En Afrique, Dakar est en passe de devenir une plaque tournante de l’industrie des centres d’appels grâce à quelques atouts. Activité inconnue au Sénégal il y a peu, ce secteur figure désormais parmi les plus pourvoyeurs d’emplois. Enquête sur les leurs et lueurs d’un métier émergent.
Ressources humaines et qualité, les atouts payants
Grâce à un réseau de télécommunications performant et l’accent des Sénégalais jugé bon, les employés des centres d’appels effectuent des prestations pour le compte d’entreprises hexagonales. Les clients français n’y voient que du feu.
Face à son ordinateur, Elodie n’est pas loin de rappeler les nombreuses jeunes filles que l’on croise dans les cybercafés de Dakar. Sauf qu’elle ne surfe pas sur le net. Casque vissé sur la tête, micro sur la joue, Elodie est au téléphone.
Comme la soixantaine de collègues avec lesquels elle partage la spacieuse et agréable salle. Au bout du fil, un client d’une société française de téléphonie qu’elle démarche pour le convaincre de s’abonner à son service Internet Adsl. Pendant qu’Elodie est en train de ferrer son interlocuteur, Virginie est en ligne avec une habitante de la banlieue parisienne, abonnée d’un opérateur téléphonique qui a choisi de confier à une entreprise sénégalaise la gestion d’une partie de sa force de vente.
Le point commun entre Elodie et Virginie est de travailler, à moins de dix kilomètres, (l’une de l’autre) pour des centres d’appels différents - “ Center Value ” pour la première basée aux Almadies et “ Call me ” pour la seconde située sur la Vdn. Là ne s’arrête pas leur dénominateur commun. La clientèle qu’elles prospectent se trouve à six mille kilomètres, en France précisément. Celle-ci est loin de savoir que Elodie et Virginie sont de jeunes Sénégalaises qui peuvent s’appeler Fatou ou Ndoumbé ou encore Seynabou. En Afrique subsaharienne, Dakar est devenue une plate-forme non négligeable pour les opérateurs de centres d’appels. la capitale sénégalaise en compte quatre en plus de Quality Center installé à Saint-Louis avec 20 positions de travail pour 40 employés. Principaux clients : les pays d’expression française, à commencer par la terre de naissance de Molière : La France.
Filtre téléphonique
“ C’est une destination privilégiée pour ce type d’opérations ”, explique Ludovic Ngnoanka, directeur général de Center Value. Cette entreprise est “ un projet intégrateur ”, selon M. Ngnoanka, qui réunit des bailleurs africains de plusieurs nationalités ayant décidé d’accompagner les deux initiateurs du projet, des ingénieurs sénégalais et malien. Les Sénégalais seraient donc servis par leur aptitude naturelle à parler le français sans accent.
Pour les candidats à un emploi de téléacteur, le premier écueil est d’ailleurs l’appel téléphonique. “ Il permet de filtrer les candidatures. Ceux qui ne sont pas en mesure de parler français sans accent ou de faire montre d’une excellente élocution au bout du fil s’éliminent d’office ”, explique Mme Bâ, la responsable de la communication à Center Value, le deuxième opérateur sénégalais, mais aussi d’Afrique subsaharienne “ de par sa taille ”, arrivé sur le marché en mars 2004. Si le Sénégal est en train de prospérer dans un tel secteur, il le doit aussi à sa réputation de pays stable. “ Le client a besoin d’être servi en sachant que vous travaillez sans perturbations techniques. La main d’œuvre y est aussi bon marché et de qualité ”, commente Ludovic Ngnoanka.
“ Call me ” qui a débuté ses activités depuis le 1er février 2002, se présente comme “ le premier centre de contact multimédia en Afrique de l’Ouest spécialisé dans la gestion de la relation client à distance ”. Elle est une filiale du groupe Chaka, “ pionnière de l’informatique vocale au Sénégal ” qui propose des logiciels de couplage téléphonie informatique. “ Call me ” propose des applications pour les centres d’appels qu’elle développe elle-même. (Bien qu’opérant pour des clients étrangers, (une trentaine de positions de travail sont réservées à l’export), cette entreprise est très présente sur le marché national, avec notamment le service clients de Sentel et celui de la Senelec, le service des renseignements de l’aéroport, etc. Selon son directeur, El Hadj Malick Seck, si le Sénégal peut s’autoriser une percée dans le secteur, il le doit fondamentalement à son atout technologique. “ Nous avons la chance d’avoir un opérateur de télécoms extrêmement performant qui nous permet d’être très concurrentiel.
Aujourd’hui, si les centres d’appel existent au Sénégal, c’est grâce au réseau de la Sonatel ”. M. Seck souligne la stratégie visionnaire qui a consisté à investir dans la fibre optique et qui permet au Sénégal d’avoir, aujourd’hui, une des sociétés de télécommunications leaders en Afrique.
Enquête réalisée par Malick M. Diaw
(Source : Le Soleil, 14 juillet 2005)