L’histoire nous a assez appris qu’à chaque fois qu’un peuple a eu des avancées technologiques considérables sur ses paires, il s’en est suivi des tentatives de domination.
Si Amerigo VESPUCCI a pu voyager jusqu’au nouveau monde, si des années plus tard les européens ont exterminés les peuples indiens alors occupants de ces terres qui porteront plus tard le nom « d’Amérique » c’est qu’ils avaient le gouvernail et des fusils contrairement aux peuples indiens.
Si ces mêmes américains ont pu mettre fin à la seconde guerre mondiale en 1945, c’est grâce à la technologie nucléaire.
Si les européens ont pu aisément décidé du partage de l’Afrique avant d’ériger leurs propres règles lors de la conférence de Berlin bien avant la conquête de l’Afrique, c’est qu’ils étaient sûrs de leur suprématie multidimensionnelle à l’époque.
Si l’Irak a été malmené par les Etats-Unis au vu et su de tous en Mai 2003 suite à une grande manipulation d’informations fausses au Conseil de Sécurité des Nations Unies, c’est encore cette avancée qui se manifeste.
La Russie n’a pas eu grande difficulté à annexer la Crimée en Mars 2014, ce qui est assez récent.
Ces faits sont têtus et ce comportement ne cesse de se répéter.
Mais le monde a changé, les formes changent. Alors qu’on a assisté à une ruée vers le pétrole les décennies précédentes-ce qui continue toujours d’ailleurs- on assiste à une collecte effrénée du big data (données numériques) et à une démultiplication de ses exploitations et de ses analyses et de l’usage qu’on en fait.
La donnée vaut plus que le pétrole de nos jours.
Le scandale de Cambridge Analytica a mis à la lumière du jour, pour beaucoup d’entre nous, un pan tout à fait méconnu de la réalité de notre monde actuelle. Beaucoup d’entre nous ne savent pas qu’à partir d’une certaine quantité de données collectées sur les réseaux sociaux et sur internet en général il est possible de déterminer la personnalité des individus types d’une communauté. Cette personnalité détermine le comportement d’achat, les mécanismes de choix d’achats et/ou de vote.
En résumé, si vous avez assez de données sur une communauté, vous pourrez potentiellement la manipuler.
Venons-en à notre réalité immédiate. Au moment où vous lisez ces lignes, vous avez certainement reçu ce tract par e-mail ou via un réseau social et donc par internet. 99% du trafic internet transite par des câbles sous-marins qui sont espionnés, c’est connu.
Nous pouvons prendre l’exemple des câbles méditerranéens qui arrivent à Marseille, en collaboration avec l’opérateur, les services de renseignements français ont accès à ces câbles pour écoute d’informations stratégiques venant du Maghreb et du Moyen-Orient. Mais cette collecte de données va plus loin.
Plus de 18.000 satellites à mettre en orbite géostationnaire (10 fois plus que ce qui existe déjà) autour de la terre avec comme usage primaire donner l’accés internet à haut débit et à tout moment n’importe où sur terre c’est l’objectif que se sont fixés Starlink et OnWeb pour mettre en orbite ce que l’on appelle des Mega-constellations de satellites.
Ce projet permettrait de donner l’accès à internet à plus de 3 milliards de terriens. Mais les questions qui se posent naturellement, c’est qu’en est-il des données qui transitent par ces 18.000 satellites ? Quelles exploitations en ferait-on ? Qu’arrivera-t-il si les données internet de la moitié de la terre tombent entre les mains d’une seule entité avec tous les usages connus, et très souvent immoral qu’on en sait, et comme expliqué plus haut : posséder des données sur une communauté signifie que vous pourrez potentiellement la manipuler à votre guise.
Il est établi que Steve Bannon, alors en charge de la campagne de Donald Trump lors des élections présidentielles a bel et bien fait appel au service de Cambridge Analytica.
Cambridge Analytica est une société qui s’occupe de se procurer des données
numériques de les analyser et de mettre en place des modèles de manipulation de masse, ce qui a plutôt marché dans le cas ces élections.
Les élections américaines 2015 sont leur intervention la plus connue mais pas la seule.
Ils sont intervenus lors des élections au Kenya, en Lituanie, au Ghana, pour le Brexit, en Malaisie pour ne citer que ceux-ci. Officiellement, Cambridge Analytica a fermé boutique. Existe-il d’autres entités similaires qui rendent les mêmes services ?
C’est dans ce monde que nous vivons, nous sénégalais, nous africains.
Cette révolution numérique ne cesse de se complexifier par ses impacts ponctuels et systémiques beaucoup plus vastes et beaucoup plus profonds que le Covid-19 qui est une pandémie comme le monde en a connu et qui a une structure de propagation connue.
Cette révolution numérique bat et redistribue les cartes du jeu géostratégique.
Il nous incombe de très vite situer les enjeux et tirer notre épingle du jeu. Pour rappel les écarts de développement sont toujours dangereux. Nous avons un gap à combler, avec cette ère nouvelle, deux alternatives se présentent à nous : soit nous en profitons pour manifester un leadership et rayonner ou alors le fossé risque de s’engouffrer, ce qui serait un réel danger pour nos générations prochaines.
Nous avons, ici aujourd’hui, la possibilité de réaffirmer la légitimé du culte que SERIGNE TOUBA défendit lorsqu’il dit « … NDAR ne t’appartient pas » au gouverneur d’alors avec verve et conviction. Nous avons le devoir de réaffirmer l’appartenance de notre terreau comme l’ont si dignement fait Aline Sitoe DIATTA et Ndatte Yalla MBODJ. C’est un sacerdoce que défendre nos valeurs tels les vaillants Coumba Ndoffen DIOUF et Maba
Diakhou BA, pour ne citer que ceux-ci. Aujourd’hui les enjeux sont numériques et concernent entre autres nos données et nos évolutions dans ce domaine qui impacte tous les secteurs économiques de manière immédiate.
Au moment où, j’écris ces lignes je viens d’apprendre que le projet de loi mettant fin au franc CFA a été validé par le conseil des ministres français : nous devons savoir que le recouvrement de notre intégrité est un processus -et que l’indépendance institutionnelle n’est pas une fin en soi - lequel processus peut régresser ou progresserces évolutions nous incombe, nous, jeunes sénégalais, jeunes africains.
Je ne cesserai de répéter que la souveraineté numérique implique une gestion propre de nos données numériques, il y va de notre souveraineté tout court dans son sens le plus propre et le plus immédiat, encore une fois je vous renvoie à l’histoire en ce qui concerne les écarts de développement.
Nous devons défendre notre souveraineté. D’abord en étant conscient du fossé technologique qui nous sépare de certaines nations et trouver très vite les moyens de résorber ce gap. J’insiste : il ne s’agit pas de notre souveraineté numérique mais de notre souveraineté tout court.
Nous, jeunes sénégalais, africains, ce défi nous appartient tels nos anciens rois qui ont réussi à défendre nos valeurs même s’ils n’avaient pas réussi à défendre notre souveraineté du fait de cet écart de développement.
Si vous partagez ma vision, partagez ce tract, pour que nous soyons tous conscients.
Amadou Pouye
CEO UPCORP –Consultant Marketing Digital
initiateur du réseau social sénégalais, UP’NEU
(Source : Facebook, 20 mai 2020)
Source :
– Le Monde
– France 24
– Courrier International