Différend Millicom-Wari : Vers une nouvelle crise dans le secteur des télécoms ?
lundi 31 juillet 2017
Le 31 juillet 2017, le groupe Millicom a publié un communiqué de presse annonçant qu’il avait décidé de mettre fin à l’accord de cession de sa filiale Tigo Sénégal au Groupe Wari pour cause de non-respect, par ce dernier, de ses engagements financiers. Dans la foulée, il informait qu’il avait signé un accord pour la cession de sa filiale sénégalaise à un consortium composé du Groupe Teyliom Telecom, NJJ, et de Sofima. Cette nouvelle en surprit plus d’un, tant chez les spécialistes du secteur des télécommunications que dans l’opinion publique, au même titre que l’annonce du rachat de Tigo Sénégal par le groupe Wari, le 7 février 2017, avait pris tout le monde de court. Aussitôt l’information publiée, Wari s’étonna, à travers un communiqué de presse, de la remise en cause de la vente de Tigo et rejeta catégoriquement cette décision, ce qui amena le groupe Millicom à préciser que l’accord de vente, signé le 2 février 2017, fixait au 2 juin 2017 la date butoir pour l’apport par Wari des financements requis. Cela n’ayant pas été fait à la date du 28 juillet 2017, le groupe Millicom a donc pris la décision de procéder à la résiliation de l’accord de cession qui le liait à Tigo Sénégal. Millicom et Wari se sont alors engagés dans une formidable bataille médiatique dans laquelle les communiqués de presse côtoient les articles manifestement télécommandés par l’une ou l’autre des parties. Les choses auraient peut-être pu en rester là, s’il n’y avait pas eu la naissance, dans l’opinion publique, d’un formidable engouement autour de cette opération de rachat, dynamique renforcée par le soutien officiel témoigné par les autorités sénégalaises à travers les félicitations apportées par le Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne, au PDG de Wari. Pour nombre de personnes, le rachat de Tigo Sénégal par Wari, est en effet apparu, à tort ou à raison, comme le symbole du retour du secteur privé national dans un domaine dont il avait été exclu depuis la privatisation de la SONATEL en 1997 puis la libéralisation du marché des télécommunications en 1998 avec…l’arrivée du groupe Millicom dans le secteur de la téléphonie mobile via sa filiale Sentel. A l’époque, la lune de miel entre le groupe Millicom et l’Etat du Sénégal avait cependant été de courte durée puisque dès septembre 2000, le régime d’Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir quelques mois auparavant, avait suspendu la licence accordée à Sentel, donnant ainsi naissance à un bras de fer qui allait durer plus d’une décennie et être ponctué par l’intervention en coulisses de certaines représentations diplomatiques au Sénégal ainsi que celle, officielle, du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) qui avait été saisi par le groupe Millicom. L’avènement du régime de Macky Sall, en mars 2012, marquera la paix des braves avec la confirmation, et même la prolongation, de la concession accordée à Tigo qui se lancera alors dans un important programme d’investissements pour moderniser et étendre la couverture de son réseau. Dès lors, on pouvait penser que le groupe Millicom avait décidé d’inscrire sa présence au Sénégal dans la durée, d’autant plus qu’en juillet 2016, il avait annoncé la construction, à Diamniadio, d’un Datacenter d’un cout de 3 milliards de FCFA dont l’inauguration officielle eut lieu le 7 juillet dernier mais nenni ! A peine la rupture du groupe Millicom avec le groupe Wari rendue publique, le gouvernement sénégalais, continuant dans la logique du traitement du dossier d’approbation introduit par les parties auprès du Ministère des Postes et Télécommunications, publia un décret approuvant le principe de la cession de la licence d’exploitation de Tigo à Wari, laissant porter à croire qu’il avait pris position dans le différend entre les acteurs. Dans une situation complexe, où il semblerait que le groupe Wari ne soit pas en mesure de réunir la somme de 80 milliards de FCFA nécessaire à l’acquisition des actifs du groupe Millicom au Sénégal, l’Etat aurait été plus inspiré de différer la publication de ce décret, de communiquer sur l’état d’avancement du dossier et surtout de se tenir prêt à prendre les mesures conservatoires préservant l’intérêt des Sénégalais dans ce nouveau contexte. Toujours est-il que le secteur des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication (TIC), qui a encore du mal à digérer l’échec du lancement de la 4G avec l’absence remarquée de Tigo et d’Expresso sur ce segment de marché et qui attend avec impatience la mise en place des réformes et projets énumérés dans le plan « Sénégal numérique 2025 », se serait bien passé de ce qui s’apparente à une nouvelle crise.
Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales