« Cette société nous permettra de renforcer notre autonomie financière », Cheikh Bakhoum sur la nouvelle société “Sénégal numérique”
samedi 9 octobre 2021
Au total, pas moins de 6000 Km de fibre optique sur l’ensemble du territoire national, un Data center de dernière génération, près de 100 mairies qui ont dématérialisé leur services d’état civil, plusieurs milliers de services hébergés en son sein, ou encore le projet ‘’Sénégal service’’ présent dans l’ensemble des 45 départements du pays. Tel est le bilan présenté par le Directeur général de l’Agence de l’informatique de l’État (Adie), Cheikh Bakhoum, à la tête de cette agence, depuis 2014. Alors, qu’est ce qui peut bien expliquer la création d’une nouvelle société nationale ‘’Sénégal numérique’’ en remplacement de l’Adie ? Éléments de réponse dans cet entretien accordé à Sud quotidien par le patron de l’Adie.
En conseil des ministres hier, mercredi 6 octobre, la loi portant création d’une société nationale “Sénégal Numérique” a été adoptée. Ce qui présage la dissolution de l’ADIE. Est-ce un échec ou une volonté du Chef de l’état d’améliorer l’existant ?
Je pense que quand on crée une société nationale, c’est vraiment pour donner plus d’autonomie à l’entité, mais également pour développer l’activité, non seulement pour le secteur public, mais également le privé. Parce que l’Adie a quand même aujourd’hui des infrastructures importantes.
Nous avons près de 6000 km de Fibre optique. Nous avons un Data center de dernière génération. Bientôt nous aurons le câble sous-marin. Nous avons lancé les espaces ‘’Sénégal service’’. Donc, c’est vraiment beaucoup de services qui ont été développés durant toutes ces années et nous voulons une optimisation de l’exploitation de ces infrastructures.
« C’est cette entité-là qui pourra générer des revenus que l’État pourra utiliser pour développer les politiques prioritaires »
Il nous faut vraiment avoir cette capacité beaucoup plus grande pour prendre en charge ces nouvelles préoccupations. Mais également, cette société nous permettra de renforcer notre autonomie financière parce que nos entités ne doivent pas aujourd’hui constituer un centre de coût pour l’État du Sénégal, mais vraiment vers un centre de profit pour le Sénégal. Je crois qu’avec la création de cette société, c’est un objectif qui pourra être atteint dans les années à venir. L’État ne va plus subventionner une entité comme la nôtre. Mais, c’est cette entité-là qui pourra générer des revenus que l’État pourra utiliser pour développer les politiques prioritaires.
Est-ce que Cheikh Bakhoum est pressenti pour diriger cette nouvelle société ‘’Sénégal numérique’’ ?
Ça c’est une prérogative du Chef de l’État et je ne suis pas dans le secret des dieux. C’est au président Macky Sall de choisir qui va conduire aux destinées de cette société.
Que peut-on retenir de votre bilan à la tête de l’Adie ?
L’Adie que j’ai eu l’honneur de diriger depuis 2014 a une mission transversale au sein de l’administration sénégalaise et nous intervenons sur plusieurs aspects, notamment la partie infrastructure et télécommunication pour connecter les administrations au haut débit, notamment avec l’utilisation de la fibre optique. Il faut savoir qu’avant 2014, nous avons moins de 1.500 km de Fibre optique. Aujourd’hui, nous sommes à près de 6.000 km qui ont été construit. Durant ces années, nous avons pu amener la Fibre optique dans les 45 départements du Sénégal.
Ce qui nous permet de dire, le Sénégal est aujourd’hui totalement désenclavé numériquement, parce que c’était des infrastructures qu’on ne voyait très souvent qu’à Dakar, ou dans quelques grandes villes de notre pays.
Également, l’Adie intervient dans tout ce qui est dématérialisation de procédures. Donc, l’accompagnement que nous faisons aux ministères à se doter de systèmes d’information, à héberger ces systèmes d’information dans les centres de ressources de l’Adie.
« Le Sénégal est aujourd’hui totalement désenclavé numériquement »
En 2014, il y avait moins de 100 services qui étaient hébergés au niveau de l’Adie. Aujourd’hui, c’est plusieurs milliers de services qui sont hébergés au sein de l’Adie et qui sont gérés par nos ingénieurs. Ce qui veut dire, tout simplement, que l’administration connaît mieux les services que nous donnons et nous fait plus confiance.
Clairement, l’Adie est un acteur incontournable dans l’hébergement des applications, dans leur développement. Récemment, avec l’inauguration du Data center, le Sénégal peut garantir sa souveraineté numérique.
Ceci également est valable dans tout ce qu’on fait dans le domaine des services que nous donnons aux usagers directement. L’Adie a récemment lancé le projet ‘’Sénégal service’’. Ce projet-là, c’est pour permettre aux usagers du service public, c’est à dire les citoyens sénégalais et tous ceux qui vivent parmi nous, d’avoir un accès facile aux services publics. C’est pourquoi, ces espaces ont été édifiés dans les départements du pays.
Voilà entre autres réalisations qu’on a faites depuis que je suis à la tête de l’Adie. Mais vraiment, c’est de bonne perspective pour cette agence, pour le Sénégal, pour vraiment rentrer dans l’ère du digital et permettre à nos concitoyens, partout où ils puissent se trouver, à vraiment avoir accès aux services publics.
Pourquoi jusqu’à présent, la digitalisation de certaines procédures traîne le pied dans certaines localités, plus précisément pour l’obtention de l’extrait de naissance ?
Par rapport aux actes d’État civil, c’est une compétence qui est transférée aux communes. Nous avons quasiment 557 collectivités territoriales, près de 600 centres d’État civil, qui ne sont pas du même niveau. Clairement, aujourd’hui au Sénégal, on a près d’une centaine de mairies qui ont su dématérialiser les procédures. Mais, nous devons aller vers une dématérialisation intégrale. C’est une demande des populations.
Aujourd’hui, nous accompagnons le ministère en charge des Collectivités territoriales qui a ce projet-là, de pouvoir vraiment généraliser la dématérialisation des procédures liées aux actes d’État civil et nous espérons qu’avec ce projet, le ministère pourra accompagner l’ensemble des communes, pour disposer d’un système d’État civil moderne, accessible partout sur le territoire national. L’Adie, en tant que bras technique, est en train d’accompagner ce processus.
On parle de plus en plus de dérives dans les réseaux sociaux. Quelles solutions, tout en préservant la liberté d’expression dans le pays ?
Je pense qu’à ce niveau, il faudrait beaucoup plus sensibiliser les populations, qu’elles sachent ce que la loi dit dans ce domaine, parce qu’il y a beaucoup de dérives. Mais, c’est des choses qui sont punies par nos lois. Malheureusement, on note qu’à ce niveau-là, il n’y a pas beaucoup de sanctions.
« Il serait important de renforcer notre législation »
Je pense que l’État devrait renforcer des entités qui pourront mieux superviser les réseaux sociaux et éventuellement, bien sûr, toutes ces nouvelles technologies qui se créent, des plateformes qui nous viennent d’ailleurs. Il serait important de renforcer notre législation pour mieux encadrer les informations qui sont diffusées dans ces réseaux sociaux et éventuellement sanctionner les gens qui ne vont pas respecter les dispositions prévues par nos lois.
Recueillis par Jean-Pierre Diatta
(Source : Sud Quotidien, 9 octobre 2021)