Capital de la Sonatel : L’Etat part avec 80 milliards et sème le doute
mercredi 9 février 2005
La lettre de politique sectorielle des télécommunications soulève l’ire de l’intersyndicale de la Sonatel. Pour Ibrahima Konté et ses camarades l’Etat s’écarte des conditions d’une libéralisation réussie de ce secteur, en posant un acte qui va reprivatiser la société. Qui plus est, affirment-ils, la Lettre rendue publique le 26 janvier « est en porte-à-faux avec les conclusions de la concertation nationale sur le secteur des télécommunications de juillet 2004 ».
Ainsi, dénoncent les syndicalistes, « l’option de l’Etat pour un schéma de libéralisation politico-spéculative-financière est avérée avec sa volonté de se retirer du capital de la Sonatel ». L’opération, telle que présentée hier, à travers la cession, par les pouvoirs publics, de leurs 27% du capital, va rapporter quelque 80 milliards au Trésor public. Ceci avec des actions qui, à la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm) s’échangent à 38 000 F.
Cette décision de l’Etat de retrait risque cependant d’affecter les ressources budgétaires du Sénégal, si l’on sait que la Sonatel verse annuellement à l’Etat, à titre d’impôts et taxes et de dividendes, une enveloppe qui avoisine les 60 milliards de francs. Sans compter que le secteur des télécommunications contribue à hauteur de 6% à la formation du Produit intérieur brut (Pib) et crée quelque 30 000 emplois indirects avec l’implantation de télécentres, cybers et autres agences distributrices de cartes.
Il s’agit de la troisième restructuration que connaît le secteur. Elle intervient huit ans après l’ouverture du capital de la Sonatel et après la libéralisation du service mobile survenue en 1998 avec l’arrivée de la société Sentel. Ces deux opérations ont permis à la Société nationale de télécommunication de parvenir à une progression du parc des abonnés du service de téléphone mobile. La Sonatel a aussi pu procéder au raccordement au réseau de téléphone fixe, d’environ 1050 villages sur les 13 500 que compte le Sénégal.
Du fait de l’importance du secteur des télécommunications, la centrale syndicale exige la continuité d’une présence de l’Etat dans le capital de la Sonatel. Pour Ibrahima Konté, il y a des risques à voir le partenaire stratégique, France Telecom, contrôler de facto le Conseil d’administration. Mais aussi des risques d’atomisation du marché avec le choix d’un opérateur global et la délivrance de licences régionales, comme fixé par la Lettre.
Les syndicalistes accusent « des lobbies tapis à la présidence et au ministère des Postes et Ntic d’être au centre de toutes ces manœuvres qui ont des relents politiques en perspectives des prochaines élections de 2006 et 2007 ». Comme quoi, l’argent récolté de la vente des actions de l’Etat pourrait financer la campagne électorale.
Ibrahima DIAW
Source : Wal Fadjri, 9 février 2005)