Cybercafés en banlieue : Des enfants exposés à la pornographie sur Internet
mercredi 22 septembre 2010
Même s’ils sont d’une utilité réelle, les cybercafés de la banlieue présentent un danger pour les enfants. Car l’absence de surveillance expose ces clients en culottes courtes aux pires perversions qui polluent le Net. En témoignent les ruées vers les machines par ces petits accros des sites pornographiques, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler pour leur future vie sexuelle. Les autorités sont invitées à y mettre de l’ordre.
Profitant de la complicité du gérant ou ayant déjoué sa vigilance, un enfant d’environ une dizaine d’années se concentre sur un ordinateur à l’écran incliné, dans un coin de cyber en banlieue, de sorte que personne ne peut voir ce qu’il regarde. Tout à coup, le gérant se tourne vers lui, menaçant, et lui lance : « hey, ferme cette page ». Apparemment, l’enfant était en train de visiter un site pornographique à l’insu de tout le monde. Pourtant, faisant comme s’il avait été accusé à tort, le gamin fait mine d’être vexé. Le gérant ne désarme pas pour autant : « ne fais pas le malin, on se comprend », dit-il. De fait, cet incident n’est que l’arbre qui cache la forêt. Parce que si des enfants de son âge viennent tous les jours dans ce cyber, attirés par les sites ludiques, beaucoup d’autres le fréquentent pour découvrir du monde de la pornographie. Et bien qu’on attire souvent leur attention sur les risques de perversion précoce chez les enfants via internet, les gérants de cyber semblent verser dans une subtile complicité. Même si tout le monde n’est pas à loger à la même enseigne. Certains parmi eux peuvent être cités en exemple, comme Ibrahima Diop qui gère un cybercafé sur la route de Tally Diallo. « Moi, je ne permets à aucun gamin de visiter un site pornographique dans mon cyber, même si je me retrouvais avec une journée sans recettes », fulmine-t-il. Mieux dira-t-il, « avec les adultes, il y a des limites de tolérance à ne pas dépasser ». Par contre, chez Mbaye qui est établi à Pikine Icotaf, nous avons pu suivre les manœuvres de deux enfants livrés à eux-mêmes. Parce que d’abord, les écrans y sont placés hors du champ de vision du gérant. Au grand bonheur de deux bambins âgés de moins d’une dizaine d’années, qui s’y mettent dès leur installation sur une même chaise. Le plus grand s’est attaqué à un site pornographique tout en jetant par intermittence des œillades tantôt sur sa gauche, tantôt sur sa droite, histoire de s’assurer qu’il n’est pas surveillé.
La complexité de certains gérants de cybers
Un coup d’œil en coin nous permet de voir qu’ils se sont concentrés sur une image pendant quelques secondes avant de zapper brusquement, apparemment, dérangés par notre présence. Le fait qu’ils ont changé de machine dès qu’une autre plus isolée a été libérée confirme nos soupçons. Nous allons nous en ouvrir au gérant. A la question de savoir s’il est conscient que ces enfants ne visitent que des sites pornographiques, celui-ci fait mine de s’offusquer. « Vous n’allez pas me croire, mais j’engueule de manière régulière les enfants qui viennent pour des sites pornographiques », lance-t-il mettant fin à la conversation. Plus loin de là, à Pikine Tally Bou Mack, le gérant Malick Faye reconnaît quant à lui le phénomène des enfants ainsi pervertis. « Les gens n’en parlent pas ou bien ils en parlent peu, mais si l’on n’y prend garde, cela risque d’avoir des conséquences graves dans un futur proche », dit Malick. Pour lui, parmi les conséquences pouvant en découler, on peut retenir la tendance au viol. « Imagine un gamin qui découvre la vie sexuelle à l’âge de dix ans ; il y a de fortes chances qu’il commette plusieurs viols avant d’atteindre la majorité », soutien-il. Des craintes que nourrit également Ababacar Diouf, lui aussi gérant de cybercafé à Guédiawaye. « Moi j’ai la certitude que ces gamins qui commencent déjà à s’intéresser au sexe sont de potentiels violeurs, et par conséquent, de futurs prisonniers ». Ababacar Diouf est convaincu que l’ampleur de ce phénomène nécessite la réaction des autorités qui doivent prendre des mesures à l’encontre des cybercafés qui n’exercent aucune surveillance sur la visite des sites pornographiques. Une mesure qui s’annonce d’autant plus urgente que beaucoup de gérants évitent de fâcher ces gamins qui, somme toute, font partie de leur clientèle.
Abdou Diop
(Source : Le Soleil, 22 septembre 2010)