Des voix appellent ouvertement à l’implication personnelle du président Félix-Antoine Tshisekedi dans la mise en œuvre des contrôles obligatoires du secteur de la téléphonie mobile. Il ne faut plus laisser la place au doute devant de nombreuses accusations rejetées en bloc par les opérateurs du secteur.
Le bras de fer entre le fisc RD-congolais et les sociétés de télécoms reprend de sa vigueur avec l’appel à l’arbitrage du président de la République dans un conflit qui dure depuis des lustres. On le sait, les opérateurs du secteur de la téléphonie mobile ne ratent jamais une occasion de déplorer une fiscalité nationale trop lourde dans le pays. Dans un communiqué officiel publié en février 2019, ils affirment que la question du « contrôle » ne se posait plus car tous ont bien souscrit, depuis 2012, au contrôle des flux téléphoniques défini par l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications.
Cela se passait même de manière « régulière » et « sans aucune réticence » des opérateurs, ajoutaient-ils. Par ailleurs, ils se disent indignés du non-respect des normes internationales de contrôle de flux, notamment en matière de conformité du processus, de la charge du contrôle et de la confidentialité des données.
Des mois plus tard, la question occupe de nouveau toute l’attention de l’opinion publique. Pour certains analystes du secteur financier, le fisc RD-congolais, par le fait du système déclaratif en vigueur, se contente juste des déclarations des redevables. Aussi ces derniers s’illustrent-ils parfois par des fausses déclarations sur leurs revenus. Dans le secteur de la téléphonie mobile, poursuivent-ils, les écarts sont astronomiques entre les minutes d’appel par mois déclarées et celles réalisées effectivement au courant du mois.
« Les opérateurs parlent de millions de minutes enregistrées mensuellement alors que la réalité sur le terrain renvoie plutôt à des milliards de minutes mensuellement ». En partant de cette fraude présumée, il va sans dire que les pertes de l’État RD-congolais se situent à un niveau très élevé. Des chiffres non officiels indiquent que le pays peut arriver à mobiliser des milliards de dollars américains en assurant juste un meilleur encadrement du secteur de la téléphonie mobile. Cela sous-entend bien entendu un regard plus pointu du fisc RD-congolais sur les comptes réels de ces sociétés.
Pour les partisans d’un meilleur encadrement du secteur des télécoms, l’intervention du chef de l’État ne va s’inscrire que dans le cadre du prolongement de ses actions pour venir à bout de la corruption. Ils appellent donc à mettre fin définitivement aux lourdes présomptions de fraude qui pèsent sur les sociétés concernées. Pour autant, une telle démarche ne va pas sans une certaine contradiction avec les efforts d’amélioration du climat des affaires du président Tshisekedi.
L’image d’un « État policier » risque de desservir l’actuel chef de l’État qui sillonne le monde pour appeler les investisseurs à revenir au pays. « Le mal est bien identifié. Le contrôle brut ne peut répondre durablement aux défis qui s’imposent au pays. Il faut doter les services de l’État des équipements appropriés et d’une certaine expertise dans les nouvelles technologies utilisées. Le recours au contrôle force ne serait juste que la solution de facilité ». L’urgence s’impose d’autant que les recettes du secteur affichent une baisse préoccupante, avec seulement treize milliards de francs congolais mobilisés au dernier trimestre de 2019.
Laurent Essolomwa
(Source : Les Dépêches de Brazzaville, 1er février 2020)