Cheikh Bakhoum, Directeur général de l’Adie : « 460 caméras intelligentes installées dans 5 villes du pays »
mercredi 5 février 2020
Lancé il y a tout juste un an, le projet Smart Sénégal avance à grands pas. Dans cet entretien, le Directeur général de l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie) détaille dans cet entretien, les grands aspects de ce projet et tire un bilan d’étape satisfaisant. Cheikh Bakhoum revient par ailleurs sur le Point d’échange internet du Sénégal (Sénix) et beaucoup d’autres questions.
Quel bilan d’étapes faites-vous du projet smart Sénégal ?
Tout d’abord, je voudrais rappeler le contexte du projet Smart Sénégal. Le Sénégal fait partie des initiateurs de Smart Africa pour renforcer le digital dans nos pays africains et permettre que le numérique puisse vraiment supporter les secteurs de notre vie sociale et environnementale pour vraiment améliorer la qualité de la vie de nos populations. C’est dans ce cadre que le président Macky Sall a lancé en janvier 2019 le projet Smart Sénégal qu’il a confié à l’Agence de l’informatique de l’Etat pour travailler sur un certain nombre de composants, nous en avons principalement quatre. Il s’agit du volet Safe city qui doit permettre de mieux sécuriser notre territoire. Dans cette première phase de Safe city, il s’agira de déployer des caméras dans cinq villes notamment la ville de Dakar et sa banlieue, les villes de Thiès, Mbour, Touba, Saint-Louis et Kaolack. Nous avons presque finalisé le déploiement des caméras. Nous sommes en train de les intégrer à la fibre optique ce qui va permettre de mettre en place des centres de commandement.
Au total, combien de caméras ont été installées ?
Nous avons à peu près trois cent caméras qui sont établies. C’est des caméras intelligentes qui permettront à nos forces de sécurité et de défense de superviser le territoire, mais également d’anticiper sur les actions sur le terrain. Ce sera aussi un moyen d’avoir un cadre d’échange et de partage de l’ensemble des forces de sécurité et de défense, mais également des structures comme le Samu municipal, les sapeurs-pompiers qui pourront dans un seul espace, échanger sur les interventions sur le terrain. En guise d’exemple, on peut avoir une zone ou on déclare un incendie, la police peut intervenir, mais les sapeurs-pompiers, le Samu peuvent tout de suite avoir l’information en temps réel et venir intervenir directement sur l’incident. C’est cela un peu qui va permette à notre pays de pouvoir renforcer sa sécurité et permettre à nos forces de défense d’anticiper et d’agir quasiment à temps réel.
Comment le dispositif sera concrètement déployé ?
Après le déploiement des caméras, l’intégration à la fibre optique, il y aura la mise en place de centres de commandement. Ils seront des espaces de partage et de prise de décision. C’est à dire que le projet Safe City va mettre nos forces de sécurité et de défense à la pointe de la technologie. Ces forces seront bien formées à l’utilisation de ces outils que nous leur mettons en place. Au-delà des caméras, nous avons aussi déployé un réseau spécifique pour ces forces de sécurité et de défense. Ce réseau 4G que nous avons déployé va également permettre de communiquer en temps réel dans un réseau sécurisé et fermé. C’est un volet de Safe City et dans le cadre de ce projet, nous avons démarré la mise à disposition de terminaux de dernières générations.
Au-delà de Safe City, nous avons le projet Smart Territoire. Le président Macky Sall insiste beaucoup sur le fait que l’administration doit mieux se rapprocher des citoyens et aujourd’hui le numérique est un levier essentiel pour permettre ce résultat. C’est dans ce cadre que l’Adie travaille à la mise en place de la maison du citoyen. Il s’agira d’avoir un guichet unique dans tous les départements du Sénégal où on pourra retrouver l’ensemble des services digitaux de l’administration. Nous avons entamé la construction de ces maisons. Nous avons ouvert presque 30 chantiers qui sont en cours et l’ensemble des maisons devront être finalisées d’ici la fin de l’année. Il y aura des espaces dédies aux usagers de l’administration. Les maisons seront également des incubateurs pour les start-up, un espace de travail pour les porteurs de projet. Il y aura également un espace pour la formation. Parce que c’est important d’accompagner les agents de l’administration qui sont à l’intérieur du territoire dans le renforcement de capacités.
Qu’avez vous fait sur le volet éducation ?
Avec le volet Smart Education, nous sommes en train d’accompagner l’ensemble des universités du Sénégal. D’abord c’est la partie interconnexion de ces universités. II est essentiel de permettre à ces universités d’être interconnectées ainsi l’échange de données va être extrêmement simple. A ce niveau-là, nous avons permis cette interconnexion de l’ensemble des universités du Sénégal. Elles sont toutes intégrées à l’intranet administratif et au-delà de cette interconnexion, nous avons dans le cadre de ce projet accompagné ces universités à la mise en place de salles multimédias. Nous pensons qu’aujourd’hui qu’il faut moderniser l’enseignement dans ces universités et le digital doit jouer un rôle essentiel. Nous avons pris l’université de Ziguinchor et celle de Dakar pour mettre en place des centre de formation de dernières générations pour l’enseignement du numérique. Il y a aussi dans chaque université des studios d’enregistrement de cours en ligne. Ils vont permettre aux enseignants de pouvoir venir enregistrer leurs cours pour qu’ils puissent par l’ensemble des universités. Cela pour dire que c’est une palette d’offres et de services et d’équipements que nous avons déployés dans toutes ces universités. L’autre volet c’est la partie ville sans fil donc le wifi public. Aujourd’hui comme vous le savez, l’accès au haut débit est un défi majeur pour nos Etats. On parle d’accès universel à l’eau, à l’électricité mais de l’accès universel au haut débit. Le Smart Sénégal va largement y contribuer. Aujourd’hui nous sommes en train de déployer un dispositif wifi dans quasiment toutes les places publiques au Sénégal gratuitement et dans les places régionales. Le Président Macky Sall veut mettre le wifi partout dans le pays. Nous avons commencé par les lieux les plus visités. Aujourd’hui si vous venez à Dakar quasiment toutes les places publiques, nous avons déployé un dispositif wifi. D’ici quelques mois, nous allons inaugurer le projet pour permettre à nos concitoyens d’avoir accès au haut débit. D’après une étude réalisée par la banque mondiale, l’accès au haut débit contribue à la création de richesses dans nos pays et intervient directement dans le PIB national. Chaque fois que nous avons 10% de pénétration au haut débit, nous gagnons un point dans notre croissance.
Où en êtes-vous avec le point d’échange internet du Sénégal (SENIX) ?
Comme vous le savez, sans ce point d’échange internet du Sénégal (SENIX) même deux opérateurs qui sont au Sénégal pour échanger des données ont besoin d’entités qui sont hors du Sénégal. Cela veut dire que vous émettez un appel au Sénégal, aujourd’hui vous êtes chez un opérateur, l’autre chez un opérateur, la transaction est obligée d’aller hors du Sénégal et revenir au pays parce que nous n’avons pas de point d’échange internet. L’Adie assure la présidence du point d’échange internet du Sénégal et tous les opérateurs se sont retrouvés sur ce point d’échange. Ce qui va permettre de diminuer les temps de latence des échanges entre les opérateurs. En même temps, nous aurons quasiment la plupart des transactions qui vont rester dans notre pays. Cela va aussi diminuer l’utilisation de la bande passante internationale. A chaque fois qu’on sort du Sénégal, on utilise la bande passante, on paye et donc cela se répercute forcement sur l’utilisateur final qui va supporter le coût. Si toutes ces transactions restent dans notre pays, on paiera moins et on aura moins de temps de latence et l’usager pourra être satisfait. Ce point d’échange est mis en place. C’est un processus qui est en cours et j’appelle tous les acteurs à supporter l’initiative au-delà des opérateurs, nous appelons tout le monde y compris les banques, les structures qui sont dans notre pays pour pouvoir développer davantage les services au niveau de ce point d’échange.
Aujourd’hui, le numérique a des enjeux énormes. L’Adie étant le bras armé de l’Etat a-t-il suffisamment de moyens ?
Les moyens ne sont jamais suffisants quel que soit le pays ou vous vous trouvez. Mais je pense qu’aujourd’hui l’Etat du Sénégal a mis le numérique en priorité. Aujourd‘hui, c’est ce qui justifie le projet Smart Sénégal. Ces investissements vont nous permettre de nous rattraper sur le volet numérique. Mais il va falloir que l’Etat puisse suivre pour la maintenance de ces infrastructures et permettre à ce qu’elles soient à niveau pour que nous puissions assurer une bonne qualité de service. Il nous faut pour cela compter sur les ressources de l’Etat mais également développer des partenariats stratégiques avec le privé national comme international. Ces infrastructures, c’est pour l’usage de l’administration publique mais nous disposons de surcapacités qui peuvent être mises à la disposition du secteur privé qui pourra les utiliser et très rapidement développer des services à valeur ajoutée pour l’ensemble des citoyens. L’Etat va non seulement renforcer le positionnement de l’Adie, mais surtout va développer un partenariat stratégique avec le secteur privé pour développer l’économie numérique. Parce que ces infrastructures peuvent permettre d’avoir cela et nous avons récemment lancé une étude qui a été faite par Deloitte qui montre que nous avons aujourd’hui la capacité de créer près de 15.000 emplois directs. Il urge que l’Etat puisse développer ce partenariat pour permettre à d’arriver à développer cette économie numérique au bénéfice des Sénégalais et surtout pour la création d’emploi notamment les startups qui vont pouvoir utiliser ces infrastructures en terme d’hébergement, de transport de leurs données, de développement de leur business partout dans le pays.
(Source : Le Soleil, 5 février 2020)