Au dernier Conseil consultatif national et de la sécurité sociale qui s’est déroulé le 18 mai 2004, à la salle du ministère de la Fonction publique, du travail, de l’emploi et des organisations professionnelles, il a été question d’examiner les projets suivants : l’arrêté fixant les modalités d’aménagement du temps du travail dans les entreprises de téléservices et celles évoluant dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (Ntic). Il y a eu aussi celui fixant les modalités d’application de la semaine de quarante heures dans les entreprises de téléservices et celles évoluant dans le secteur des Ntic.
En ma qualité de syndicaliste, et ayant exercé dans le domaine invoqué pendant plusieurs années déjà, le constat qui s’impose est que 55 années se sont passées depuis que les premiers systèmes à écran de visualisation, ou ordinateurs, sont manifestés dans les unités économiques de production. Aujourd’hui, ces ordinateurs ont fini de modifier l’environnement, les moyens et les conditions de travail de milliers d’êtres humains, non seulement dans les téléservices mais dans les rédactions de la presse et les imprimeries, également. Dès les premiers moments, les précurseurs se sont alarmés des dangers et des risques que le travail sur écran représenterait pour les opérateurs. De ce point de vue, ils ont mené des études qui ont abouti à des recommandations (exigences ergonomiques, aménagement des tâches, rôle des services de la médecine du travail, etc.). Ils ont surtout élaboré des dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles sur le sujet. Or, la manière par laquelle (en catimini), le ministère du Travail est en train de mener le taureau par les cornes, me semble inapproprié, inacceptable et inadmissible. Est-ce parce que nous sommes dans un système libéral, avec un gouvernement libéral ? A mon humble avis, le monde du travail ne peut être destiné à l’autel du sacrifice.
Ce qui se trame en coulisse, avec la complicité d’anciens inspecteurs et contrôleurs du travail (devenus des consultants) à la solde du patronat, est contraire aux fondements inscrits dans la Constitution sénégalaise. Malgré la reconnaissance de leur expérience et leur expertise avérées, ces marchands ambulants jouent à vider les textes de base de leur contenu essentiel. Sont-ils tout simplement guidés par l’appât du gain facile, et pour le plaisir d’un patronat qui tire ses moyens de la valeur ajoutée produite par les salariés ? Ne faut-il pas une exigence de la démocratie, le renforcement d’un véritable dialogue social, voire l’application stricte dans le contrôle et la prévention des risques des maladies professionnelles ? A ce jeu, le patronat, dans sa folle course au profit, se trompe de productivité, créant trop d’exclus, un social fragmenté dont la société est incapable de prendre en charge les nombreuses victimes. Ces patrons, alors, profanes dans le domaine qu’ils se sont choisis, recrutent des mercenaires-juristes en droit du travail pour les représenter, afin d’orienter à leur guise des arrêtés, conventions, codes, etc. Que n’ont-ils pas fait hier, dans la brochure Les délégués du personnel, affirmant le délai de recours auprès du ministre à un mois. A cet effet, ils ont sacrifié par leur conseil, des milliers de travailleurs.
Tel est le cas, en ce qui concerne les projets sur les Ntic. Le plus extraordinaire c’est que ni les producteurs des textes ni les médecins du travail ne sont conviés. Comment dans un contexte pareil, les conseillers du ministre, anciens élèves des représentants du patronat et/ou anciens collaborateurs se comportent-ils ? Le monde du travail ne risque-t-il pas de faire face à une solidarité de corps, d’entendre un seul son de cloche ? Or, les normes du travail dans le cadre des Ntic sont d’abord une exigence fondamentale. Et au travers des documents présentés ne figurent aucunement les dispositions sur les mesures préventives, le poids maximum des charges du travail, les temps de pause, les normes fondamentales de radioprotection, les examens avant l’affectation au travail, le microclimat et le milieu du travail, la variation des tâches de manière à minimiser les astreintes physiologiques et psychologiques imposées aux opérateurs, etc. Partant de ces remarques et considérations, le monde du travail se retrouverait-il dans de tels documents qui ne prendraient pas en compte ses préoccupations propres et ses besoins ? Ces arrêtés doivent surtout veiller à la santé et à la sécurité du personnel appelé à travailler sur écran de visualisation. C’est pourquoi j’attire l’attention du ministre sur la délicatesse et l’importance des enjeux que revêtent les dispositions sur les Ntic au Sénégal. En même temps, je recommande aux centrales syndicales réunies en Intersyndicale de provoquer une réunion de concertation, d’interpeller le ministère du travail et enfin de saisir le conseil d’Etat pour arbitrage sur la question.
Ibrahima Khalil Mendy secrétaire chargé de l’administration du Syntips-Cnts
(Source : Wal Fadjri 12 juillet 2004)