L’auteur analyse l’évolution de la radio au Sénégal. Il décrit le processus entamé avec la radio coloniale pour aboutir aux radios dites de
« proximité ». Un engouement populaire est né avec ces dernières. Cet engouement est cependant suivi par la tendance à la standardisation qui
caractérise souvent les programmes. D’où l’exigence de revoir la qualité du contenu des émissions proposées.
Saïdou Dia part du constat que la radiodiffusion est une technologie essentiellement européenne au départ. Cependant, elle a trouvé au Sénégal
et auprès de ses habitants, des conditions d’adaptation exceptionnelles qui lui ont permis de s’imposer, au fil des années, à la fois, comme le
moyen d’information et de communication le plus populaire, mais aussi le support d’expression culturelle dont ils se sentent le plus proches,
indique t-il.« Instrument de l’Administration coloniale, à ses débuts, la radio a été progressivement investie d’un ensemble de » missions" liées aux
divers enjeux politiques, économiques et culturels qui ont jalonné l’évolution sociale et politique du Sénégal". Les nécessités du parachèvement
de la Colonisation renforcent sa place au cœur du dispositif militaro-administratif de la France d’Outre-mer. Ceci a été possible, grâce en
particulier, au pouvoir stratégique des « ondes courtes ». Plus tard, les enjeux de l’Indépendance politique et les exigences du "développement
national" dans les domaines économique, social et culturel, confortent son importance politique. Ces enjeux lui permettent de s’accommoder, à la
fois, du développement spectaculaire d’une presse écrite dynamique mais trop élitiste et de la percée Des ruptures profondes sont notées dans
le système d’information national et dans la tradition radiophonique. Elles remontent au début des années 90. Celles-ci coïncident avec
l’avènement des radios dites de proximité. Dans cette gamme, il faut ranger les radios privées de type commercial, les radios communautaires
ou de type associatif.
« Grâce à la » modulation de fréquence ", ces radios de type nouveau améliorent la qualité de la diffusion et de l’écoute, permettant ainsi à la
radio de franchir un palier supérieur dans son évolution vers un plus grand professionnalisme", fait remarquer Saïdou Dia. Avec la naissance des
radios de type nouveau, c’est la fin du monopole de l’Etat sur les ondes. Subséquemment, en plus de la concurrence qui fait son apparition, il y a
l’amorce d’une nouvelle phase de promotion des langues nationales. Ces dernières sont, selon l’expression de l’auteur réhabilitées comme
support d’animation et de diffusion de l’information. Cette situation trouve un terreau fertile lié à la grande masse des auditeurs analphabètes
en français.
Mieux, "le recours aux nouvelles technologies de la communication ou NTICs (téléphone fixe ou cellulaire, ordinateur multimédia, etc.), permet à
ces radios d’impulser une forme de communication plus conviviale avec les auditeurs et d’œuvrer à l’avènement d’une plus grande
« démocratisation de la communication radiophonique ». Avec les radios de proximité, c’est un nouveau paradigme de la communication alternative
qui est de mise, note l’auteur. Par les radios de proximité, il faut ainsi lire le symbole concret de la volonté d’appropriation par les populations
sénégalaises d’une technologie de diffusion de l’information et de la culture dont elles sentent de plus en plus proches . Parce qu’entre autres,
elle leur procure ’envie de s’approprier le pouvoir lui-même, eu égard aux nouveaux enjeux et modalités de conquête du pouvoir que les radios et
les populations récemment acquises aux nouvelles vertus et prérogatives d’une « citoyenneté active » ont appris à découvrir désormais, à
l’occasion de choix politiques majeurs. Par delà ces vertus, M. Dia propose d’élargir à nouveau les frontières des radios dites de proximité.
Ainsi, il plaide en faveur du dépassement de la faiblesse du radio journalisme et de la tendance à standardisation qui les caractérisent trop
souvent. Ceci constitue à ses yeux, un moyen de compenser la faiblesse constatée dans la qualité du contenu de nombreux programmes.
Cette mutation est fondamentale parce que « grâce à l’Internet et au prototype de »radiodiffusion satellitaire" (WorldSpace), un nombre
croissant de radios explorent, depuis quelques années, de nouveaux espaces visuels, sonores et écrits, dans la perspective mondialiste de
« conquête de communautés virtuelles » de plus en plus supranationales", conclut l’auteur.
* Journaliste, Chargé de la Communication pour le développement, PLAN International, Sénégal in De la radiodiffusion « de masse » aux radios
« de proximité » : les enjeux culturels et politiques des nouvelles technologies de diffusion de l’information et de la communication au Sénégal