Cybercriminalité : La police nationale organise la traque
jeudi 17 septembre 2015
Les forces de sécurité font de la lutte contre la cybercriminalité l’une de leurs priorités. Elles comptent s’adapter aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour mieux mener le combat.
« Cybercriminalité et cyber sécurité : enjeux et défis pour les forces de l’ordre », c’est le thème de la quatrième conférence publique organisée hier par la police nationale. Inscrite dans le cadre des « mercredis de la police », la rencontre a permis aux acteurs de la sécurité publique de partager avec les populations sur les nouveaux défis sécuritaires liés au développement des technologies de l’information et de la communication (Tic). Le symposium qui s’est tenu à l’école nationale de la police a permis aux différents exposants de diagnostiquer cette nouvelle forme de délinquance.
Ainsi, au moment de communiquer sur les résultats obtenus par la police, l’élève commissaire de police Papa Guèye a expliqué que les infractions n’étaient au début que l’œuvre des étrangers. Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de Sénégalais acteurs et complices. La cybercriminalité, selon la définition qu’il a donnée, implique toutes les infractions classiques facilitées par les Tic. Ainsi, pour y faire face, « la police nationale a très tôt créé une brigade de lutte contre la cybercriminalité ». Mais il y a plusieurs difficultés dans ce combat contre les délinquants informatiques. « Au niveau national, il y a des difficultés pour identifier les délinquants à partir d’une adresse IP souvent dynamique. La coopération des fournisseurs d’accès Internet aussi fait défaut », regrette-t-il.
Selon Olivier Sagna qui a modéré le débat, les Tic sont présentes aujourd’hui dans tous les secteurs d’activité, ce qui fait qu’il est difficile d’échapper aux cybercriminels. Pour lui, il y a une réelle menace pour les Etats liée au développement des Tic. « Dans le Cyberespace, on peut pénétrer dans un pays sans un contrôle aux frontières, car c’est un monde sans limites. Autre danger, nous importons tous les équipements informatiques, ce qui rend notre pays vulnérable », a-t-il expliqué. Le Directeur des études et de la coopération à la direction de l’enseignement supérieur ajoute que les Tic sont devenues les moteurs de notre économie, c’est pourquoi on parle de « société de l’information ». Prenant le Sénégal comme exemple, M. Sagna a renseigné que le taux de pénétration du téléphone mobile dépasse les 100%. A l’en croire, tout le monde est exposé aux cybercriminels : « Les gens utilisent des systèmes de messagerie comme Google et Yahoo pour envoyer des messages privés, alors que souvent, il n’y a pas de sécurité. Même les banques sont souvent victimes d’attaques informatiques, mais elles ne disent rien, car cela ferait une mauvaise publicité pour elles. »
« L’Etat n’existe pas dans le numérique »
Sur le plan juridique, le Sénégal a beaucoup d’efforts à faire, selon les exposants. Plusieurs lois ont été votées dans le domaine des télécommunications en général, mais les acteurs pensent que c’est insuffisant. Selon le magistrat Papa Assane Touré, secrétaire général adjoint du gouvernement, il y a beaucoup de vides juridiques dans notre pays. Pour lui, il faut qu’on adapte le système classique aux nouveaux types de criminalité. Malgré tout, il a noté un certain effort du législateur sénégalais dans la prise en charge des délits relatifs aux Tic.
« Aujourd’hui, le vol peut porter sur une information. Le simple fait de copier un document d’autrui sur une clé USB à partir d’un serveur constitue un vol », informe-t-il. Le président de la commission de protection des données personnelles, Mouhamadou Lô, estime lui que le Sénégal manque de stratégie de lutte contre la cybercriminalité, car il n’y a pas de textes spécifiques consacrés à ce phénomène. « Il faut que la police nationale suive et comprenne l’évolution des Tic. Les forces de sécurité ont l’obligation de comprendre les Tic », dit-il. M. Lô d’ajouter : « l’Etat n’existe pas dans le numérique. »
Abdourahim Barry
(Source : Enquête, 17 septembre 2015)