Cheikh Bakhoum, DG ADIE : « Mon objectif est de mettre en ligne 100 procédures administratives avant la fin de cette année »
lundi 30 avril 2018
Diplômé de l’Ecole Supérieure d’Informatique Electronique et Automatique de Paris, Cheikh Bakhoum a débuté sa carrière en 2007 chez Accenture, un cabinet américain spécialisé en conseil et en technologies. Accenture est d’ailleurs considérée comme la plus grande entreprise de conseil dans le monde. Deux ans plus tard, il fait le choix de rentrer au pays pour créer sa propre société de service en ingénierie informatique : Zelion Technology Solutions. Ce pari n’aura duré que trois ans (2009-2012) avant qu’il ne se fasse copter par M. Macky Sall qui vient d’être élu comme Président de la République du Sénégal en 2012. Il intègre le cabinet du Président de la République en tant que conseiller technique et chef du Service Informatique de la Présidence. Puis en 2014, il a été nommé Directeur Général de l’Agence De l’Informatique de l’Etat. Une sorte de DSI de l’Etat dont la principale mission consiste à organiser la transformation numérique de l’administration. Un rôle éminemment important allant de la dématérialisation des procédures administratives au développement des services numériques à destination du citoyen, en passant par la mutualisation des ressources de l’Etat. Dans cet entretien accordé à CIO Mag, Cheikh Bakhoum revient sur les principaux chantiers qu’il a eu à mener à la tête de l’ADIE. Entretien.
Quelles sont les réalisations que vous avez menées et qui vous rendent particulièrement fier depuis que vous êtes à la tête de l’ADIE ?
Sous l’impulsion du Président de la République son Excellence M. Macky Sall, d’importants progrès ont été enregistrés dans le domaine du numérique ces dernières années au Sénégal. Le Plan Sénégal émergent accorde une place de choix au développement numérique parce qu’il constitue à n’en point douter un facteur important pour booster la croissance et atteindre les objectifs de développement que nous nous sommes fixés. Pour réussir le PSE, le Gouvernement a notamment engagé un programme accéléré de réformes pour la modernisation de l’Administration publique pour l’adapter aux exigences de performance induites par ce plan. Parmi les réformes ; l’automatisation des procédures administratives.
L’Agence De l’Informatique de l’Etat dont la mission est de moderniser l’Administration sénégalaise délivre à cette dernière les outils et moyens nécessaires pour améliorer son fonctionnement ainsi que la qualité du service offert aux citoyens. En ce sens, nous avons fait beaucoup de réalisations en matière de gouvernance numérique par l’intégration et l’adoption des téléservices dans plusieurs secteurs. Par ailleurs, nous avons mis en place le projet Fichier unifié des Données du Personnel de l’Etat (FUDPE) dans le but de maitriser les effectifs des structures de l’Etat ainsi que la masse salariale.
L’ADIE a également joué un important rôle dans la rationalisation des dépenses de l’Etat en matières de télécommunications. Nous avons édifié l’Intranet administratif qui couvre tout le pays et grâce au réseau de téléphonie (fixe et mobile) déployé ainsi qu’aux terminaux mis à disposition des agents de l’Administration, l’ADIE a contribué de façon considérable, à la réduction des dépenses de l’Etat en matière de téléphonie et d’Internet.
Le développement du numérique repose également sur le désenclavement du territoire et l’accessibilité des technologies de l’information et de la communication par toute la population. Le projet Sénégal Large Bande a permis de compléter le maillage intégral du pays par une infrastructure fibre optique très haut-débit basée sur la technologie DWDM. Il a également permis de construire des réseaux métropolitains dans les principales villes du pays en reliant les bâtiments administratifs directement à la fibre optique.
Ce projet permettra aussi à l’Etat du Sénégal de se doter d’un Datacenter (centre de données) TIER 3+ de dernière génération qui favorisera l’hébergement des données des Administrations et des acteurs intervenant dans le numérique en général.
Quel est le rôle de l’ADIE dans la transformation de la gouvernance au Sénégal ?
L’Agence De l’Informatique de l’Etat a pour mission d’être le moteur de la transformation numérique de l’Etat du Sénégal. Ainsi, nous accompagnons les structures administratives à faire un meilleur usage du numérique pour améliorer leur productivité, mais aussi pour garantir une meilleure proximité entre les citoyens et l’Administration.
Nous mettons à la disposition des structures administratives des outils qui concourent à la simplification, la célérité dans le traitement des dossiers, la performance, la transparence entre autres dans le fonctionnement de l’Administration. J’en veux pour preuve la mise en place d’une plateforme pour les actes d’administration et de gestion des agents de l’Etat. Le projet FUDPE contribue en effet à la transparence, à l’amélioration de la gestion des finances publiques et au renforcement de la bonne gouvernance par la maîtrise des données qui impactent régulièrement sur un des plus gros postes de dépenses du budget général de l’Etat, le poste « dépense de personnel ». Notre important chantier de dématérialisation des procédures administrative a aussi un fort impact sur l’accessibilité du service public, et l’amélioration des relations entre l’Administration et les usagers.
Nous avons également déployé au sein des ministères la nouvelle messagerie administrative avec le Projet d’Amélioration et de Modernisation de la Messagerie administrative (PAMA). Il s’agit d’une plateforme de messagerie hautement sécurisée intégrant des outils collaboratifs permettant à l’Administration d’échanger, de partager, de collaborer et de communiquer en temps réel en toute sécurité.
Pour améliorer et sécuriser le traitement du courrier, nous avons également mis à la disposition de l’Administration un outil de gestion électronique dénommé SYGEC (Système de Gestion électronique du Courrier).
La dématérialisation des services administratifs et la création d’entreprises en ligne figurent en bonne place des actions à mener pour améliorer l’environnement des affaires et avoir un meilleur positionnement dans le référentiel Doing business. Quelle est la contribution du l’ADIE pour relever ce défi ?
Le Sénégal s’est résolument engagé à améliorer son environnement des affaires pour être plus compétitif et favoriser davantage l’investissement étranger. Le numérique étant un des facteurs clés de performance et de croissance, l’ADIE, bras technique de l’Etat en matière informatique, accompagne les structures de l’Administration dans la dématérialisation de leurs procédures afin de faciliter l’accès et de promouvoir un service public de qualité.
En effet, l’année 2017 nous a permis de propulser la dynamique de la dématérialisation des procédures administratives avec notamment la nouvelle orientation de la plateforme de Télé-Demande d’Actes administratifs (TeleDAc). Ainsi, le succès obtenu avec la dématérialisation des procédures du secteur de l’urbanisme notamment le certificat d’urbanisme, le certificat de conformité et l’autorisation de construire a permis à mes équipes de rendre la plateforme TeleDAc plus étoffe et capable, aujourd’hui, de prendre en compte la dématérialisation des 750 procédures administratives documentées et mises en lignes sur le site des démarches administratives du Sénégal (www.servicepublic.gouv.sn). Fort de cet acquis, je considère l’année 2018 comme celle de la dématérialisation massive des procédures administratives dans tous les secteurs d’activité de l’administration publique. Ma conviction est qu’elle constitue une option crédible pour contribuer, encore, améliorer le classement de notre pays dans le Doing-Business ainsi qu’aux autres évaluations de croissance économique..
Pour finir ce point, il me plait de vous annoncer que nous lancerons, très bientôt, plus de 40 procédures déjà dématérialisées qui adressent des secteurs à fort impact socio-économique. Il s’agit notamment de la justice, du tourisme, de l’Etat-civil consulaire etc. Mon objectif cette année est de mettre en ligne 100 procédures administratives à travers la plateforme de Télé-Demande d’Actes administratifs (TeleDAc).
Concernant le catalogue de services fourni par l’ADIE. Comment les administrations ont-elles accueilli ce portefeuille de service. Qu’est-ce qui le caractérise ?
Dans une dynamique de diversification et d’amélioration continue de nos services, nous avons en 2017 enrichi notre catalogue de services. Nous sommes ainsi passés de 6 à 10 familles de services. L’ADIE a, à ce jour, conçu une quarantaine de services matures pour améliorer et moderniser l’Administration sénégalaise. Nous avons décidé d’adopter une démarche qualité dans la fourniture de nos services, et pour répondre efficacement aux demandes de l’Administration, nous avons lancé la plateforme e-Catalogue. Nos services sont déployés dans tous les ministères mais aussi dans leurs démembrements. Nous avons en moyenne au moins 5 services déployés et utilisés dans chaque ministère (la connectivité Intranet et Internet via le fixe et le mobile, la messagerie administrative, la téléphonie fixe et mobile, les applications et l’hébergement des sites web…). Les services que nous déployons aident l’Administration dans l’amélioration de son fonctionnement, sa performance, son efficience entre autres. En somme, nous aidons l’Administration à améliorer la qualité du service public délivré aux usagers.
Comment se positionne le Sénégal dans la sous-région au vue des indicateurs fournie par la Banque Mondiale et l’UIT ?
L’Union Internationale des Télécommunications publie chaque année l’indice de développement (IDI) par pays des Technologies de l’information et de la communication (TIC). En 2017, le Sénégal est classé au 142e rang mondial. Pour la Banque mondiale, l’indicateur suivi par le Sénégal est celui du Doing Business. Le Sénégal a gagné 7 places en 2017 pour arriver au 140e rang et notre pays figure parmi le top 5 des pays les plus réformateurs en Afrique. Pour ces deux indicateurs, des efforts sont faits pour affirmer le leadership du Sénégal sur la scène africaine et mondiale dans le domaine des TIC et du développement économique de manière générale.
En tant que DSI de l’Etat, quels sont les facteurs bloquant à la transformation de l’Etat ? Et comment les surmonter ?
Les facteurs sont de deux ordres. D’abord, l’Administration sénégalaise n’est pas localisée uniquement dans les grandes villes, elle est présente dans toutes les localités du Sénégal jusqu’aux postes frontaliers. Il y a donc là une nécessité de disponibilité d’infrastructures numériques et de dotation en matériel informatique de qualité pour permettre à toutes les administrations de partager des informations pertinentes dans tous les secteurs pour une meilleure célérité et efficacité dans le travail. Pour résoudre cette problématique, l’Etat, à travers l’ADIE, a déjà construit une infrastructure propre et couvrant l’ensemble des régions du Sénégal. Cette infrastructure est appelée à s’étendre pour couvrir toute l’Administration. Enfin, toute transformation, de manière générale, et digitale en particulier, est un bouleversement avec des impacts organisationnels et fonctionnels. Dans ce cadre, il est important de porter une attention particulière à la conduite du changement pour les agents de l’Administration afin de faciliter l’adoption et la transition vers les nouveaux outils et usages. Dans tous les projets de transformation menés par l’ADIE, nous prenons en compte ces aspects qui sont essentiels à la réussite des projets et à la pérennisation des acquis ensuite.
En termes d’usage, l’ADIE peut-elle être considérée comme un champion du digital ? Si oui, pourquoi et quels services pour les usagers ?
Le numérique offre d’énormes potentialités que nous pouvons exploiter pour améliorer le fonctionnement de l’Administration. L’ADIE peut être considérée comme une structure entièrement investie dans le digital. Elle est d’abord une agence informatique dont les missions tournent exclusivement autour du numérique. Ensuite, elle déploie des technologies de pointe telles qu’un backbone DWDM, un réseau d’accès FTTB et un Datacenter TIER 3+ au bénéfice de l’Administration et du Sénégal. Enfin, elle met à la disposition de l’Administration et des citoyens des plateformes et des applications permettant d’alléger les procédures administratives et d’améliorer le service public. Par ailleurs, nous essayons de donner l’exemple avant d’inciter les autres structures administratives à en faire de même pour améliorer globalement la qualité du service public rendu aux citoyens.
Le projet SN2025 est une ambition noble qui devrait mener le Sénégal vers l’émergence. Quel est le rôle du numérique dans l’atteinte de ces objectifs ?
Le Sénégal a montré une réelle volonté politique pour promouvoir le numérique dans tous les secteurs de la vie économique et sociale. Le numérique offre en effet des opportunités de modernisation et de valorisation des filières socio-économiques à fort potentiel de croissance, à travers les techniques et technologies de production, mais également d’échanges de biens et services.
Dans la Stratégie Sénégal numérique SN2025, l’Etat souhaite accélérer la diffusion du numérique dans les secteurs prioritaires identifiés dans le PSE pour d’une part, favoriser
l’accès aux services sociaux de base (santé, éducation, services financiers), et d’autre part, accroître sensiblement la productivité en se focalisant sur l’usage accru du numérique dans l’agriculture, l’élevage, la pêche et le commerce.
Tous les pays africains ont cette ambition avec un plan numérique. Quels sont les atouts du Sénégal pour figurer parmi les premiers hubs régionaux ?
Le Sénégal a des infrastructures des Télécommunications parmi les plus développées et performantes en Afrique de l’Ouest grâce à d’importants investissements consentis en termes de capacités et de modernisation. Nous avons un fort taux de pénétration du mobile de même qu’une bonne couverture Internet. Les entreprises ont un taux d’usage relativement élevé des TIC, ce qui favorise le développement d’une économie numérique compétitive sur le plan régional et international.
Le Sénégal dispose également de grandes écoles et des ressources humaines de qualité.
Pouvez-vous nous fournir en quelques lignes votre parcours professionnel avant d’accéder à la tête de l’ADIE ?
Je suis un ingénieur diplômé de l’Ecole Supérieure d’Informatique Electronique et Automatique de Paris avec la mention très honorable. J’ai travaillé de 2007 à 2009 chez Accenture en France. Avant de prendre la décision de revenir au Sénégal pour lancer ma société de service en ingénierie informatique : Zelion Technology Solutions. Avec l’accession de M. Macky Sall à la tête du pays, j’ai intégré en 2012 le cabinet du Président de la République en tant que conseiller technique, Chef du Service Informatique de la Présidence. Puis en 2014 j’ai été nommé Directeur Général de l’Agence de l’Informatique de l’Etat (ADIE) par le Président de la République, Macky Sal
Propos recueillis par Mohamadou DIALLO
(Source : ADIE, 30 avril 2018)