Daniel Goumalo Seck : Séquences d’une vie pas toujours ‘’rose’’
lundi 17 décembre 2018
Perdu de vue depuis fort longtemps, l’ancien directeur général de l’Artp, Daniel Goumalo Seck, refait surface. Il parle de la révision du Code des télécommunications, de l’article 27 de la loi qui a défrayé la chronique, de ses déboires judiciaires ainsi que de l’intelligence économique, ‘’incontournable’’, selon lui, pour le développement des pays africains.
Loin de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp), Daniel Goumalo Seck, ancien Dg de la boîte, revit. Hier, aux Assises africaines de l’intelligence économique, tenues à Dakar les 13 et 14 décembre, il semblait en pleine forme. ‘’L’intelligence économique au cœur de la transformation digitale’’. C’était le thème de cette 3e édition des Assises. En marge de la rencontre, l’ancien Dg de l’Artp est revenu sur la révision récente du Code des télécommunications qui a défrayé la chronique. Il déclare : ‘’Je pense que c’est une loi qui a fait l’objet d’un partage. Elle a été validée par l’Assemblée nationale. On attend maintenant sa mise en œuvre. Ce qui nécessitera d’abord la signature des décrets d’application. Il ne faut pas se précipiter dans le jugement ; attendons de voir, au contact du réel, pour pouvoir apprécier.’’
Contrairement à nombre d’observateurs, Daniel Goumalo reste optimiste. ‘’Cette loi, pense-t-il, devrait plutôt renforcer le secteur des télécommunications au Sénégal. De manière générale, tout ce qui touche aux questions de l’information’’.
Très à l’aise sur le sujet, il parle de l’importance du secteur des télécoms dans l’économie nationale. A ce titre, il informe : ‘’Les télécommunications concernent toutes les activités de notre économie. L’objectif de la réforme est donc d’apporter des outils qui rendront de plus en plus performantes nos entreprises et permettre à l’Etat de réaliser ses politiques, tant sur le plan social, de l’éducation que sur le plan de la communication. On attend donc que cet environnement juridique qui est renforcé puisse favoriser le développement des technologies de l’information et de la communication.’’ Face aux inquiétudes relatives à la restriction sur les libertés, M. Seck dédramatise. ‘’Il appartient, affirme-t-il, à l’Artp de jouer son rôle. Tant que cela entre dans le cadre de sa mission, je n’y vois pas de difficulté. L’essentiel est que cela soit au bénéfice des populations’’. Interpellé sur la possibilité, pour l’organe de régulation, d’effectuer un contrôle à grande échelle sur les communications des citoyens, il déclare : ‘’Je suppose que l’Artp se dotera des moyens pour l’appliquer et la faire appliquer. En ce qui me concerne, je pense que oui, elle en a bien les moyens.’’
Par ailleurs, concernant les défis de la régulation, Goumalo donne sa langue au chat, exprimant sa confiance à l’endroit des autorités en charge du secteur. ‘’Il ne m’appartient pas, dit-il, d’orienter la politique de l’Artp. Je pense que les gens sont sur la bonne voie. Il faut juste faire de sorte que l’environnement juridique et économique soit le plus approprié. Car les télécoms sont très importantes dans notre économie. Je pense que dans le produit intérieur brut, elles participent à hauteur de 15 %. Il faut s’en féliciter’’.
Toutefois, malgré sa distance de l’organe de régulation, il fait savoir qu’il n’a jamais quitté le secteur où il reste en tant que consultant. Il témoigne : ‘’Je suis toujours dans le secteur qui a fait de moi ce que je suis. Je veux parler des Tic. Je fais du conseil à partir de l’expérience que j’ai acquise dans le domaine de la régulation, au niveau des entreprises et des Etats. A ce titre d’ailleurs, je vais un peu partout en Afrique.’’
De la nécessité de mettre en place un référentiel de formation en matière d’Ie
Il n’empêche, le nom de Daniel Goumalo Seck demeure étroitement lié à l’agence qui l’a fait connaitre au grand public. Son passage dans cette boite a été marqué par le ‘’scandale’’ autour de la licence octroyée au troisième opérateur de téléphonie, Sudatel. Il lui était reproché, avec plusieurs de ses collaborateurs, de s’être indument partagé une certaine somme d’argent. Monsieur Seck, évidemment, a toujours nié en bloc tous les faits et avait obtenu gain de cause devant la justice. Une étape douloureuse de sa vie qui s’oublie difficilement. ‘’Je préfère, dit-il, ne pas en parler. C’est une vieille histoire. Cela entre dans le cadre de l’évolution de notre individu.
Dans la vie de tout être humain, il peut y avoir des hauts et des bas. Mais tout ça c’est aujourd’hui dépassé. Il y a eu un non-lieu. Les choses ont été très claires’’. Dans l’épreuve, le ‘’passionné’’ des Tic a tenu. Ancien travailleur dans une filiale d’Alstom au Portugal, ancien syndicaliste à la Senelec, l’ingénieur, ‘’épris de connaissance’’ s’en remet à Dieu. ‘’Ce n’était pas facile, mais je l’avais accepté. Je suis toujours là. Je vis encore. Je ne peux entrer dans les détails de l’affaire, mais je puis vous assurer que je m’en relève quotidiennement’’.
Par rapport à l’intelligence économique, autre sujet qui le passionne, le président du Réseau des experts et praticiens en intelligence économique au Sénégal renseigne que ‘’c’est en 2008, lors d’une conférence, qu’avait été lancée l’idée de l’introduction de l’intelligence économique dans les programmes de l’Etat. Beaucoup de cadres y avaient participé. Ce qui avait permis, avec le Ceds, de lancer la première école panafricaine de l’intelligence économique au Sénégal’’. Dix ans après, le bébé continue son chemin. Il grandit lentement et se renforce, si l’on en croit le spécialiste. ‘’Les choses sont certes lentes, mais il y a quand même quelques progrès qui ont été enregistrés. Nous restons plus que jamais, et nous l’avons senti durant ces assises, persuadés que nous avons besoin de cet outil, de la formation pour booster notre économie’’.
Selon lui, l’intelligence économique est un outil qui permet aux entreprises et aux Etats ‘’de pouvoir, dans un milieu très concurrentiel, prendre de bonnes décisions et d’être en mesure de faire la différence. L’intelligence économique, c’est d’abord la collecte d’informations ; elle permet d’avoir de l’information brute et de la rendre intelligente : c’est-à-dire de prendre la bonne décision pour faire triompher son entreprise, gagner de l’argent’’. Le Sénégal, d’après M. Seck, a certes des efforts à faire, mais il pratique bien l’intelligence. Dans leur écrasante majorité, les experts ont prôné la mise en place d’un référentiel de formation adapté aux besoins.
Mor Amar
(Source : Enquête, 17 décembre 2018)