Contestation - Externalisation du réseau de la Sonatel, concession de Necotrans… : La Société civile dit non à la « recolonisation »
vendredi 11 mars 2016
Dans leur lutte contre le projet d’externalisation de France Télécoms, les travailleurs de la Sonatel enregistrent un soutien de taille. Des organisations de la Société civile ainsi que des mouvements politiques ont rejoint le front. Et c’est pour étendre la lutte à tous les segments de l’économie sénégalaise menacée, selon eux, par « la recolonisation française ».
Les travailleurs de la Sonatel viennent d’enregistrer un soutien de taille. En effet, la Société civile et des acteurs de la scène politique ont rejoint le combat des syndicalistes de la boîte contre l’externalisation des réseaux. En conférence de presse hier, ces organisations, réunies autour de la plateforme pour la promotion du patriotisme économique, comptent « faire la jonction de toutes les forces » pour barrer la route à ce que Mouhamadou Mbodj, le coordonnateur du M23, appelle « la recolonisation » du pays. Composée de plusieurs organisations dont Legs Africa, Pastef, la coalition Non aux Ape et des parlementaires, la nouvelle coalition n’exclut aucune forme de manifestations pour faire entendre ses revendications. Selon M. Mbodj, ces revendications ne concernent pas que la Sonatel mais impliquent également, le Port de Dakar avec Necotrans, le rail, l’autoroute à péage avec Eiffage mais aussi la signature des Accords de partenariat économique (Ape). « C’est comme si on assistait à une prise en charge totale du Sénégal par des entreprises françaises », indique M. Mbodj, qui estime que si rien n’est fait, « nous allons léguer à nos enfants, un pays exsangue et à la merci de l’étranger ». Ainsi, les organisations, réunies autour des syndicalistes de la Sonatel, « exhortent le chef de l’Etat et son gouvernement à prendre les dispositions utiles pour traiter cette affaire en toute transparence et avec le courage patriotique nécessaire, à veiller à endiguer la stratégie d’Orange France de démanteler la Sonatel d’ici la fin de la concession qui interviendra en 2017 et à renforcer la position de l’Etat dans le contrôle de la Sonatel ». Pour Elimane Haby Kane de Legs Africa, le combat des travailleurs de la Sonatel « intègre la prise en charge des intérêts nationaux ».
Selon les syndicalistes, des motifs d’inquiétude existent. « France télécom s’est engagée depuis quelques années dans la mise en œuvre de projets d’externalisation des réseaux de télécommunications de ses filiales ou partenaires dans la zone Amea. De tels projets dans leur constitution sont de nature à changer structurellement les réseaux des télécommunications des pays, avec un impact significatif sur l’économie et la souveraineté des Etats concernés. Et cela au mépris des objectifs clairement déclinés dans la convention de concession de la Sonatel et le pacte de partenariat entre Sonatel et France Telecom », s’indigne Mme Founé Niang de l’Intersyndicale de la Sonatel. Cheikh Ibra Ndiaye de cette même intersyndicale d’ajouter que les projets de transformation « ne sont que l’arbre qui cache la forêt ». En effet, selon M. Ndiaye, le trafic international des filiales qui passait par le Sénégal a été détourné pour transiter par la France. De même, la plateforme Orange Money, initiée et démarrée au Sénégal, a été déportée en Roumanie tout comme la plateforme Orange Tv. Il s’y ajoute, rappelle le syndicaliste, que la nomination des directeurs généraux des filiales soit faite par France Telecom qui n’en a ni le droit ni la légitimité. M. Ndiaye dénonce également, le fait que le Président directeur général d’Atos, M. Thierry Breton, qui est aussi administrateur de la Sonatel, « ramasse et s’accapare de tous les projets informatiques de l’entreprise ». Conséquence, dit-il, des ingénieurs diplômés en sont réduits au chômage technique « en attendant qu’ils soient assez frustrés pour quitter la boîte ».
Des fissures dans les rangs des travailleurs
Les travailleurs de la Sonatel ont multiplié les actions pour dénoncer le redéploiement de certains d’entre eux dans le cadre du projet d’externalisation. Aujourd’hui, ce front enregistre des fissures, puisque sur les 34 travailleurs de la Sonatel qui devaient être transférés au Gnoc, 12 ont accepté la mutation. C’est ce que révèle Mme Founé Niang de l’Intersyndicale de la Sonatel. Mais selon les syndicalistes, l’enjeu est beaucoup plus grand, puisque ce sont les 1 890 salariés de la boîte et les 40 000 emplois indirects qui sont menacés par les agissements de France Télécoms. Et la lutte continue.
Mame Woury Thioubou
(Source : Le Quotidien, 11 mars 2016)