Communications électroniques : Des usagers pour un amendement de l’article 27 du Code
samedi 1er septembre 2018
Des associations sénégalaises, des organisations nationales et internationales, des acteurs du monde des Tic, des journalistes, des enseignants chercheurs étaient face à la presse hier, pour demander aux députés qui doivent voter le projet de loi portant sur le Code des Communications électroniques, d’amender l’article 27 dudit code notamment en son dernier alinéa. Pour eux, cette disposition met en péril la neutralité du Net au Sénégal.
Le Projet de loi portant sur le Code des communications électroniques, adopté par le Gouvernement du Sénégal en conseil des ministres du 06 Juin 2018, et devant être voté à l’Assemblée nationale, menace, en son article 27, l’accès des Sénégalais aux applications de téléphonie par Internet : WhatsApp, Facebook Messenger, Skype, Viber, etc. Cette disposition met en péril la neutralité du Net et pourrait permettre de bloquer, ralentir, filtrer ou encore surveiller l’accès à WhatsApp, Viber, Messenger, Skype et autres applications de téléphonie en ligne.
Selon le Président de l’Association sénégalaise des utilisateurs des Tic (Asutic), Ndiaga Gueye, la neutralité assure qu’aucune mesure n’est prise par les fournisseurs d’accès internet en vue de limiter l’accès aux contenus, applications ou service en ligne. Cependant la neutralité du Net est remise en cause par ce projet de loi portant sur le Code des Communications électroniques. A l’en croire après avoir consacré un accès ouvert et libre à Internet en son article 25 et 26, l’article 27 du même Code insère des exceptions à la Neutralité du Net sur le couvert de mesure de gestion du trafic. De ce fait, des associations sénégalaises, des organisations nationales et internationales, des acteurs du monde des Tic, s’insurgent contre cette évolution que le gouvernement veut imprimer au cadre juridique des Tic au Sénégal. En conférence de presse, hier, ils se sont mobiliser et demandent juste d’amender l’article 27 du code dont le dernier paragraphe dispose « l’Autorité de régulation peut autoriser ou imposer toute mesure de gestion du trafic qu’elle juge utile pour, notamment préserver la concurrence dans le secteur des communications électroniques et veiller au traitement équitable des services similaires ». Leur objectif commun est de préserver un accès libre et ouvert à Internet au Sénégal. « Nous voulons qu’Internet reste un moyen de communication ouvert et égalitaire porteur de croissance économique au service de tous et du renforcement de la liberté d’expression pour la consolidation de la démocratie sénégalaise », a fait savoir M. Guèye.
Liberté d’expression
D’après Abdou Khadre Lô, le spécialiste des Tic, ce code est progressif dans sa globalité. Mais il présente quelques inquiétudes au niveau de son article 27 et notamment dans le dernier alinéa qui peut permettre notamment au régulateur, l’Artp et aux opérateurs de téléphonie plus tard, de faire usage qu’ils veulent de la gestion du trafic.
« Beaucoup de séries télévisées sont sur youtube, beaucoup de start-up dépendent également de l’Internet et quand on gère le trafic pour éviter une cogestion, cela peut engendrer des conséquences dramatiques pour tous les acteurs de l’Internet et de la production locale. L’autre inquiétude est relative à la concurrence qui peut être faussée. Car, ceux qui gèrent le trafic sont les fournisseurs à Internet et qui ont une main mise sur ce trafic que d’autres acteurs du numérique n’ont pas », a averti Abdou Khadre Lô.
Aussi, a-t-il révélé des craintes d’ordre politico-social, comme c’est le cas au Bénin où les autorités essayent d’imposer une taxe au niveau des réseaux sociaux, ou encore en Ouganda dans lequel les bloggeurs sont obligés de payer une taxe de 900 dollars par an.
Pour éviter de telles situations « nous demandons que le code qui est positif dans sa globalité soit amené au niveau de son article 27 et notamment dans le dernier alinéa par les députés lorsqu’il leur sera présenté… » a argué le spécialiste des Tic. Pour le Président de l’Association des professionnels de la presse en ligne, Ibrahima Lissa Faye, les libertés sont encadrées et si les usagers ne s’activent pas, bientôt les gens ne pourront plus utiliser WhatsApp ou Messenger pour passer des communications. « Pire, beaucoup de jeunes entrepreneurs du Net (fournisseurs de contenus ou youtubers) vont se retrouver au chômage ou faire autre parce qu’il y aura des restrictions sur Internet, sur les réseaux sociaux qui font qu’ils ne pourront plus gagner leur vie » a dit M. Faye.
« Nous allons rencontrer les différents groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale, et aussi faire des journées de lutte sur Internet pour que le monde entier sache qu’au Sénégal, les libertés, les moyens de communication sont en train d’être restreints » a dit-il prévenu.
Maguette Guèye Diédhiou
(Source : Le Soleil, 1er septembre 2018)