« Des mesures de rattrapage pour rétablir l’égalité entre les genres dans les TIC doivent être mises en place en Afrique »
vendredi 28 avril 2023
« Encourager les filles à poursuivre un avenir dans les TIC afin de réduire la fracture numérique entre les sexes. »Tel est l’enjeu de la commémoration de la journée internationale des filles dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), ce jeudi 27 avril. Mais au fond, elle interpelle aussi la communauté sur l’inégalité des genres dans ce secteur.
La célébration de la journée des filles dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) relance le débat sur la fracture numérique entre les sexes et le faible taux des filles dans les sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) sur l’échiquier mondial et continental. Coup de projecteur !
Au niveau international, « seulement 30% environ de toutes les étudiantes poursuivent des domaines liés aux STEM dans l’enseignement supérieur », selon les données de l’UNESCO. Ce pourcentage peut être encore bien faible en Afrique suite à plusieurs facteurs socio-économiques. Pour Marie-Laure Lepas, directrice Afrique centrale de LAfricaMobile, une plateforme de communication et de marketing mobile en Afrique et fondatrice de la structure de formations digitales pour les filles et femmes Femm’in Tech, la problématique de l’inégalité entre les genres dans le secteur des technologies de l’informatique et de la communication sur le continent est « la partie émergée de l’iceberg. »
Des préjugés sur les filières d’études
Selon elle, la principale cause sous-jacente de cette disparité est « la gentrification des filières d’études qui conduit à la gentrification des métiers techniques dans le conscient collectif en Afrique ». Depuis plusieurs décennies, des préjugés tendent à considérer les sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM) comme « un domaine purement masculin ». Une discrimination qui affecte les filles qui ont de l’appétence pour ce secteur. « Les Mathématiques sont considérées à tort comme étant une science compliquée et réservée aux petits génies garçons », déplore Berthine Nyunga, Master en mathématiques et intelligence artificielle. Cette enseignante à African institute for mathematical sciences (AIMS) au Cameroun explique que ces clichés « sont répandus au sein de la communauté faute d’une bonne information » au sujet des STIM.
Analphabétisme et fracture numérique des genres
En effet, l’Afrique à plus de 1,2 milliard d’habitants, dont la moitié a moins de 30 ans. Selon la Banque mondiale, « seulement 27% des femmes africaines entrepreneures exercent un métier lié à la technologie » non pas par manque d’intérêt mais plutôt par manque de soutien ou de financement. A ce faible taux de représentativité s’ajoutent l’analphabétisme et la fracture numérique des genres.
En 2019, au moins 210 millions de personnes étaient analphabètes en Afrique subsaharienne, dont 41 % des femmes et 27 % des hommes, selon l’UNESCO. En 2021, seulement 24 % des femmes avaient accès à internet, contre 35 % des hommes en Afrique. Bien que d’importantes initiatives sont lancées par les Etats et le secteur privé, les inégalités évoquées ci-haut montrent clairement que l’Afrique a encore un chemin à parcourir pour changer la donne.
« Tout commence par l’éducation »
Mais que faire face à ce tableau peu reluisant ? Hasina Razafindratandra, fondatrice présidente-directrice générale de Code H™, une firme canadienne de consulting et coaching ayant pour mission de lutter contre le gaspillage humain est formelle : « Tout commence par l’éducation. » L’entrepreneuse d’origine malgache explique son approche par le fait que le système éducatif est le « plus puissant vecteur de développement et l’un des meilleurs moyens de promouvoir l’égalité entre les genres ».
Ainsi, Hasina pense que « des mesures de rattrapage pour rétablir l’égalité entre les genres dans les TIC doivent être mises en place en Afrique » pour accroitre la représentation et participation des femmes et des jeunes filles dans les métiers du numérique. Elle insiste par ailleurs sur le réseautage afin d’accroitre la représentation des femmes dans l’écosystème numérique africain. « Celles qui ont réussi à percer dans l’économie numérique ont un rôle de modèles à jouer afin d’aider les autres à s’y projeter et à y évoluer. »
Sur le plan culturel, Il faut aussi un changement de mentalités qui passe, entre autre, par l’encouragement des filles à poursuivre leurs études et leurs carrières dans le secteur du digital et de la tech. « Car elles ont les compétences et sont capables d’y arriver, autant que la gent masculine », explique Marie-Laure Lepas dans cet audio.
Enock Bulonza
(Source : CIO Mag, 28 avril 2023)