Le processus qui a conduit à l’organisation du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) à Genève (Suisse) puis à Tunis (Tunisie) s’est achevé le 18 novembre 2005. Après plusieurs années de mobilisation des Etats, du secteur privé et de la société civile autour des problématiques et enjeux soulevés par la construction de la Société de l’information, quel bilan peut on tirer ? Tout d’abord, il faut se réjouir que pour la première fois dans l’histoire des sommets mondiaux organisés par le système des Nations unies, le secteur privé et surtout la société civile aient été associés à l’ensemble du processus même si on peut regretter que toutes les dispositions n’aient pas été prises et tous les moyens mis en œuvre pour assurer une meilleure participation, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, de ces deux secteurs fondamentaux de la société. En second lieu, la tenue de ce sommet a permis d’attirer l’attention d’une multitude d’acteurs, et ce dans tous les pays du monde, sur l’importance des questions liées au développement de la Société de l’information sur le plan politique, économique, culturel et social. S’agissant en particulier de l’Afrique, elle a pu, dans la diversité de ses composantes, prendre conscience que le développement de la Société de l’information était bel et bien une réalité concrète et actuelle et non une perspective lointaine. La proposition, au nom de l’Afrique, de la création du Fonds de solidarité numérique, par le Président Abdoulaye Wade, de manière à pallier les lacunes et dysfonctionnements des mécanismes existant de lutte contre la fracture numérique a été sans aucun doute un des temps forts du SMSI et un de ses rares résultats concrets. En effet, il y a fort à parier que la Déclaration de principes et le plan d’action, s’ils ont certes le mérite d’exister, courent le risque de rejoindre la masse des résolutions qui peuplent les étagères de la bibliothèque internationale des vœux pieux si des mécanismes de suivi adéquat ne sont pas mis en place. La réunion de Tunis se devait de faire le point sur la mise en œuvre de la Déclaration de Genève et de faire avancer les discussions en vue d’une meilleure gouvernance de l’Internet, via notamment une démocratisation et une internationalisation du fonctionnement de l’ICANN. Cependant, face à la ferme volonté des Etats-Unis de continuer à s’assurer le contrôle quasi exclusif des outils d’administration d’Internet sous prétexte d’y sauvegarder la liberté d’expression et la sécurité, le statu quo a prévalu malgré les efforts faits par une grande partie de la communauté internationale. Du sommet de Tunis, on retiendra également la présentation faite par le Massachusset Institute of Technology (MIT) d’un ordinateur portable à 100 dollars capable de fonctionner en l’absence de réseau électrique grâce à une manivelle destinée à recharger ses batteries et utilisant le système d’exploitation libre « Linux ». Le Sénégal, confirmant son option de faire des TIC un des leviers de sa stratégie de croissance accélérée n’a pas failli à sa réputation, en présentant un stand particulièrement attractif et surtout en faisant connaître sa vision et ses potentialités à travers une clé USB aux couleurs du drapeau national qui s’est arrachée comme des petits pains. Le Fonds de solidarité numérique en organisant une visioconférence avec un hôpital du Burundi, connecté par ses soins grâce à une liaison par satellite, a prouvé à ceux qui pouvait encore en douter qu’il est possible d’arriver à des réalisations concrètes dans de brefs délais. Il faut maintenant espérer que les contributions continueront à affluer pour apporter des réponses rapides et massives à la fracture numérique en lieu et place des habituels discours et promesses non tenues. Dans ce sens, l’annonce faite par le sénateur maire de la ville de Lyon du projet destine à reformer la loi française sur la passation des marchés publics afin de permettre l’application du principe de Genève est une excellente nouvelle. C’est ici l’occasion de saluer l’émergence sur la scène internationale des collectivités locales comme acteurs majeurs de la lutte contre la fracture numérique et au delà comme porteurs d’une autre conception de l’aide au développement débarrassée des lourdeurs, des incertitudes et des agendas cachés de l’aide bilatérale ou multilatérale. Comment ne pas regretter également que le sommet de Tunis fut en partie ternie par les atteintes à la liberté d’expression et au droit à l’information. Au final, nous retiendrons enfin, que ce sommet a été pour l’Afrique l’occasion de discuter de toute une série de sujets cruciaux sur lesquels elle s’était auparavant peu voire pas penché et d’adopter un plan d’action très élaboré tranchant avec la cacophonie souvent notée dans les instances internationales, même s’il reste encore de gros efforts à faire en la matière pour développer une véritable vision africaine de la société de l’information.
Amadou Top
Président d’OSIRIS