Conférence scientifique internationale sur les Télécommunications : les pistes de la relance numérique
lundi 18 avril 2005
Les technologies de l’information et de la communication consacrent l’entrée de l’humanité dans la société de l’information. L’Afrique accuse un retard criard dans le vocable de « révolution numérique » qui régule les échanges internationaux. L’Agence de régulation des télécommunications du Sénégal (ART) a organisé ce 12 avril une rencontre internationale pour réfléchir sur les perspectives africaines en matière de télécommunications.
Le continent africain fait piètre figure dans le secteur des télécommunications. En effet, les statistiques pour l’Afrique dans ce domaine révèlent qu’il n’y a que 25 téléphones pour 1000 habitants contre 673 aux Etats-Unis. L’Afrique qui compte 9,7 % de la population mondiale ne représente que 1,1 % des internautes dans le monde. En outre, l’Afrique ne dispose que de trois serveurs Internet pour 10.000 habitants, alors que l’Asie en possède 37, l’Océanie 955, l’Amérique 1.440 et l’Europe 2.293.
Le Sénégal qui enregistre après l’Afrique du Sud la plus forte télé-densité urbaine en zone subsaharienne ne couvre que 10 % des 13.000 localités rurales de plus de 50 habitants dans la téléphonie simple.
Pour combler le « fossé numérique » qui existe entre les pays du Nord et du Sud, les régulateurs africains ont réfléchi sur le thème « Les télécommunications comme Infrastructures de développement : perspectives africaines ». De l’avis de M. Malick Guèye, directeur de l’ART, « les TICS sont aujourd’hui au centre des mécanismes d’accélération et d’approfondissement des solutions au bien-être des populations dans les pays du Nord et ceux qui sont dits émergent ». Les TICS génèrent la création de valeur et de richesses et contribuent à la facilitation de la communication et l’accès à la connaissance. Par ailleurs, le directeur général de l’ART pense que l’enjeu majeur est de voir « comment mettre en place des réseaux et des politiques de développement économique et social des pays africains ».
Pour sa part, le ministre des Postes, des Télécommunications et des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, M. Joseph Ndong indique qu’il faut voir comment les télécommunications « peuvent contribuer en Afrique à atteindre les objectifs du millénaire (OMD) ». Il souligne qu’il existe une niche importante d’opportunités dans les services publics comme l’éducation, la santé et la gouvernance publique qui reste à explorer. Il ajoute par ailleurs, que l’apport des technologies de l’information et de la communication (TIC) constituera un enjeu majeur dans l’amélioration de ces services pour un développement durable. Ce développement durable par le biais des télécommunications nécessite un ensemble d’orientations.
Selon M. Raynald Brulotte, directeur général des Technologies de l’Information et de la Communication du Québec, le pouvoir transformateur que recèle le secteur des télécommunications exige une intervention politique et la création d’organismes. Ces derniers, précise M. Brulotte, doivent « exercer non seulement un rôle de vigilance et de protection de l’intérêt public mais surtout un rôle de catalyseur du développement des TICS ». Dans le même sillage, le professeur Abdoullah Cissé, de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis note que le caractère évolutif des TICS et l’utilisation d’un plus grand nombre, souligne la nécessité de l’amélioration du cadre institutionnel et normatif. Il annonce que l’ingénierie d’intervention combinée aux Cyberaudit et Cyberstratégie, offre les avantages d’une approche méthodologique appropriée à la logique de régulation des Tics sous-tendue par divers changements.
Parlant des technologies alternatives et les perspectives des pays en développement, le professeur Nhan Le Thanh du CNRS de Paris plaide pour l’utilisation du haut débit. Ce dernier, de l’avis du professeur Le Thanh, présente des alternatives au choix du développement de l’infrastructure des réseaux de communication numériques. Il s’agit des technologies comme la boucle radio locale, le satellite, les faisceaux hertziens, les courants porteurs en ligne et le « sans file ».
Dans le domaine de la recherche, les professeurs Driss Aboutajdine et Mouhammed Amine Benkirane de l’Université de Mohamed V-Agdal de Rabat au Maroc fustigent l’attitude des opérateurs historiques. Ces opérateurs ainsi que les autres se comportent comme de simples consommateurs de technologies et ne font pas d’efforts pour contribuer au développement et à l’impulsion d’une recherche nationale. De l’avis des deux universitaires marocains, les technologies doivent s’appuyer sur ce qu’il y a de mieux dans les écoles et les universités pour développer un esprit d’innovation et de veille technologique et stratégique. Ils soutiennent que les appels d’offre, de proposition, de candidatures devraient même dépasser les horizons d’un pays et d’élargir à une zone africaine.
Sur un autre registre, le docteur en Sociologie à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN) de Dakar, M. Abdou Salam Fall relève que les Tics permettent aux acteurs sociaux et leurs organisations d’interagir et d’échanger des informations à une échelle globale. Elles sont au service de la mise en réseau de la société civile. Cependant, de l’avis M. Fall, il faudra éviter que « la mise en réseau ne se réduise à un consensus du marquage de territoires et de domaines d’action » en lieu et place d’un flux multiforme d’actions transversales pour le renouvellement des modèles de développement. L’Association des Régulateurs de Télécommunication de l’Afrique de l’Ouest (ARTAO) qui se réunit cette semaine à Dakar, ne va pas occulter toutes ces orientations pour faire des TICS une réalité dans le vécu quotidien des populations africaines.
Sady Ndiaye
(Source : Le Journal de l’économie, 18 avril 2005)