Cheikh Tidiane Mbaye sur la volonté de l’Etat de détenir 35% de Sonatel : « Ni France Telecom, ni le personnel, ni d’autres actionnaires ne vendraient 8%, ce n’est pas réalisable »
vendredi 28 octobre 2011
Il est aujourd’hui impossible pour l’Etat, qui devra débourser minimum 300 milliards pour atteindre les 35% dans chaque société de téléphonie, d’acquérir les 8% qui leur manquent pour détenir les 35% à la Sonatel. Et l’incompressibilité de ces 35% n’est pas le meilleur signal que le pays lance aux investisseurs qui risquent de freiner.
S’il ne tenait qu’au Directeur général de la Sonatel, Me Wade et l’Etat du Sénégal n’iront jamais à la pratique, dans leur dessein d’acquérir 35% du capital de chaque société de téléphonie. Cheikh Tidiane Mbaye estime de prime abord, qu’il est impossible pour l’Etat aujourd’hui de trouver les 8% qui lui manquent pour détenir les 35% dans le capital de la Sonatel. « 8% c’est même impossible à avoir aujourd’hui sur le marché. La sonatel est cotée à la Brvm et elle doit avoir un flottant. Des actions qui peuvent faire l’objet de transaction sur le marché doivent représenter 20% du capital. Et ça veut dire que les actions de France telecom ne peuvent pas faire l’objet de transaction sur le marché, celles de l’Etat ce n’est pas possible ». Et actuellement explique Cheikh Tidiane Mbaye, « l’Etat ne pourrait acheter que 5%. Et 27% plus 5% ça fait 32%. Donc le compte n’est pas bon ». De plus, aucun actionnaire ne voudrait vendre ses parts, ce qui ne peut que vouer à l’échec le projet de Wade : « Ni France Telecom, ni le personnel, ni d’autres actionnaires ne vendraient 8%. Je ne vois pas pourquoi ils le feraient. Donc ce n’est pas réalisable ».
« C’est un signal qui n’est pas le meilleur qui est donné par le pays. Et pour l’Apix ça ne doit pas être une excellente nouvelle »
Et M. Mbaye qui a grandement participé au rayonnement sous-régional de la Sonatel, a étalé ses inquiétudes, par rapport à l’incompressibilité des 35% de l’Etat. Et pour lui, « c’est un signal qui n’est pas le meilleur qui est donné par le pays. Et pour l’Apix ça ne doit pas être une excellente nouvelle » a-t-il lâché. Faisant des leçons au gouvernement qui se taxe d’être libéral, M. Mbaye se demande s’il est « très bon pour un gouvernement libéral de dire qu’on veut avoir une part incompressible, en plus pour des sociétés qui marchent » et si « avoir une part incompressible de 35%, ce n’est pas un message qui peut être contre-productif quand on veut attirer des investisseurs ». Même s’il trouve que ce soit « normal », pour l’Etat de renforcer sa position dans le capital de la Sonatel, Cheikh Tidiane Mbaye trouve que « tous les investisseurs ne veulent pas avoir l’Etat dans leur capital ».
Et pour les autres opérateurs privés expresso Tigo, le Dg de la Sonatel « pense qu’elles n’aiment pas voir l’Etat dans leur capital ».
« Si l’Etat passe de 27 à 35%, les 100 milliards qu’il a sur les bénéfices passeraient à 109 milliards, c’est marginal »
De plus, les ressources que l’Etat tirerait de cette transaction seraient infimes : « L’Etat récolte 200 milliards de Sonatel. Mais il y a 100 milliards qu’il prend sur les bénéfices au titre de l’impôt sur les sociétés, des dividendes, de l’impôt sur les dividendes, de l’Irvm. S’il passe de 27 à 35%, les 100 milliards qu’il a sur les bénéfices passeraient à 109 milliards, c’est marginal à vrai dire » indique le Dg de la Sonatel. C’est pourquoi s’interroge-t-il encore, « pourquoi pour presque rien apeurer le marché, faire freiner les investisseurs. Donc globalement si on nous avait demandé on aurait donné notre point de vue et ça aurait fait réfléchir ».
« Pourquoi pour presque rien apeurer le marché, faire freiner les investisseurs ? »
Quant à la somme globale que l’Etat devrait débourser pour détenir 35% dans chaque société de téléphonie au Sénégal, c’est 300 milliards que le gouvernement devra mettre sur la table, alors qu’il y a des priorités ailleurs : « si l’Etat devait acheter sur le marché les 8% ça lui coûterait 120 milliards, mais dans la réalité 120 milliards c’est impossible. Il devrait payer une prime et ça tournerait autour de 150 milliards rien que pour Sonatel. Pour les autres, c’est 35% qu’il devrait payer. Si je dois évaluer, ça tourne autour de 300 milliards au total pour avoir 35% dans chaque opérateur ». Ce qui lui fait asséner, « je pense que l’Etat a d’autres priorités d’autres préoccupations ».
Youssouf Sané
(Source : Le Populaire, 28 octobre 2011)