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Ces gouvernements qui font du mobile money africain une nouvelle source de recettes fiscales

vendredi 12 octobre 2018

Le service financier mobile, largement adopté par les populations à petits revenus et porteur de croissance pour les économies africaines, est aujourd’hui au cœur des stratégies d’équilibre budgétaire de diverses nations à travers le continent. Si pour les consommateurs, taxer le mobile money représente une atteinte à leur pouvoir d’achat, l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) redoute surtout une mise en péril du dynamisme de ce marché.

Après le segment des appels, dynamique par le passé, c’est désormais vers le très prolifique segment du mobile money que s’orientent les gouvernements africains en quête de nouvelles ressources fiscales à tirer du marché de la téléphonie mobile. En effet, au cours de cette année, plusieurs pays ont décidé d’imposer directement les utilisateurs de ce service financier tandis que d’autres ont choisi d’augmenter l’impôt qui était déjà prélevé au niveau des opérateurs télécoms, directement sur les frais de services facturés aux abonnés. Sous l’impulsion des pionniers, comme le Kenya, la Tanzanie, le Zimbabwe, l’Ouganda ou encore la Côte d’Ivoire, taxer le mobile money, tendance marginale il y a encore quelques années, pourrait s’accélérer aujourd’hui.

Sous l’impulsion des pionniers, comme le Kenya, la Tanzanie, le Zimbabwe, l’Ouganda ou encore la Côte d’Ivoire, taxer le mobile money, tendance marginale il y a encore quelques années, pourrait s’accélérer aujourd’hui.

Actuellement, dans les marchés taxés, ce sont plusieurs millions de clients qui protestent. Tour d’horizon de quelques pays qui ont osé.

Ouganda

La taxe sur le mobile money est entrée en vigueur le 1er juillet 2018 en Ouganda. Elle est uniquement prélevée lors du retrait d’argent et facturée au consommateur. D’abord d’une valeur de 1% de la somme retirée, le gouvernement l’a revu à 0,5% le 15 juillet 2018. Malgré cette réduction, le principe de la taxe n’a toujours pas été adopté par les millions de consommateurs qui ont organisé des marches de protestation dans les rues de Kampala, la capitale.

Le président de la République, Yoweri Museveni, initiateur de ce nouvel impôt, lui, est demeuré ferme dans sa décision. Il a insisté sur la nécessité de cette charge fiscale qui contribuera à financer son budget pour l’exercice 2018/2019 évalué à 32 000 milliards de shillings (8,5 milliards de dollars US). Elle s’ajoute d’ailleurs à la taxe sur la valeur ajoutée de 10%, imposée par le gouvernement sur le mobile money en 2013. En 2017, la Banque centrale d’Ouganda (BoU) estimait à 22 millions le nombre d’abonnés au mobile money dans le pays. L’institution financière nationale évaluait à 54 trillions de shilling (14,2 milliards de dollars US) le volume d’argent transféré via le service.

Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, la taxe sur le mobile money est entrée en vigueur janvier 2018. Le nouvel impôt de 0,5%, a été institué via l’annexe fiscale de la loi n° 2017-870 du 27 décembre 2017, portant budget de l’Etat pour I’année 2018. Selon le document fiscal, cet impôt est perçu dans les mêmes conditions et sous les mêmes procédures, sanctions et sûretés, que la taxe sur la valeur ajoutée de 18% appliquées par l’Etat aux autres types d’institutions financières, parmi lesquels se trouvent les opérateurs télécoms. En somme, le mobile money est taxé deux fois. Le nouvel impôt est payable par le client qui effectue l’opération d’envoi d’argent par mobile. Par exemple, pour 1000 FCfa envoyé, c’est 5 FCfa de taxe qu’il devra régler en plus des frais d’envoi prélevés par les opérateurs télécoms pour le service rendu. Cette nouvelle disposition fiscale, le gouvernement l’a jugée indispensable pour augmenter les recettes fiscales de l’Etat qui contribueront aux dépenses publiques. Lors du Forum de la monnaie et du paiement électronique, organisé à Casablanca au Maroc du 22 au 23 juillet 2017, René Tano, le responsable Cash Management à la Banque Internationale pour le commerce et l’industrie de la Côte d’Ivoire (BICICI), estimait à 17 milliards Fcfa (26 millions d’euros), le volume quotidien de transactions par mobile money dans le pays. Avec la nouvelle taxe, cela représenterait un revenu de 85 millions Fcfa (130 000 euros) que percevra l’Etat au quotidien. Au 30 juin 2018, l’Autorité de régulation des télécommunications/Tic de Côte d’Ivoire (ARTCI) comptabilisait 11 395 442 abonnés au mobile money dans le pays.

Zimbabwe

Le nouveau gouvernement du Zimbabwe qui fait face à des défis en termes de finances publiques a décidé d’augmenter la taxe sur le mobile money. Introduite depuis plusieurs années mais calculée sur la base fixe de 5 centimes de dollars US par transaction, quelque soit le montant, le gouvernement a décidé depuis le mois d’octobre 2018 de la prélever à travers un pourcentage, soit 2% sur la valeur de chaque transaction. Mais le ministre des Finances, Mthuli Ncube, explique que « les transactions inférieures à 10 dollars US seront exonérées de cette taxe ». Selon le ministère des Finances, des transactions telles que le transfert de fonds au sein d’une entreprise, l’achat d’actions, le rachat d’instruments du marché monétaire et le transfert d’argent pour le paiement de salaires seront exemptés de la taxe, idem pour les autres transactions telles que le paiement de taxes et le transfert de fonds par le gouvernement.

Malgré ces exemptions, le Congrès des syndicats des travailleurs du Zimbabwe (ZCTU) a rejeté la taxe qu’il considère comme une imposition des pauvres qui étaient auparavant financièrement exclus, en particulier dans les communautés rurales et urbaines. Pour le Barreau du Zimbabwe et ses membres, opposés également à cette taxe, elle a été instituée en violation des dispositions de la loi de finances. Elle n’a pas fait l’objet d’une appréciation par le parlement, comme l’exige la Constitution. Le marché mobile money du Zimbabwe était fort de 5,6 millions d’abonnés au 30 juin 2018. Au premier trimestre 2018, la valeur globale des transactions avoisinait les 2 milliards de dollars US.

Le Kenya

Depuis le 1er juillet 2018, les Kényans payent plus cher pour les transactions par mobile money. La taxe sur le service, fixée à 10% en 2012 est passée de 10% à 12%. Le secrétaire au Trésor, Henry Rotich, indiquait que cette augmentation de la taxe a pour objectif de mobiliser des fonds nécessaire pour financer le programme de santé universel. Opposé à cette action, Safaricom, par la voix de son directeur des Finances, Sateesh Kamath, expliquait : « Nous sommes conscients que le gouvernement a besoin d’impôts pour atteindre ses objectifs budgétaires, mais nous estimons qu’une augmentation des droits d’accise sur les transferts d’argent mobile aura un impact négatif sur les services et les paiements de transfert d’argent mobile et ralentira la progression vers une économie sans espèces ». Il soulignait d’ailleurs que cette action pourrait « avoir un impact négatif sur les plus démunis de notre société, qui n’ont généralement pas accès à des services bancaires et qui dépendent de services de transfert mobile ».

Tanzanie

La taxe sur le mobile money, fixée à 10% et prélevée sur les envois, tout comme sur les retraits d’argent, est en vigueur en Tanzanie 2016. Le gouvernement l’avait instituée dans sa loi des finances pour réussir à mobiliser la somme de 13,53 milliards de dollars US représentant son budget 2016/2017. Dans le pays, cet impôt a aussi suscité la colère des consommateurs qui s’estimaient abusés et exploités par le gouvernement.

Malgré la grogne, la taxe est demeurée et le marché du mobile money a continué à croître. Mais son potentiel de croissance a tout de même été freiné, estime l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA). C’est d’ailleurs cet impact négatif qui a amené la République démocratique du Congo à retirer en 2018 la taxe de 3% que prélevait le gouvernement sur le chiffre d’affaires mobile money des opérateurs télécoms.

GSMA redoute les conséquences

Dans son rapport 2017 sur l’état de l’industrie mondiale du mobile money, la GSMA indiquait que l’argent mobile a évolué pour devenir le premier mode de paiement dans de nombreux marchés émergents. Dans le monde entier, l’Association a enregistré 690 millions de comptes pour 1,8 milliard de transactions. La valeur de ces transactions a été estimée à 31,5 milliards de dollars US, soit une croissance de 21% comparé aux 26 milliards USD en décembre 2016.

Selon la GSMA, bien que l’Asie du Sud ait enregistré la plus forte croissance annuelle des comptes de toutes les régions (47%), l’Afrique Sub-saharienne est demeurée l’épicentre de l’argent mobile. La croissance dans cette région n’a montré aucun signe de ralentissement. Cette partie du continent a enregistré 338,4 millions de comptes pour 1,2 milliard de transactions financières. La valeur de ces transactions correspondant à la somme de 19,9 milliards de dollars US.

Mais ce dynamisme de l’Afrique dans le mobile money, la GSMA craint que les taxes qui naissent ça et là finissent par l’émousser. Aujourd’hui, le mobile money est au centre de plusieurs activités. Le règlement de facture, le paiement pour des biens et services, aussi bien en ville qu’en zone rurale, le micro-crédit, la micro-épargne, etc. Il est venu combler le vide que le système bancaire classique avait de la peine à satisfaire.

Pour Akinwale Goodluck, le directeur Afrique sub-saharienne de la GSMA, la taxation implique des coûts qui vont progressivement décourager les plus démunis et les détourner du mobile money.

Pour Akinwale Goodluck, le directeur Afrique sub-saharienne de la GSMA, la taxation implique des coûts qui vont progressivement décourager les plus démunis et les détourner du mobile money. « Quand vous taxez les transactions, vous portez préjudice aux personnes les plus en marge du système financier », a-t-il souligné.

Décourager les consommateurs risquerait de ralentir l’activité et nuire à long terme à l’inclusion financière des petites bourses. Autre risque important, une chute du mobile money pourrait entraîner des pertes d’emploi pour des milliers d’agents de terrain.

Muriel Edjo

(Source : Agence Ecofin, 12 octobre 2018)

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