Les changements de modèles économiques du secteur bancaire dus à la pandémie de Covid-19, méritent d’être bien appréhendés pour être pris en charge avec la plus grande efficacité. C’est ce qu’a soutenu, hier, le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) Tiémoko Meyliet Koné, lors d’un webinaire.
La pandémie de Covid-19 continue d’impacter les secteurs clés de l’activité économique des pays d’Afrique, notamment ceux des Etats de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et le système bancaire n’est pas épargné. ‘’Nous sommes conscients que cette crise majeure de Covid-19 que nous vivons produit déjà des changements sur les modèles économiques de plusieurs secteurs d’activité, en particulier le secteur bancaire. Cette nouvelle donne, qui entraîne des changements, mérite d’être bien appréhendée pour être prise en charge avec la plus grande efficacité. Tel est le sens que nous voulons donner à notre démarche et à notre initiative qui démontrent l’importance que nous accordons au renforcement continu des capacités’’, a déclaré, hier, le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Tiémoko Meyliet Koné s’exprimait lors d’un webinaire sur l’impact de la Covid-19 sur les banques africaines. Il a indiqué que cette rencontre était l’occasion, pour les acteurs du secteur bancaire de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) et d’autres pays d’Afrique, d’échanger et de mener des réflexions sur les voies et moyens permettant d’atténuer les effets de la pandémie sur leur système bancaire et financier. Il convient de noter que pour aider les banques à faire face à la pandémie et à continuer leur rôle d’intermédiation financière, la BCEAO a décidé notamment d’accroître l’offre de liquidité de 340 milliards, d’élargir la gamme des effets admissibles au refinancement et de conduire les adjudications à un taux fixe de 2,50 %.
D’ailleurs, M. Koné a rappelé qu’en ‘’étroite articulation’’ avec ces mesures, et en lien avec sa mission de préservation de la stabilité financière, la BCEAO a engagé un certain nombre d’actions. Celles-ci visent à soutenir les efforts déployés par les autorités de l’UEMOA pour ‘’juguler’’ les effets de cette crise protéiforme et ‘’garantir’’ un financement ‘’sain et profitable’’ à leurs économies.
‘’Cependant, pour mieux accompagner les banques dans leurs efforts et leur permettre de jouer plus efficacement leur rôle dans la phase de sortie de crise, il m’a paru nécessaire et urgent de mettre en place un programme complémentaire de renforcement des capacités et d’encadrement de ces acteurs. Enfin, et dans un élan de diversification des sources de financement des économies de l’UMOA, la BCEAO a institué un cadre réglementaire spécifique à la finance islamique’’, dit-il.
‘’Aggravation’’ des besoins
De façon spécifique, avec l’impact de la Covid-19 sur le système financier, les entreprises et les Etats membres de l’union, le conseiller spécial du gouverneur de la Banque centrale a signalé que des mécanismes se mettent en place surtout au niveau des banques. Une situation due, d’après Ismaël Dem, à une ‘’aggravation’’ des besoins avec des difficultés pour assurer les besoins en prêts de la clientèle, des besoins de crédits accrus de cette même clientèle pour maintenir l’activité, les retraits de cash aux guichets des banques, ceci lié au climat d’incertitude entrainé par la crise et le ralentissement de l’épargne. ‘’Au niveau des entreprises, ce sont des risques de faillite liés à la baisse de productivité. Elles ont également de fortes tensions de trésorerie et des difficultés à se financer et honorer leurs engagements auprès du système bancaire. Pour les Etats, c’est la forte hausse des besoins de financements. Les plans de riposte ambitieux mis en place dans tous les Etats membres à la fois au soutien aux entreprises et aux populations défavorisées, ont coûté très cher et se sont traduits par une aggravation des déficits budgétaires et des besoins de financements des Etats’’, explique-t-il.
Toutefois, malgré les mesures de la BCEAO pour appuyer les banques, le président de la Fédération des associations professionnelles des banques et établissements financiers (Fapbef) de l’union, annonce que des institutions bancaires sont encore en difficulté. ‘’Il y a des établissements financiers qui souffrent toujours des effets du coronavirus, même s’ils sont globalement plus solides, plus résilients, bien préparés en matière de scénario catastrophe. La conjugaison des mesures prises par la Banque centrale et des Etats permettront aux impactés de résister à la crise’’, témoigne Bréhima Amadou Haïdara.
En effet, selon lui, en raison de la particularité de la présente crise, de nombreux clients seront fortement impactés. Ce qui laisse bien une dégradation de la qualité du portefeuille des banques. ‘’Il s’avère donc nécessaire d’anticiper cette dégradation, car le coût du risque des banques est l’impact sur le crédit qui devrait augmenter à terme avec des impacts sur les résultats nets et in fine sur la solvabilité des Etats. C’est dans ce contexte que la Fapbef a sollicité une rencontre pour l’examen de certaines préoccupations complémentaires au sujet des difficultés liées à la gestion des effets de la pandémie, dans le cadre d’une démarche constructive. Une rencontre tenue le 8 juin dernier’’, fait savoir M. Haïdara.
L’inclusion financière au sein de l’UEMOA est passée de 28,4 % en 2012 à 39,2 % en 2019, avec la modernisation du cadre d’émission de la monnaie électronique. Cependant, selon le gouverneur de la BCEAO, les expériences en cours dans d’autres pays montrent que la digitalisation des paiements est un ‘’accélérateur’’ de l’inclusion financière. ‘’C’est pour cette raison qu’elle est un axe principal de la stratégie régionale d’inclusion financière en cours d’implémentation dans l’UEMOA. Dans ce contexte, la BCEAO s’attelle à mettre en place un cadre réglementaire et des infrastructures appropriées pour favoriser l’essor des services financiers numériques dans l’union, à travers l’interopérabilité des plateformes de paiement’’, informe Tiémoko Meyliet Koné.
Monsieur Koné a également relevé que l’encours des titres publics mobilisés sur le marché régional, rapporté au produit intérieur brut (PIB) est passé de 8,4 % en 2013 à 13,6 % en 2019. Par ailleurs, le ratio du crédit au secteur privé sur le PIB est de 27,1 % en 2019 contre 19,9 % en 2012. De même, le taux d’inclusion financière dans l’UMOA est estimé à 59,7 % en 2019, en hausse de 31,1 % par rapport à son niveau de 2012.
(Source : Homeview Sénégal, 20 juin 2020)