Malgré les croissances records qu’il a connu ces dernières années, Internet reste encore un mythe dans certaines régions du monde. Selon le World Economic Forum, plus de 4 milliards de personnes n’ont pas encore accès à internet aujourd’hui, ce qui représente plus de 55 % de la population mondiale [1]. Certaines de ces personnes vivent dans des régions pauvres ou rurales ne disposant pas d’infrastructures de connectivité. D’autres ne se connectent pas du fait de la cherté de l’accès ou parce que le contenu disponible dans leur langue est rare. Cette frange de la population mondiale ne bénéficie pas des avantages liés à l’utilisation d’Internet à savoir, un meilleur accès à l’éducation, aux services médicaux, au commerce, aux marchés internationaux entre autres. Faciliter l’accès de ces personnes à Internet peut contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie dans ces différents domaines et promouvoir une croissance économique. Il est prouvé que l’économie d’Internet contribue à hauteur de 15 à 25 pour cent dans la croissance économique des pays en voie de développement, ce qui constitue une opportunité énorme pour favoriser leur développement économique.
Connecter « le Prochain Milliard » (Connect the Next Billion) est une initiative de l’IGF (Internet Gouvernance Forum) basée sur les recommandations de l’ECOSOC [2] Working Group de l’Organisation des Nations Unies. Elle s’appuie également sur les Objectifs de Développement Durable adoptés par l’ONU qui reconnait les TIC comme étant un facteur crucial de développement économique. Cette initiative vise un accès universel et abordable à Internet dans les pays en voie de développement d’ici 2020. Ces pays regroupent l’essentiel des populations non connectées de nos jours et représentent les nouveaux marchés émergents de l’économie numérique. Un milliard de nouveaux internautes représentent autant de personnes qui pourront accéder à une meilleure éducation en ligne et autant de personnes qui pourront bénéficier des services d’e-commerce avec les tous les avantages économiques qu’ils sous-tendent.
Les géants de l’Internet qui adhèrent à cette initiative ont mis en place des projets à moyen terme permettant accroître la connectivité dans les pays où l’infrastructure est limitée voire inexistante. A titre d’exemple, Facebook a mis en place le projet « Aquila » qui devrait permettra un accès à Internet via des drones dans les zones rurales. De même, Google avec le projet « Loon » souhaite permettre la connectivité à Internet mobile via des ballons [3]. Des formules zero-rating [4] ont également été développées avec les opérateurs de téléphonie mobile comme solutions à moyen terme. Wikipedia Zero de Wikipedia et Free Basics de Facebook (Facebook Zero) en sont des exemples. Toutefois, le zero-rating est une pratique critiquée par les défenseurs d’un Internet ouvert car il limite l’expérience de l’utilisateur uniquement sur les sites offerts gratuitement et ne lui permet pas de bénéficier de tous les avantages qu’offre Internet.
Sur le long terme, l’IGF identifie cinq principales politiques à mettre en œuvre pour réussir le pari « Connecter le Prochain Milliard », celles-ci étant :
- Déployer des infrastructures : en construisant des backbones [5] nationaux, des points d’échange Internet, en libéralisant l’accès, en mettant en place des points d’accès Wifi, et en facilitant l’accès au spectre pour le développement de technologies mobiles large bande.
- Améliorer l’accessibilité : les services disponibles sur internet doivent être utilisables par les personnes qui se connectent. Ils doivent être disponibles dans leurs langues et refléter leurs réalités locales.
- Permettre l’expression des utilisateurs : l’utilisation des services disponibles en ligne ne doit pas être restreinte par les gérants des infrastructures. Internet doit rester ouvert.
- Baisser le prix de l’accès : la connexion à internet doit être abordable pour permettre à une masse critique d’aller en ligne.
- Mettre en œuvre des politiques appropriées : en développant un cadre réglementaire adéquat qui encourage l’investissement, l’innovation et l’initiative privée.
Dans la même logique que l’IGF, l’A4AL (Alliance for an Affordable Internet) a également indiqué quatre facteurs clés de succès pour tout gouvernement qui souhaite accroitre la connectivité Internet dans son pays :
- Développer l’infrastructure,
- Encourager la concurrence,
- Ouvrir l’accès et le partage d’infrastructures,
- Permettre l’accès au spectre.
L’accès à Internet offre des possibilités sans précédent de croissance économique dans les pays en voie de développement. Dans le monde rural qui concentre la majorité de la population pauvre, Internet peut contribuer à l’amélioration de l’éducation, à l’accès à la télémédecine et la fourniture d’informations pertinentes aux agriculteurs dans les zones reculées. Toutefois ces avantages liés à Internet ne peuvent se prévaloir que s’il est disponible, accessible et abordable pour toutes les populations de ces zones d’où la pertinence de l’initiative « Connecter le Prochain Milliard ».
Ousmane NDIAYE, Ingénieur Télécom
ARTP
(source : ITMag, 14 décembre 2016)
[1] http://www3.weforum.org/docs/WEF_Internet_for_All_Framework_Accelerating_Internet_Access_Adoption_report_2016.pdf
[2] ECOSOC : Economic and Social Council.
[3] Chaque ballon, de quinze mètres de diamètre, flotte à une vingtaine de kilomètres d’altitude (soit deux fois plus haut que les avions de ligne) et peut, grâce à ses panneaux solaires, voler 187 jours soit de quoi faire neuf fois le tour du monde.
[4] Lorsqu’un opérateur propose un forfait limité en données, mais donnant accès à certains services « en illimité » non-décomptés du forfait, c’est ce qu’on appelle le zero rating.
[5] Réseau dorsal