Déchets informatiques : L’Afrique, poubelle numérique du Nord
vendredi 18 novembre 2005
L’intention est bonne, relève Ban, qui lutte contre les mouvements transfrontaliers de déchets toxiques : contribuer à réduire la fracture numérique, en appliquant le principe repair & re-use (répartir et réutiliser). Mais, dans ces milliers de tonnes de quincaillerie informatique, 80 % des machines sont inutilisables, selon Ban. Dans les meilleurs des cas, ce matériel finit dans les grands marchés parallèles de produits informatiques de seconde main, comme le Ibeka Computer Village ou le Alaba International Market, à Lagos. Dans le premier, 3 500 petits business de vente et de réparation de pièces informatiques se sont installés, sur 6 ha. Le reste de ces machines continue son chemin vers de grandes décharges numériques où il est jeté ou incinéré. C’est là que commence le problème : « C’est un succès économique qui cache un désastre écologique » note le rapport qui énumère la liste des composants toxiques contenus dans les Pc : du cadmium au béryllium, en passant par le mercure, tous présents en grande partie dans les connecteurs, les lampes, les alliages et les tubes cathodiques des ordinateurs.
Selon Ban (basée à Seattle, Usa), ce vrai-faux altruisme cache, en réalité, la volonté des pays du Nord de se débarrasser à peu de frais de leurs Pc devenus obsolètes. En 2002 déjà, l’organisation avait relevé que 50 à 80 % des déchets informatiques collectés aux Usa sont exportés, en premier lieu en Chine, puis vers L’Afrique ce flux est nourri en grande partie par les 100 millions d’ordinateurs qui deviennent obsolètes chaque année aux Etats-Unis.
D’autres pays sont impliqués également, mais à un moindre degré : le Japon, la Belgique, l’Allemagne, Israël... Selon les estimations du Ban, l’Union européenne et les Usa contribuent chacun pour 45 % à l’envoi des déchets informatiques qui déferlent sur l’Afrique. « Au lieu de combler le fossé numérique, on ouvre une décharge digitale », signale le rapport qui parle d’« autoroutes de pollution numérique » que les pays du Sud sont en train de tracer en Afrique.
L’envoi de ces Pc n’est pas illégal. L’évangile du recyclage des déchets repose en effet sur six principes : éliminer, réduire, réutiliser, réparer, recycler et incinérer. « La réutilisation est préférée au recyclage, car elle allonge la durée de vie des machines et permet à d’autres personnes moins favorisées d’en tirer profit », précise le rapport du Ban. La convention de Bâle sur l’exportation des déchets toxiques qui date de 1989, régule cette réutilisation et oblige les exportateurs de machines vers les pays les plus pauvres à les tester, avant de les envoyer afin de s’assurer de la possibilité d’une deuxième utilisation, éventuellement après réparation. Cent soixante-cinq pays l’ont ratifiée, mais pas les Etats-Unis.
Amusant : le Ban a pu préciser l’origine des pays impliqués dans ce trafic à partir de données relevées sur les ordinateurs et dans certaines de leurs composantes, comme les disques durs. Les exportateurs ne prennent, en effet, pas la peine d’effacer les contenus enregistrés sur ces disques. Des données personnelles, des Cv, des documents comptables continuent à s’y trouver, et Ban en reproduit quelques exemples.
Fethi DJEBAKLI
(Source : Wal Fadjri, 18 novembre 2005)