Comment collaborer avec les start-up africaines pour favoriser l’innovation ?
vendredi 10 juillet 2020
Les innovations technologiques perturbent le marché des services financiers par l’introduction de nouveaux acteurs, par l’émergence de nouvelles propositions de valeur mais aussi par les possibilités d’amélioration des processus et des canaux digitaux. La nécessité d’innover, de mettre à jour ses connaissances et ses approches s’est accrue pour tous les fournisseurs de services, qui font évoluer leurs ADN sous forme digitale et agile. L’Afrique subsaharienne n’est pas en reste de ces évolutions, et ouvre en parallèle des opportunités pour combler les fractures numériques et faciliter l’accès aux innovations.
Autre la concurrence poussant les fournisseurs à la distinction, il apparaît selon nos dernières opérations de collecte de données en Afrique Francophone, que de plus en plus d’acteurs adoptent l’open innovation, une démarche qui consiste à mobiliser l’intelligence collective dans le processus d’innovation. Les entreprises s’associent à des start-ups pour développer des fonctionnalités différenciantes pour les produits qu’elles vendent, afin de créer un avantage concurrentiel en étant les premières à changer leur méthode de travail et en adoptant en interne de nouvelles technologies, leur permettant d’améliorer la productivité de leurs employés par exemple, ou tout simplement pour exposer leurs employés aux manières de travailler dites ‘agiles’ des grandes start-ups . Vice versa, les start-ups s’associent à des entreprises pour les aider à valider leur proposition de valeur, leur technologie et leur adéquation au marché, pour construire une solution équilibrée qui peut ensuite être vendue à d’autres entreprises ayant des besoins similaires, ou pour prendre le lead sur le marché d’un autre pays. Il est important pour les entrepreneurs de reconnaître les besoins et les intérêts spécifiques des grandes entreprises si ils veulent collaborer avec elles efficacement.
L’open innovation comprend des initiatives tel que le développement des incubateurs, accélérateurs, les concours et projets collaboratifs. Les grandes entreprises pratiquent également le capital risque d’entreprise (Corporate Venture Capital) avec des objectifs plus ou moins clairement établis qui correspond à des objectifs stratégiques et organisationnels plutôt qu’à des investissements financiers classiques. Il permet aux groupes de capter les nouveaux business model dans un environnement d’innovation et de cocréation.
En Afrique, il existe plusieurs modèles d’open innovation. Selon les données de Crunchbase, il y a une augmentation de financement par les entreprises Africaines. Cette approche peut aider une entreprise à réduire son risque en Recherche et Développement et à rechercher de nouvelles technologies ou innovations. Orange Digital Ventures, par exemple, est un fonds d’investissement doté de 50 millions d’euros pour financer les start-ups innovantes du continent africain. Lancé en 2017, le fonds cible des secteurs stratégiques pour Orange sur la zone en faisant levier sur la base de clients et du réseau de distribution africain du Groupe Orange. Si les fonds ne sont pas liés aux objectifs stratégiques et financiers des entreprises, ils pourraient avoir un impact limité sur leurs innovations.
Les accélérateurs et les incubateurs d’entreprise offrent l’occasion de se rapprocher des start-ups, de nourrir de nouvelles idées qui fourmillent, d’internaliser les compétences, de saisir de nouvelles opportunités et peut-être d’établir des partenariats à long terme avec des start-ups voir d’y investir directement. Le Lab Innovation Afriqueest un incubateur destiné aux initiatives innovantes nées au sein des filiales africaines de la Société Générale pour s’en inspirer et réinventer ses propres métiers. Elle n’a pas son propre corporate venture mais investit dans des fonds.
Le Hub d’Innovation d’Expresso Sénégal fournit aux cohortes de start-ups trois mois d’accès à l’infrastructure technologique et commerciale, au mentorat, à la formation et aux opportunités de création de réseaux, aboutissant à une journée de démonstration à laquelle ont participé des gestionnaires et des partenaires d’Expresso, ainsi que des investisseurs externes. Les start-ups peuvent profiter de la base de clientèle d’Expresso tandis qu’Expresso peut générer plus de fidélité clients à travers des services co-créés ensemble pour connecter les clients à des services tiers souvent proposés par des start-ups provenant de divers secteurs. Avec le soutien de la Mastercard Foundation, nous avons travaillé avec Expresso pour accompagner les start-ups et les former à l’approche AGILE pour identifier les besoins des clients. Un des défis que nous avons rencontré dans cette approche est la difficulté à trouver des mentors pour inspirer et guider les start-ups. Et puisqu’il s’agit de co-création, une solution est d’augmenter les opportunités de mentorat au sein des entreprises. La mobilisation des ressources internes permettrait une meilleure adhésion, compréhension et application de l’open innovation.
Pourquoi se rapprocher des start-ups ou collaborer avec les start-ups ?
La co-création aide les entreprises à internaliser l’innovation et à maximiser les opportunités. Dans le cadre de sa transformation digitale, Ecobank a lancé leEcobank FinTech Challenge 2020, pour les entrepreneurs technologiques africains. En lançant sa sandbox (bac à sables), les FinTechs pourront accéder aux API d’Ecobank. Les finalistes pourront avoir l’opportunité de lancer leur produit sur les 33 marchés d’Ecobank en Afrique. Ce type d’approche exige que les deux parties aient des accords clairs sur la propriété intellectuelle et ils doivent s’assurer qu’elles s’alignent sur leurs valeurs, leurs objectifs mesurables, à quoi ressemblera le « succès » et le calendrier de mise en oeuvre et de deploiement.
L’objectif du parcours est d’arriver aux plateformes digitales qui propulsent l’innovation ouverte au niveau ultime. Les plateformes ouvrent la possibilité pour les start-ups et les petites entreprises de générer des économies d’échelle du côté de la demande qui seraient autrement bien hors de leur portée. La collaboration entre plusieurs secteurs sur des plateformes peut créer de nouveaux produits et services qui offrent des expériences clients convaincantes. Tout comme la co-création, la propriété intellectuelle est un défi. Les modèles d’affaires de la plateforme exigent une adaptation et une agilité continues et un environnement favorable et compétent. Chemin faisant, les entreprises devront collaborer avec les décideurs sur des questions telles que la confidentialité des données, la protection des consommateurs et la fiscalité.
L’innovation est une solution à la sortie de la crise causée par la pandémie COVID-19. Elle offre une ’opportunité de collaboration à saisir, pour mieux prévoir les besoins des clients, et offrir des solutions innovantes en réponse à la situation actuelle. L’open innovation est un moyen de réunir les parties prenantes de l’intérieur et de l’extérieur d’une institution financière pour trouver des solutions face à une nouvelle crise financière mondiale.
Elizabeth Berthe et Djitaba Patel-Sackho
(Source : MicroSave Consulting, 10 juillet 2020)