements de santé disposent d’un logiciel qui leur permet de suivre le malade, de gérer les données médicales ainsi que dans le partage des données du patient entre praticiens. Des solutions qui répondaient aux spécificités des centres hospitaliers et centre de santé du pays, face aux pertes de données, mais aussi qui permettaient l’accès aux données hospitalières au niveau national.
Parmi ces logiciels utilisés figurent Hospitalia, Cubis, avec le démarrage de cette digitalisation qui risque de faire sauter l’existant, un risque de perte de données d’une dizaine d’années pourrait se produire ; même si le directeur de SENUM, Cheikh Bakhoum, a avancé que « ces données vont nous servir de base ». Toutefois, l’inquiétude qui se dessine dans l’esprit des gestionnaires de logiciels existants est de savoir « si leurs produits continueront à exister ».
UN APPEL D’OFFRES QUI RISQUE DE SORTIR DE SON CADRE
Depuis plusieurs années, des ateliers se tiennent pour la digitalisation de la santé en général. L’objectif était de permettre aux gestionnaires de la santé de disposer des données à temps et aux médecins de pouvoir disposer du dossier patient, quelle que soit sa zone de compétence, afin de faciliter le soin et au malade de disposer de moins de paperasse. Le marché pour la plateforme interrogeable devait garder les systèmes existants et un Appel d’Offres a été lancé, en février 2023, sur l’acquisition d’un logiciel d’identification, de gestion et de partages électroniques des documents médicaux et administratifs du patient.
L’Avis d’Appel d’Offres Ouvert pour l’acquisition dudit logiciel d’identification, au profit de la Cellule de la Carte sanitaire et sociale, de la Santé digitale et de l’Observatoire de Santé (CSSDOS) fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal « Le Soleil » n°15788 du samedi 14 janvier 2023. Toutefois, avec l’évolution de la digitalisation et le doute qui plane chez les acteurs et gestionnaires de logiciels existants, l’Appel d’Offres pourrait bien sortir de son cadre pour des besoins d’harmonisation.
Denise ZAROUR MEDANG
(Source : Sud Quotidien, 2 février 2024)