Cap Skiring - Boucotte wolof, Boucotte Diola, Boucotte Djembering... Ces villages privés du réseau téléphonique
mercredi 31 juillet 2024
Les populations des villages de Boucotte (Boucotte Wolof, Boucotte Diola, Boucotte, Djembering), situés à environ 3 Km de Cap Skiring, sont coupées du reste du monde.
Dans ces villages, il n’y a pas de réseau téléphonique, malgré les appels incessants des populations à l’endroit des autorités étatiques. En témoignent les différentes réactions en vidéo, recueillis par Sursaut Citoyen de la société civile. Un problème qui vient s’ajouter aux nombreuses autres difficultés qui plombent le développement de ces localités.
En ce 21e siècle, le réseau téléphonique reste encore un luxe pour les populations de certaines localités sénégalaises. C’est le cas dans ces villages de Boucotte Wolof, Boucotte Diola, Boucotte Djembéring... Lors d’un passage effectué dans ces localités, Ephrem Manga, membre de Sursaut Citoyen de la société civile, à travers une vidéo transmise à la Rédaction de Sud Quotidien, alerte sur cette situation qui indispose les populations de ces villages pourtant situés à quelques encablures de Cap Skiring, un site et une attraction touristique de la région de Ziguinchor, en Casamance.
« Je suis arrivé ici hier, et j’ai remarqué que le réseau téléphonique ne marche pas. Pour émettre un appel, il faut se déplacer vers un certain endroit pour pouvoir le faire. C’est ainsi que je suis allé voir les notables et les jeunes des villages, les enseignants, les chefs de postes de santé... pour leur demander les raisons de ce problème », a indiqué Ephrem Manga.
Cette difficulté est confirmée par le chef de village de Boucotte Wolof, Mamadou Ndiaye. « Le problème de réseau a trop duré ici. C’est depuis 30 ans que j’exerce la fonction de chef de village de Boucotte Wolof ; mais nous nous sommes toujours plaints de ce problème de réseau qui n’a que trop duré », a-t-il témoigné. Selon lui, « Malgré l’implantation d’une antenne par un opérateur, ce problème persiste toujours. Parce l’antenne est alimentée par une batterie et la batterie n’est pas bien entretenue. Il n’y a totalement pas de réseau, alors que beaucoup travaillent à travers leurs téléphones portables. Nous appelons vraiment les différents opérateurs de téléphonie à l’aide, afin qu’ils viennent nous soulager », a-t-il lancé.
Samba Diabang, délégué de quartier Soumbédioune à Boucotte Wolof, abonde, lui également, dans le même sens. « Ce problème de réseau est une réalité ici. Moi, dès fois, les gens m’appellent pour me demander si mon téléphone ne marchait pas, du fait qu’ils peinent à me joindre. D’ailleurs, avec la pluie, c’est quasi impossible de nous joindre, car on ne peut pas se déplacer sous la pluie pour émettre ou répondre à un appel. »
Et le délégué du quartier Soumbédioune, à Boucotte Wolof, de lancer un appel : « Si vraiment nous arrivons à avoir quelqu’un qui pourrait nous aider, ça va beaucoup nous consoler. Nous tendons nos mains aux autorités ainsi qu’aux opérateurs téléphoniques. Nous ne sommes pratiquement pas considérés comme des Sénégalais.. . »
Même son de cloche chez Ibrahima Mbaye, représentant de la jeunesse de Boucotte Wolof. « Je voudrais signaler qu’ici à Boucotte, nous rencontrons de réelles difficultés d’accès au réseau. Nous avions entamé des démarches ; mais, jusque-là, c’est voué à l’échec. Il n’y a pas de changements. Pour se connecter, c’est tout à fait des problèmes ».
Pour étayer son propos, il donne l’exemple du Major des Sapeurs-pompiers. D’après le représentant des jeunes de Boucotte Wolof « il y avait un major des Sapeurs-pompiers qui résidait ici. Mais, à cause de ce problème de réseau, il a dû déménager vers Cap skring. Même les gens qui travaillaient ici, à cause du problème de la connexion, étaient contraints de quitter le village ».
A quelques encablures, un autre village dit Boucotte Djembéring. Aïssatou Faty, présidente du Groupement des femmes de Boucotte Djembéring, ne dit pas le contraire : « notre réseau n’est pas des meilleurs. Même pour répondre à un appel, c’est la croix et la bannière ; sans compter l’utilisation des réseaux sociaux... c’est sur ça vraiment que nous demandons de l’aide... »
Conséquences négatives dans les secteurs de l’éducation et de la santé
Des problèmes qui ne sont pas sans conséquences, si l’on en croit les témoignages recueillis par Ephrem Manga auprès de certaines structures notamment dans les écoles, les postes de santé... Comme c’est le cas avec Boubacar Sané, Intendant du lycée de Boucotte Djembéring. « Il arrive qu’on paye un forfait et que celui-ci arrive à terme sans que l’on en fasse usage. D’ailleurs, avec notre modem du lycée, malgré les 89 gigas qu’on achète, il suffit que deux professeurs s’y connectent pour voir la connexion bloquée. On est obligé, tout le temps, de nous rabattre sur Cap Skiring », a décrit l’Intendant du lycée Boucotte Djembéring, qui a précisé, par ailleurs : « Nous avons tenté de joindre la Sonatel. Ils ont pris nos contacts afin, qu’une fois à Dakar, de pouvoir faire quelque chose. Mais, depuis lors, rien n’a changé. C’est un problème, aujourd’hui, qui touche plusieurs secteurs notamment l’éducation, la santé... »
Mme Manga Marcelle Germaine Goudiaby, Infirmière chef de poste (Icp) de Boucotte Djembéring, ne dira pas le contraire : « Vous savez que la plupart des gens travaillent maintenant à travers l’Internet. Moi, les problèmes que je rencontre dans le cadre de mon travail, c’est l’envoi de données à mes supérieurs qui sont à Oussouye.
De la même manière, s’ils m’envoient un mail pour m’annoncer une réunion, je fais partie des dernières à être au courant. Autre chose aussi, c’est qu’à chaque fois qu’on me charge de faire un travail et que je dois rédiger un rapport, je suis obligé d’aller jusqu’à Cap Skiring pour l’envoyer », a témoigné l’infirmière chef de poste de Boucotte Djembéring.
Qui plus est, elle ajoute : « c’est le même problème aussi pour mes vaccins, parce que dans le département de Oussouye, la commande de vaccin est maintenant digitalisée. Donc, à cause de ce problème de réseau, je peine toujours à accéder à la plateforme ».
Ousmane Goudiaby
(Source : Sud Quotidien, 31 juillet 2024)